31/07/2022 : Jésus rencontre et libère

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Marc 5, 25 – 34

Cette femme est en sursis. Elle est condamnée à l’isolement social. Elle n’y est pour rien. Elle est atteinte d’une maladie que l’on considère comme honteuse. Et depuis douze ans!  Et comme tout se sait sur tout le monde dans un gros village !

Il faut relever que le terme grec utilisé aux v29+34 pour désigner la maladie -le mal- est mastix, qui signifie littéralement le fouet ! Et c’est bien ainsi qu’elle vit sa maladie: comme le fouet d’un châtiment : 

Condamnée à souffrir physiquement, peut-être; à ne jamais se sentir propre, à l’aise dans ses vêtements, toujours sur ses gardes. Condamnée à être pointée du doigt : à son passage, on détourne les yeux et les visages avec une moue de dégoût … ou de pitié – mais ce n’est pas vraiment mieux! On change de trottoir, les mères tirent à elles leurs enfants. Surtout pas de contact: on ne sait jamais, avec ces maladies honteuses … 

En prêtant bien l’oreille, on peut entendre ces quelques bribes de conversations: Et puis, pourquoi ça lui arrive à elle, hein ? Précisément à elle et pas à une autre. Ce genre de maladie, ça ne nous tombe pas dessus par hasard ! Il y a toujours une raison. Je suis sûr qu’elle l’a cherché. Elle l’a sans doute bien mérité. Au fond, tant pis pour elle. Non … tant mieux ! Il y a tout de même une justice divine.

Voilà sans doute ce que l’on dit … C’est tellement facile et sécurisant de croire que c’est une malédiction, le fouet du châtiment divin … L’explication est commode. Elle justifie à très bon compte le rejet et le mépris que l’on affiche pour cette pauvre femme. 

• Pour elle, la vie s’est figée il y a de nombreuses années. Depuis le moment où elle a commencé à perdre en permanence du sang : à la puberté ? ou après un accouchement ? Pour l’époque et la culture, c’est une femme souillée, en situation constante d’impureté. Impossible de trouver un mari – ou le garder. Une morte vivante! Epuisée physiquement par la maladie et les traitements médicaux inutiles. Avec la honte qui lui fiche la crampe au ventre, l’humiliation, l’impression du châtiment et du rejet. Plus d’avenir, juste l’aumône de la famille ou de quelques amis, qui lui permet de survivre. Que peut-elle espérer encore ?

Pensez-vous que cela ne se verrait plus de nos jours, que cela ne pouvait exister qu’à une époque lointaine et définitivement révolue? Allons donc! Faut-il rappeler le regard que l’on porte aujourd’hui sur certains handicapés de la vie? Faut-il rappeler ce que l’on disait de certains malades atteints du sida, et aujourd’hui au sujet des non-vaccinés de la covid, par exemple? sera-ce bientôt les mêmes gémonies avec la variole du singe ? ou la prochaine épidémie ? Non, détrompez-vous : cette histoire est bien actuelle et, hélas, lamentablement ordinaire. 

• Ce jour-là, elle remonte le flot de cette foule, courageuse et volontaire, comme on affronte une mer déchaînée, juste pour faire surface. Elle s’approche enfin de celui à qui elle espère s’agripper, comme on s’accroche à une bouée de sauvetage. L’impure, que personne n’approche, cherche à toucher Jésus, saisir un bout de son vêtement. Et lui, il accueille ce geste audacieux, insensé et impudique de cette femme pourtant maudite. Pas comme tous ces propres justes qui ont dû faire les outrés et un pas de côté à son passage. 

• Aussitôt, Jésus entend le cri de son cœur et de son fol espoir. C’est qu’il en faut de l’écoute et de la sensibilité pour remarquer cette femme qui se noie au milieu d’une foule grouillante et bousculante. Surtout pour la recevoir, malgré les regards hostiles et jugeants. Mais Jésus est résolument un homme libre. 

Les disciples pensent que Jésus déraisonne quelque peu lorsqu’ils l’entendent demander: Qui m’a touché volontairement ?  Embarras et stupéfaction des disciples: Voyons, Jésus. La foule te presse de toutes parts … et tu demandes qui t’a touché? ! 

Ce qu’ils semblent ignorer, c’est que Jésus sait faire la différence entre être pressé, bousculé par une foule compacte, et être touché volontairement par la main d’une femme qui place en lui le dernier espoir de sa vie. Il sait reconnaître le geste de l’individu pourtant fondu dans le flot d’une foule anonyme. Ce mouvement volontaire revêt une bien plus grande importance à ses yeux que celui d’une masse qui le bouscule, uniquement portée par l’envie du spectacle à venir. Une force est sortie – une décharge d’énergie inhabituelle, bienfaisante, a eu lieu. Jésus l’a senti, et la femme l’a ressenti, comme une cautérisation intérieure.

• En un instant, Jésus comble les besoins essentiels de cette femme: elle est guérie, rassurée, aimée, reconnue et propulsée dans un nouveau projet de vie. 

Combien souffrent, aujourd’hui, non seulement dans leur corps, mais aussi dans leur âme. Cette souffrance est encore parfois plus douloureuse. Tant de gens qui, bien que trimballés, bousculés au milieu d’une foule gesticulante, se sentent seuls, terriblement seuls. Personne avec qui communiquer. Et tant de moquerie, de sous entendus, de sourires en coin. Souffrance, insécurité, solitude, exclusion, et tant d’autres situations … 

C’est le lot d’une immense population qui nous entoure : parmi les jeunes, les réseaux dits sociaux sont délétères. Chez les adultes —Dans notre quartier, à notre porte. Sous notre toit, peut-être. Qui ne trimballe pas sa petite hémorragie qui lui fait honte, qui le ronge doucement et qui l’empêche de vivre? 

Un mal-être qui se creuse plus notre société s’agite, tourbillonne, dans sa quête effrénée d’un bonheur immédiat mais superficiel et souvent insensé. Une société qui s’étourdit pour ne pas trop penser, et qui ne prend pas le temps de panser ses plaies. Et de renouer la relation. 

Prendre le temps de se toucher-volontairement avec la main, avec le regard, avec le cœur. Prendre le temps de s’accueillir, libérés des préjugés, des idées simplistes, réductrices.

Prendre le temps de s’arrêter pour que la véritable rencontre puisse avoir lieu. Se donner le droit de refuser de faire partie du mouvement uniforme de la foule, en général incontrôlable et manipulée. Réaliser que le jugement de la majorité n’est pas forcément juste par le fait de cette majorité.
Ecouter la voix de son cœur. Le souffle de l’Esprit saint. Le verbe fait chair.

• Je vous le dis franchement: si un jour on me plaque une maladie honteuse sur le dos, j’aimerais bien rencontrer quelqu’un qui m’accueille comme Jésus l’a fait avec cette femme. Il n’a pas craint les interdits, il a oublié les gestes barrières, il a accueilli la triplement exclue : impure par son sang, condamnable par son approche cachée, et femme qui importune le maître. 

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