4/04/2021 : Marc-peur ou crainte

prédication du 4 avril 2021 par le pasteur Marc LABARTHE

Marc 16, 1 à 8

Pâques, bonne nouvelle, Jésus est ressuscité ! Jésus est sorti de la tombe, Jésus n’est plus mort, il est vivant, il vit éternellement, la mort n’a plus de prise sur lui. Pâques est le point de départ de la vie de l’église. A cause de ce matin de Pâques, il y a Eglise, des chrétiens, des réunions comme ce matin, à l’aube ou à 10h.

Mais Pâques : Pâques, autour de vous, c’est devenu quoi ? un oeuf ou un lapin en chocolat ? un repas plantureux avec une bonne et belle viande ? Plusieurs autour de nous préfèrent ne pas venir au culte parce que le repas ne peut pas attendre, les enfants et leurs conjoints ne comprendraient pas…surtout si vous dites que c’est pour la plus importante des fêtes, celle de la résurrection !
Ambivalence de cette histoire autour de la résurrection de Jésus-Christ. D’un côté, quelque chose a basculé, quelque chose à changé l’organisation et les données de l’existence. De l’autre côté, cette histoire n’a plus d’autre sens que la fête et la bouffe.

Contrairement à Noël, les 4 Evangiles racontent que Jésus n’est plus dans la tombe, et que cela provoque un effet de stupeur et d’incompréhension. Tous les évangiles donnent des précisions similaires sur le fait que ce sont des femmes, les premières, qui ont découvert que le tombeau a été visité, que la dépouille de Jésus a disparu. Tous les évangiles parlent de quelqu’un de vivant et qui parle, dans le tombeau ou à côté de lui. Mais chaque Evangile décrit l’histoire à sa manière, et chacune vaut la peine d’être entendue pour elle-même.

Aujourd’hui, c’est l’Ev. selon Mc. Et l’orsqu’on lit les 8v. dans la plupart de nos versions françaises, on est plus qu’emprunté. Parce que Mc est très sobre dans sa description, rien de spectaculaire ; et surtout, il termine avec une fin déroutante, avec la peur qui tétanise les femmes au point qu’elles se terrent et se taisent. Et cette fin-là, n’encourage pas la foi, puisque l’absence de témoignage fait disparaître nos églises.

Cette peur qui habite les femmes a encouragé des copistes de l’Ev. Mc à le compléter par quelques informatoins complémentaires. Par ex, la fin longue que nous avons dans nos bibles, entre [], est clairement emprunté aux 3 autres Ev. Ne fallait-il pas apporter une espérance différente, à cette peur sur laquelle Mc s’est arrêté ?

Mais comme pour bien d’autres textes, profanes ou religieux, nous devons nous arrêter sur les difficultés que présentent certains passages. Et dans ces 8v de ce ch. 16, il y en a 2 qui me semblent cruciales. La première se trouve au v.2 au sujet de l’horaire matinal, et la seconde au v.8, au sujet de la peur.

Restons sur le thème de la peur : Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau car elles étaient tremblantes et bouleversées, et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. Elles avaient peur, elles étaient effrayées, disent nos traductions ; LSgd 1910 traduit à cause de leur effroi. Une version que personne ne lit, Vigouroux (1902-Vulgate), écrit à cause de leur crainte.

Retenez bien ce mot —crainte— qui n’a pas la même signification que le mot peur. La crainte recouvre avant tout le sens de respect, de soumission respectueuse à l’autorité qui se trouve présente, la crainte donne envie d’en connaître davantage, parce qu’on y est invité, parce que la vie, le salut, vient de celui qui provoque la crainte ; la peur et l’effroi sont autre chose ; la peur entraîne la fuite, l’angoisse, l’envie de tout abandonner et de tout oublier, l’effroi écrase et empêche tout développement.

Or le verbe grec utilisé par Mc a donné le mot phobie, mais il a dans des passages clés, comme la transfiguration, le sens de crainte, et non pas de peur. Et cela conduit à changer notre regard et notre interprétation de cette fin bizarre que donnent nos traductions. Elles ne dirent rien à personne, car elles étaient remplies de crainte. Pour moi comme pour d’autres commentateurs, le silence premier ne vient pas de la peur, mais de la crainte.

Parce que la peur qu’elles ont eues, ces femmes, c’est avant. Avant leur fuite. La crainte vient après, après leur sortie du tombeau. Avant, c’est d’abord une inquiétude, pour rouler la pierre sur la pente : même à 3 elles n’y arriveront pas. Puis la pierre, déjà roulée, qui a pu… ? la tension monte. Entrées dans le tombeau, elles voient, non pas un cadavre, mais un jeune en vêtements blanc. C’est là que l’effroi les saisit, rien ne va plus. Loin d’être un zombie, le jeune parle, les apaise, les accompagne dans l’incroyable, et les envoie en mission. Elles sortent, elles s’enfuient, loin du tombeau, non pas du jeune qui a parlé; car c’est bien sa parole définissant sa présence et expliquant la situation, qui est sujet de crainte, alors que le tombeau sans cadavre est sujet de peur.

Mc ne dit pas que c’est un ange, mais un jeune homme plein de vie et de douceur pour ces femmes. Il est vêtu de blanc, signe de pureté de la vie, signe du divin présent au monde (comme transfiguration 9.3). Elles, elles sont venues en deuil, couvertes de cendres sur la tête, p.-ê. revêtues de guenilles ou d’habits déchirés, selon la coutume de l’époque, et non pas en vêtements d’apparat comme les peintres ont dessiné, pour une toilette mortuaire. Contraste avec le jeune assis, bien vivant, il parle avec clarté et précision, c’est lui qui nomme Jésus, le crucifié, qui aurait donc dû être là; il a été relevé, il est ressuscité, il n’est donc pas ici, voyez.

Mc suggère tout en finesse que la peur éprouvée par la violation de la tombe, le cadavre absent mais un jeune assis et vivant, a été changée en crainte par les paroles du jeune homme, dont l’aspect comme le discours viennent bouleverser la vie de ces femmes. Alors qu’elles s’inquiétaient de leur accession possible au cadavre de leur maître, voilà qu’elles ne peuvent même pas pleurer leur mort, la tombe est un trou sans contenu, la mort est vidée de celui qu’elle tenait. Où est donc le mort, la mort ? effroi du non-sens, terreur de l’absence inexplicable. C’est la parole d’un jeune, de celui qui est porteur d’avenir, qui les fait cheminer, non plus seulement extérieurement, mais intérieurement, dans leur coeur, dans leur force, dans leur esprit. Elles sont même renvoyées par le jeune homme, qui ne tient pas à les garder dans la tombe : allez dire ! Etant sorties, elles fuient le tombeau, saisies de tremblement et de trouble. Il y a de quoi ; et que dire ? comment dire l’indicible, l’improbable, l’impossible ?

Mc apporte une progression dans son ultime phrase; sur ordre du jeune, elles sortent du tombeau, elles s’enfuient loin de la tombe. Tremblantes elles le sont, troublées elles le sont, car crainte elles ont. Mc nous fait cheminer par ce moyen.
De la peur, sans avenir et qui prolonge la mort, en passant par les tremblements du corps, le trouble de l’esprit et de la pensée, deux mots signifiant, comme une métaphore, la présence du Christ vivant en elle, qui peu à peu leur fait changer de perspective, changer d’espérance, entrer dans l’immense respect que l’on éprouve devant Dieu, devant son mystère, son action si puissante et si intense de discrétion. Elles sont saisies de crainte, d’une cainte telle qu’elles ne peuvent parler. Que dire de la révélation du mystère de Dieu ? En cela Mc nous renvoie au début de son Evangile, bonne nouvelle de Jésus le Fils de Dieu !

Jésus est ressuscité ! allez le dire ! grâce à l’Evangile de Jésus le FD ! tout en laissant la crainte de Dieu vous changer intérieurement. Et c’est bien ce qu’affirme Paul : Oui, vous êtes passés par la mort, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Le Christ est votre vie. amen

 

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