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7 janvier 2024 : Sortir des sentiers battus
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Prédication du 07/01/2024 par le pasteur Marc LABARTHE
Esaïe 60,1à6 Matthieu 2,1à12 Ephésiens 3,2à6
L’histoire des mages ne se déroule pas la même nuit que l’histoire des bergers. Ils ne se retrouvent pas ensemble devant le nourrisson et ses parents, comme les crèches nous le font croire. Deux histoires vraiment différentes.
Les références bibliques auxquelles font allusion cette visite inattendue, renvoient à des situations humaines catastrophiques, et non pas à une belle soirée bisounours. Ainsi, le proph Esaïe qui annonce l’arrivée de la lumière suivie d’un retour de l’exil avec les richesses de l’Orient, a d’abord décrit la situation négative dans laquelle se trouve le peuple et le monde : écoutez le début du ch. 59 : vos mains sont souillées de sang vos doigts de fautes ; vos lèvres profèrent le mensonge, votre langue murmure l’injustice. … On met sa confiance dans le chaos, et on tient des discours d’illusion ; on conçoit l’oppression, et on met au monde le mal.
Et Paul dans sa lettre, laisse clairement entendre que la situation présente est celle de la séparation des peuples, du racisme, de l’exploitation, l’esclavage. Et même chez Mt, la fête conduit au massacre v.16, et hier ressemble à aujourd’hui.
Or l’arrivée des mages signifie qu’une percée de la lumière divine se produit dans l’angoisse et la mort qui rôdent sur le peuple, et sur le monde.
Les mages sont des révélateurs et par conséquent des provocateurs de problèmes : ils arrivent à l’improviste à Jérusalem, et interrogent naïvement au sujet de la naissance royale. Tout le monde devrait être au courant, mais personne ne sait rien. Leurs questions perturbent, jusqu’au roi Hérode qui est remué, troublé. La réaction est vive : les mages sont liés à la religion et, face à eux, les maîtres de la Loi ne sont pas en reste et trouvent rapidement une réponse : orienter la recherche vers Bethléem. Mais pourquoi cette prétendue naissance pose-t-elle une telle confusion dans la vie des gens et des autorités ?
Eh bien, parce que rien n’est remonté de cette naissance royale, depuis Béthléem jusqu’à l’autorité régnante, ni jusqu’aux responsables religieux. Quelles sont ces barrières si étanches, que la venue de Jésus n’est pas connue ? Pourtant, l’attente du libérateur n’était pas éteinte, depuis le temps que les prêtres l’annonçaient par les textes des prophètes : de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple; ou : Lève-toi, brille : ta lumière arrive, la gloire du SEIGNEUR se lève sur toi. Chaque naissance dans ce village devait être vérifiée avec attention. Or celle de Jésus échappe aux radars les plus proches ; même pas de bergers bavards pour en parler (chez Mt) ; seule la vigilance de quelques mages babyloniens dont on se méfie.
Cependant malgré leur étoile, les mages se sont trompés. Ils ne savent pas où est Jésus. Et en entrant à Jérusalem, ils se jettent dans la gueule du loup, ils sont confrontés aux forces qui ne veulent pas être dérangées : l’establishment religieux et le despote au pouvoir.
Dans notre monde fracturé, entre les régions en conflits avec des massacres de toutes sortes, réalisés pour sauver le monde, et les régions qui se livrent au pouvoir d’une prétendue intelligence artificielle qui sauvera le monde, où est le Sauveur du monde ? C’est notre problème, aujourd’hui, de savoir le trouver et se laisser perturber, et d’aller le rencontrer, et de lui faire allégeance, si nous le voulons ainsi.
Parce que c’est bien ce que les mages ont fait. Renvoyés sans honneurs de la ville sainte, sans escorte, direction le sud, leur seule joie a été de retrouver leur étoile : la voyant, ils se réjouissent d’une joie très grande à l’extrême. L’étoile leur indique la maison où se trouve Jésus. Et là, ils s’agenouillent, ils font allégeance, ils donnent des cadeaux inutiles pour un bébé, mais combien symboliques, pour exprimer que cet enfant change complètement leur vision d’eux-mêmes et de leur vie. Ils peuvent dès lors entendre l’ange leur parler, en eux-mêmes, et accepter de prendre un chemin inattendu pour retourner chez eux ; l’étoile est devenue inutile, ou peut-être qu’elle s’est incarnée dans le petit enfant.
Quant à nous aujourd’hui, où cherchons-nous le roi des Juifs ? Dans quelle maison se trouve-t-il ? Quels endroits habite-t-il dans le monde ? Il peut être difficile de le trouver dans nos préoccupations quotidiennes pour survivre et rester en bonne santé. Il peut être difficile de le voir au milieu des Eglises qui se vident. Il peut être difficile de l’entendre dans le tapage médiatique qui nous entoure. Oui, il est difficile de trouver l’endroit où il habite lorsque nous regardons le chaos de nos vies, le chaos de ce monde livré à la guerre, à la violence et à la tragédie.
Nous avons tendance à agir bien plus comme Hérode plutôt que de suivre les mages. Comme beaucoup d’entre nous, Hérode compte sur ses propre capacités, sur sa connaissance religieuse et sa maîtrise de ce qui l’entoure. N’avons-nous pas notre connaissance de l’Eglise, notre interprétation de quelques textes bibliques pour nous rassurer d’être dans le bon chemin, et donc de maîtriser notre progression dans la vie, jusque dans notre vie spirituelle ?
Or la venue de Jésus est censée nous remuer dans notre forteresse intérieure, comme tout Jérusalem l’a été. Ne restons pas dans notre ville sainte intérieure, mais suivons les mages, en nous déracinant, comme eux, de bcp de nos sécurités et de nos acquis. Laissons de côté ce que nous croyons avoir et n’ayons pas peur de prendre la route de Bethléem avec la seule lumière de l’étoile. Nous allons rencontrer le Seigneur, dont le pouvoir/autorité ne se manifeste que dans l’humilité de ceux qui s’agenouillent devant lui, et lui remettent leur trésor.
Comme les mages, malgré certains égarements, nous avons notre étoile, et nous savons le lieu de la rencontre, que ce soit Bethléem ou Golgotha. Comme les mages, nous pouvons abandonner aux pieds de l’enfant ou de la croix, nos peurs, nos propriétés, nos richesses, nos élucubrations intellectuelles, nos erreurs, et notre chemin à venir. Le chemin aussi bien personnel que celui de l’Eglise. Un autre chemin est parfois nécessaire, malgré les conséquences qu’il provoquera : saurons-nous entendre la voix de l’ange ou de l’Esprit, à ce sujet ? pour l’année qui s’ouvre ?