9/06/2024 : Jésus dedans, ou dehors ?

Prédication du 09/06/2024 par le pasteur Marc LABARTHE

Marc 3,20 à 35

Ce passage de l’Ev selon Marc est une histoire de “ouf” ! L’avez-vous bien écoutée ? Tout va de travers, Marc se livre un malin plaisir à déboussoler tout le monde, et à déplacer Jésus selon la situation provoquée par ceux de son entourage ou par la foule bigarrée ou par les gens de Jérusalem et les scribes. 

Je retiens 2 configurations. La première est celle qui fait passer Jésus d’une position à l’extérieur à une position à l’intérieur. L’autre est celle du conflit que révèle ce changement de position, le conflit avec les scribes et ses proches. Evidemment, il y a des croisements entre ces 2 fenêtres sur le texte.

1e configuration. Au début, Jésus vient à la maison; il était en effet quelque part sur une colline de Galilée, où il a choisi les 12 apôtres. Il vient à la maison, mais la foule est tellement dense, que eux ne peuvent même pas manger le pain. Jésus est donc dehors, et la foule qui l’attend l’empêche d’accéder à la nourriture, au point que ni lui, ni les disciples ni les gens n’ont de temps pour manger. Cette foule attend de Jésus qu’il guérisse et libère des démons – v.7à11- Et tant pis si le ventre crie famine. 

Ceux qui attendent à l’intérieur, en ont assez d’attendre, et sortent pour se saisir de Jésus et le faire entrer de gré ou de force, car en restant dehors, Jésus est hors de lui ! Marc joue avec les mots. Mais il faut attendre la fin de notre passage pour voir la situation totalement s’inverser.

Au v.31, sa mère, ses frères et soeurs arrivent, et se tiennent dehors – la foule bloque l’accès à Jésus. Ils font donc savoir à Jésus, qui est dans la maison, qu’ils l’attendent dehors. Entre le début et la fin, Jésus de dehors qu’il était parce que bloqué par la foule, s’est trouvé dedans, tandis que sa parenté qui était dedans se trouve bloquée dehors par cette même foule compacte. 

Que s’est-il passé pour qu’il y ait inversion des lieux ? une abérration de l’écrivain? Ou alors, cette permutation veut nous enseigner quelque chose au sujet de notre lieu, et aussi du lieu de Jésus. Lorsque ses proches disent qu’il est hors de lui, Jésus en effet, est hors de leurs systèmes de pensée, il est hors d’atteinte, il n’est pas encadré comme ils le désirent, il n’entre pas dans leurs combines, il ne peut manger à leur manière. Mais lorsque ses plus intimes comme sa mère, F&S, veulent le déloger de son identité, de ce pour quoi il est venu, ceux pour qui il agit, ils ne le peuvent pas. Jésus est fou car il ne suit pas les règles établies, mais il est sûr et certain de faire la volonté de Dieu auprès des foules. 

Cette foule qui fait blocage d’un côté comme de l’autre, a 2 versants, l’un accapare l’activité de Jésus au point de manquer des repas, ce qui est indadmissible pour la famille. L’autre versant est une foule qui fait corps avec lui, parce qu’il en a guéri les malades, et chassé les démons, au point qu’ils sont comme sa mère, ses F&S. Jésus est au centre de la maison qu’il forme avec eux, il est entré dans la demeure de l’homme fort et l’a délogé, au point qu’une nouvelle vision des relations humaines se met en place.

La 2e configuration, c’est le conflit avec les scribes et ceux de Paris/Jérusalem. Mais en fait, ce conflit a été commencé par sa parenté : ce sont eux qui osent dire que Jésus est à côté de la plaque. Et les scribes surenchérissent, car ils savent, eux, ce qu’il en est, en se mêlant quelque peu à la foule : ils ont vu les guérisons et surtout les démoniaques libérés. Jésus est un personnage sulfureux, il ne respecte pas certaines règles pourtant bien marquées dans la Torah, comme ne pas arracher des épis ou guérir un handicapé le jour du chabbat, ou même annoncer le pardon des péchés à un paralysé. Les scribes se situent à l’intérieur du cadre de la Torah, ils en savent les contours, les limites, et ceux qui sont dehors.

Alors les scribes n’ont qu’une solution pour expliquer la réussite de Jésus : son pouvoir vient du prince des démons, il trompe les gens pour mieux les enfermer. ils sont sûr de leur fait, ils déclarent que le bien que Jésus fait est un faux bien puisqu’il sort de Beelseboul. 

Mais Jésus réplique par du bon sens puis une parabole, et il en tire une conclusion terrifiante. 3 images de conflit. Le bon sens est que Satan ne peut se jeter lui-même dehors, car son pouvoir est alors divisé, affaibli : une lutte intestine conduit à la désintégration. Or si le chasseur n’est pas le satan, qui est-ce donc ? Jésus raconte la parabole de la maison de l’homme fort, que personne ne peut voler tant qu’il est en place; mais si un plus fort le lie, sa maison peut être investie. C’est une image de ce qu’il est en train de faire : la maison de l’homme fort, c’est la foule, et le pillage de la maison, ce sont les guérisons et les délivrances. Jésus est donc celui qui peut lier le satan et prendre ses biens pour les libérer et en faire des enfants de Dieu. Il entre dans la foule jusqu’en son centre.

La conclusion est sans appel, mais est un Appel : persister à dire que l’oeuvre de guérison et de libération a la même origine que la maladie et la possession, c’est dénigrer l’oeuvre de l’Esprit Saint ; le blasphème est faire passer le satan pour l’Esprit de Dieu, ou l’inverse est tout aussi vrai, dire que l’Esprit st est Beelseboul. Maintenir à tout prix cette inversion ne peut être pardonné, il conduit à la mort ; dénaturer l’oeuvre de Dieu, c’est crucifier Jésus. Et mettre en lumière cette contradiction profonde, c’est un appel à la conversion, à changer sa logique, à reconnaître que son système personnel est dévoyé, faussé, et qu’il a besoin de l’action libératrice de Jésus. 

Les scribes ont voulu exclure Jésus en le qualifiant d’esprit mauvais; or Jésus prône le bien qui guérit, rétablit un équilibre de vie, rend libre d’obsessions mortifères. Il ose dire que c’est là l’oeuvre de Dieu et de son Esprit, et que renier ce fait c’est faire le jeu du diable qu’il est venu lier. Jésus n’est pas hors jeu, il n’est plus dehors, mais au coeur du renouveau qu’il rend possible pour la foule. Les scribes qui s’entêteront réussiront à le crucifier, mais ceux qui accepteront le message de Jésus, auront une guérison intérieure dont le fruit rejaillira en vie éternelle. 

Marc nous présente Jésus qui vient, qui entre en conflit avec sa famille comme avec ceux qui le dénigrent. Mais Jésus est celui qui sait : ce qu’il fait, où conduisent ses pas, le résultat de ses gestes d’autorités, la paix de ses paroles libératrices et consolantes. Son clan et ses adversaires le croient dehors, alors que Jésus voit tout à fait autrement. C’est lui qui tient les positions vitales et qui les distribuent à celles et ceux qui en ont besoin, qui acceptent de sortir de chez eux pour entrer chez Jésus, dans cette foule qui constitue comme son corps.

Nous sommes parfois critiques comme sa famille, ou disqualifiant comme les scribes, ou versatiles comme la foule. Notre joie est que Jésus pose sur nous son regard et nous dise, voici ma mère, mon frère, ma soeur.

Version PDF à télécharger

Contact