30/03/2025 -Luc – deux frères à réconcilier

prédication donnée à Livron

Luc 15, 1à3a  &  11 à 32         2 Corinthiens 5, 17à21

Une parabole archi-connue, même au-delà de l’Eglise, au point d’être citée sans comprendre les conséquences qu’elle est sensée produire. Quelle est donc la Parole que Dieu nous adresse, par cette histoire ? (selon notre prière avant lecture du texte !) : En quoi sommes-nous concernés, impliqués ?

Les premières phrases de la lecture, nous rappellent le contexte général : Jésus a une raison particulière pour se mettre à raconter cette parabole, et c’est la grogne des pharisiens et des scribes, qui n’appréciaient pas que Jésus fréquente les collecteurs d’impôts et les pécheurs ; que ces parias s’approchent de lui et qu’il mange avec eux, c’est indécent, et surtout contraire à la loi de Dieu ! Si Jésus est prophète, il ne peut pas fréquenter les trumpistes, les poutinistes, et ces boursicoteurs assoiffés d’argent et de succès. Manger avec eux ? mais c’est pire encore que d’aider un émigré sans papier, un lépreux ou une femme seule ! En réponse aux pharisiens et aux scribes, Jésus raconte une parabole.

En fait, nous savons qu’il y a trois paraboles, à commencer par celle du berger à la recherche de sa brebis perdue, puis celle de la femme à la recherche de sa drachme perdue. Enfin, la parabole du fils perdu. Mais ces trois paraboles ont pour but d’inviter les pharisiens, les scribes, les disciples et nous-mêmes(!), à nous réjouir et à célébrer le fait que ce qui était perdu est retrouvé ! Car Jésus conclut les premières paraboles en disant : Lorsque la brebis et la drachme perdues sont retrouvées, que ferions-nous, sinon appeler nos amis et voisins en leur disant : « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ce qui était perdu !

Mais la fin n’est pas si simple dans la 3e parabole, car contrairement à la brebis et à la drachme perdues, le fils perdu avait…un frère ! Et lorsqu’un élément humain s’ajoute à l’histoire, les choses se compliquent, comme c’est souvent le cas avec les familles, et toute relation humaine. Or cette fin bien différente des 2 premières, montre que Jésus défie directement les prétentions assurées des pharisiens, toutes leurs critiques jalouses, représentées par le frère aîné de la parabole.

Et il n’y a pas de quoi se tromper. D’un côté, Jésus tend la main aux perdus et les fait entrer dans le royaume de Dieu – et il y a fête au ciel pour cela ; de l’autre, les pharisiens et les scribes ne se réjouissent pas et ne remercient pas que les perdus aient été retrouvés, mais expriment leur ressentiment scandalisé. Avec une 3e parabole, Jésus implique les chefs religieux de telle manière qu’ils soient interpellés et peut-être confondus ; seront-ils convaincus qu’il existe une autre façon de réagir à la fréquentation des pécheurs par Jésus ? La conclusion de la parabole est faite par le principal héros de l’histoire, le père, qui s’adresse à son fils aîné : Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Et pourtant, il convenait de fêter et de se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.

La parabole s’arrête là. Elle laisse aux auditeurs d’arrêter le choix du fils aîné : rester hors de la fête, ou entrer et se laisser prendre par la joie des retrouvailles. Nous savons que cette parabole émouvante et pleine de sens n’a pas eu l’effet escompté. Les chefs religieux ont poursuivi leur croisade pour réduire Jésus au silence et mettre fin à son ministère auprès des pécheurs. Et dans quelques semaines, nous allons entendre à nouveau comment leurs certitudes et leur acharnement a payé par sa crucifixion.

Aujourd’hui, cette parabole s’adresse à nous, disciples de Jésus, chrétiens bien installés ou fatigués. Aujourd’hui, nous sommes invités à la redécouvrir, à la laisser interroger notre situation, et nous demander : Où suis-je dans cette histoire ? dans quel personnage est-ce que je me reconnais ?

Selon les jours, nous nous retrouvons soit en relation avec le cadet, soit en relation avec l’aîné ! Car parfois, nous sommes pécheurs, enfants rebelles qui prennent et gaspillent tout ce qu’ils peuvent de Dieu le Père sans aucune gratitude ; parfois nous sommes pharisiens, cassant envers celles et ceux qui sortent des clous, enfants orgueilleux qui exigent l’application de certaines règles, celles que nous savons les meilleures et venir de Dieu ! Selon les jours, notre attitude fait fi de Dieu et de ses attentes : le cadet préfère l’héritage à son père, la belle-vie à son père; l’aîné est en colère contre son père, parce qu’il n’a pas offert ce qu’il souhaitait du fond du coeur, et qu’avec le retour du petit-dernier, le père déraille complètement.

Or, aussi bien pour le fils cadet que l’aîné, il s’agit du regard porté sur le père qui est important, à partir de son attitude à lui envers chacun de ses fils. Le cadet ne pensait qu’à survivre, et voici qu’il reçoit le vêtement, les sandales et la bague. Elles sont à lui et le qualifient de fils. Il les a acceptées comme des cadeaux de son père : son père l’a accueilli comme il ne s’y attendait pas ! il espérait un patron et il a rencontré un père rempli d’amour. L’aîné a également été invité à partager la compassion de son père : Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi (v31). Les pharisiens étaient les bienvenus pour se joindre à Jésus et manger avec lui et les…”autres” ! Mais agir ainsi, c’est accepter au moins 2 choses extrêmement difficiles pour les humains que nous sommes : ne pas maîtriser ce que pense et fait le Père, ni envers l’autre réprouvé, ni envers soi, et d’autre part, c’est ne plus tenir compte de l’image de soi véhiculée par la société.

Qui est donc ce père, qui laisse partir et le cadet et l’aîné, et qui sait les accueillir tout à nouveau, en leur offrant ce dont ils ont le plus besoin, parce qu’il les aime comme ses fils, chacun dans ce qu’ils sont ? Saurons-nous quitter notre esprit pharisien toujours à critiquer et rester insatisfaits de ce qui nous est proposé, et entrer dans la fête ? Saurons-nous revenir vers le père et accepter qu’il nous mette la bague au doigt ? Quel est donc ce Dieu qui vient changer la donne parce qu’il pratique l’amour-agapè à fond, pour que chacune et chacun puisse vivre la joie de la fête ? Laissons l’Esprit travailler en nous pour ouvrir notre vie à ce Père !

 

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