- Accueil
- Articles
- 2021
- Prédications
- 6/06/2021 : Sang de Cène
6/06/2021 : Sang de Cène
Partage
prédication du 6/06/2021 par le pasteur Marc LABARTHE
Après la Pentecôte, et le dimanche de la Trinité, les textes de nos lectionnaires nous font aborder le dernier repas pascal que Jésus a pris avec ses disciples ; accompagnés de 2 autres textes qui ont été visiblement choisis pour en donner une lecture particulière, orientée vers l’interprétation que les fidèles doivent comprendre. Ainsi, l’institution de la sainte Cène chez Marc, est illustré par le geste de Moïse, qui prend du sang de taureaux sacrifiés, qu’il projette sur l’assemblée (Exode), et une explication du sang de Jésus qui purifie notre conscience, par l’auteur de Hébreux – parfois attribué à Paul.
L’objectif est de montrer la centralité de ce repas, pour l’église, pour sa vie, pour son témoignage. Un repas que les disciples de Jésus, après la Pentecôte, selon les Actes d’Apôtres, ont actualisé.
Alors, nous allons rapidement survoler ces 3 textes, pour découvrir ce qu’ils nous disent, et s’ils nous aident à comprendre le dernier repas de Jésus avant sa mort. Marc situe ce repas le jour des pains azymes, le jour où l’on abat les agneaux pour les manger au soir dans les maisons, en souvenir de la nuit de libération de l’esclavage.
• Or, le texte d’Exode n’est pas du tout en lien avec cette nuit de sortie d’Egypte, mais bien après, avec le don des paroles du Seigneur, avec les Tables des 10 commandements. Ces paroles du Seigneur, reçues par le peuple au Sinaï, aboutissent à un geste d’alliance, avec la mort de taureaux et l’utilisation de leur sang par moitié : une moitié sur le peuple, une moitié sur l’autel, marquant ainsi le lien de vie et de mort entre le peuple et Dieu. L’essentiel de cette histoire, ce n’est pas le sang des taureaux, mais bien le relation d’interdépendance entre le peuple et Dieu : Dieu donne ses instructions de liberté, le peuple les reçoit et s’engage à y obéir (v3 & 7). Si un jour, il n’obéit plus, Dieu peut lui faire subir la mort, ce que signifie le sang aspergé sur lui. C’est le sang de l’alliance conclue par Dieu avec le peuple (v8).
Le lien avec l’évangile est l’expression : le sang de l’alliance. Mais la situation n’est plus la sortie d’Egypte, ici le peuple s’engage à l’obéissance, et le contrat qui est fixé est radical, le sang des taureaux répandu sur eux en témoigne. Le sang de l’alliance que Jésus partage avec ses disciples a-t-il cette dimension d’engagement et d’obéissance de leur part — de notre part — à ses paroles ?
•• La lettre aux Hébreux est une relecture de la passion de Jésus au regard des rituels pratiqués dans le temple de Jérusalem, peut-être encore en service à l’époque. Et dans le passage lu, l’accent est mis sur l’action de Jésus, en lui-même et par lui-même. Il assume le rôle du prêtre et aussi celui de l’animal égorgé (v11-12). Puis l’auteur explique l’effet de la mort de Jésus, l’impact causé par le sang que Jésus a versé par sa mort, et en même temps, qu’il a porté lui-même dans la présence de Dieu lui-même. Pour lui, la mort de Jésus a eu lieu pour la rédemption des transgressions commises sous la première alliance, afin que ceux qui sont appelés reçoivent l’héritage éternel qui a été promis (v15). Le sang est versé pour libérer la conscience des oeuvres mortes, et pour rendre un culte à Dieu (v14).
Cette interprétation s’appuie sur plusieurs livres, Exode, Lévitique et Nombres. Il mélange donc, ou rapproche plusieurs histoires différentes pour en faire une seule sous l’autorité de Jésus, qui occupe toute la place, et toutes les places : prêtre, réparation, pécheur, taureau. Une partie de l’interprétation rejoint Ex.24, avec le culte à rendre à Dieu, qu’on peut exprimer par une manière de vivre son existence au quotidien qui met Dieu au centre afin de suivre ses paroles dans nos propres paroles et actions. Mais l’auteur ajoute la notion de purification des consciences, de rachat des transgressions. Il utilise un passage du Lév (16), pour que le sang ait aussi le sens d’une purification du peuple (v22).
Ce texte d’Héb est un peu difficile à comprendre, parce qu’il parle du sang, de rituels disparus, mais qu’on trouve encore dans le système romain ou dans l’islam et d’autres religions. Et nous adoptons leur langage par mimétisme, sans rester attentifs à la bonne nouvelle de Jésus. Or, le sang de l’alliance que Jéus partage avec ses disciples est-il purification de nos consciences et organisation du nouveau culte à rendre à Dieu ?
••• L’Ev. selon Marc dit que Jésus veut célébrer la Pâque au cœur de Jérusalem, dans une salle préparée, inconnue, sans valeur sacrée. Le texte ne dit rien sur le mobilier cette pièce. Elle est assez vaste pour qu’on puisse y manger à treize. Seuls les apôtres sont invités au dernier repas, aucune des femmes qui le suivaient et qui ont tant d’importance dans l’évangile, ni d’autres disciples, apparament. Le texte ne parle pas d’agneau ni d’herbes amères : rien sur le menu ni sur l’observance du rituel juif du Seder. Marc nous parle de l’ambiance d’une part, et d’une inflexion du rituel d’autre part.
– Quant à l’ambiance. Alors que chacun plonge avec plaisir la main dans le même plat de viande, Jésus ne raconte pas que l’histoire d’autrefois en Egypte ; il actualise dramatiquement, en dévoilant qu’un des 12 va le livrer. Etrange suspens, ils ont tous peur : personne n’ose dire qu’il ne le fera pas; chacun craint d’être l’auteur. Et d’une certaine manière, au travers des figures de Judas et de Pierre, ils vont livrer Jésus et le renier. Nous lecteurs, nous ne ferons pas mieux, nous sommes à leur image.
Est-ce moi ? La réponse de Jésus laisse la porte ouverte : il précise que l’acte de Judas participe à l’accomplissement des Ecritures, mais qu’il est responsable de son acte : « …malheureux l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! ». Jésus semble dire en d’autres termes : Je vais à la croix, mais quel malheur qu’il y ait quelqu’un pour me livrer. Dans l’Ev selon Marc, il ne faut pas un traître pour que le monde soit sauvé. Judas n’est ni instrument de Dieu ni instrument de Satan. Jésus englobe tout le monde, et il plombe l’atmosphère de la fête qui était celle d’une libération imméritée.
– Quant au rituel du repas. Jésus pratique la tradition du Seder, avec différentes bénédictions. Mais il modifie la référence au pain, et celle au vin. Le pain du Messie attendu, l’Afikomen, c’est lui Jésus, en tout ce qu’il est, corps âme esprit, en toute sa vie : Jésus est ce pain sans levain qui donne la vie, pain sans violence, pain sans oppression… . Et avec la coupe de libération, elle est accomplie en sa mort qui survient bientôt, elle est le sang d’une alliance nouvelle, répandu pour beaucoup, aspergé pour beaucoup ; ce vin, bu, devient bénédiction pour beaucoup. Ce changement d’orientation du repas pascal est une ultime épreuve pour les apôtres, parce que Jésus, en la partageant avec eux tous, les assure que son alliance dépassera leurs faiblesses et leur péché : tous ont livré Jésus, tous ont renié Jésus, tous ont abandonné Jésus en s’enfuyant de terreur. Belle brochette d’apôtres, et nous avec, pour ce repas !
Chez Marc, le sang de l’alliance que Jésus partage avec ses disciples est pour ceux qui lâchent pied, qui abandonnent, qui se détournent de lui. Pour Moïse le sang de l’alliance est un engagement à obéir, et pour Hébreux, le sang de l’alliance est une purification de la culpabilité.
Ainsi pour tous, prendre part à ce repas est notre accueil par l’amour de Dieu, et notre accord d’entrer dans l’amour de Dieu, tel que Jésus l’a mis en oeuvre, et le partager à notre tour.