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3/04/2022 : la femme assouvie
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Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
La femme adultère, ou la pécheresse pardonnée par Jésus : Elle n’a pas de nom, elle n’a pas d’identité autre que l’événement qui l’a contrainte à sortir de l’ombre. C’est une femme qui a commis un adultère toute seule (!), dans un monde social dominé par les hommes et leurs règles à eux; et c’est tout. Le récit nous la montre prisonnière d’une situation sans issue, condamnée par avance à la mort imposée par Dieu (7,53-8,11). Pourtant, l’évangile s’achève sur une ouverture inattendue, déclarant qu’elle est avant tout une femme réhabilitée.
Inutile de débattre de l’origine du texte dans l’Ev. de Jn : le rédacteur l’a placé au lendemain de la grande journée de la fête des Tentes (sukot), une fête qui peut offrir des occasions de relations extraconjugales, et tant d’autres excès, puisqu’elle se vit dans une joie débordante. Cette joie célèbre l’assistance divine reçue par les enfants d’Israël lors de l’Exode, anisi que la récolte qui marque la fin du cycle agricole annuel.
L’Ev de Jn invite à lire au-delà de l’événement, à trouver une portée spirituelle à ce qui est raconté, jusque dans les discours de Jésus. Or l’histoire de cette femme est placée entre 2 déclarations fortes de Jésus : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive – celui qui met sa foi en moi des fleuves d’eau vive couleront de son sein (7.37s), et C’est moi qui suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera jamais dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie (8.12).
Selon Jn, le jour de la grande fête où le rituel utilise de l’eau, Jésus se propose comme vecteur de fleuves d’eau vive dans le sein du croyant, et cela provoque des tensions chez ses auditeurs. Et le lendemain, après le débat autour de cette femme, Jésus se dit lumière du monde, et celui qui le suit a la lumière de la vie. Ainsi la rencontre de Jésus avec cette femme et ses accusateurs, peut être nourrie de cette double identité, eau vive et lumière de vie, dont Jésus est promoteur.
Jésus est donc assis quelque part dans l’enceinte du temple, là où tout un chacun peut aller et venir; il enseigne, ce qui veut dire qu’il prend appui sur l’Ecriture pour y déchiffrer la volonté de Dieu de manière tout à fait novatrice. Et voilà qu’une sorte de tribunal populaire se constitue devant lui, par des scribes et des pharisiens, qui cherchent par tous les moyens à le « coincer ». Ces hommes forcent un passage dans la foule, ils violent l’espace devant Jésus, et projettent devant tous, une femme, déclarée adultère, et rappellent les règles du jeu, celles de la Tora.
Visiblement, ce n’est pas du tout de la femme que l’on se préoccupe: il s’agit avant tout de mettre Jésus dans une situation délicate. Va-t-il innocenter cette femme, aller à l’encontre de la loi? Il serait immédiatement discrédité. Va-t-il se résoudre à la condamner, lui qui d’habitude pardonne ?
L’accusée est certainement consciente qu’à moins d’un miracle fort improbable, elle a son avenir derrière elle. Lui a-t-on tendu un piège? Qui l’a dénoncée? La loi sanctionne l’adultère sans pitié, loi juive ou de la plupart des traditions. Une épouse ou une fiancée trouvée infidèle est passible de la peine de mort par lapidation, sans autre forme de procès. Et parfois, l’homme concerné y passe aussi.
Or ici, la femme n’est plus une femme, elle est un péché. Elle n’est plus leur prochain, elle est une entorse à la Loi, écrit A. Maillot. Elle peut donc être utilisée comme un croche-pied, une peau de banane, pour tenter de faire chuter Jésus. Peu importe qu’elle meurt ensuite, ce qu’il faut, c’est arrêter Jésus, il faut le lapider avec cette femme, puisque sa réponse ne peut qu’aboutir à ce choix. D’ailleurs, c’est bien ainsi que le débat se termine, plus tard, au v.59
Comme rarement lorsqu’il est pris à partie, Jésus refuse de répondre directement à la question; il est assis, et il se baisse encore davantage vers le sol, et il trace des traits avec un doigt, dit le texte. Qu’a-t-il pu bien écrire ? conjectures ! Mais son silence est éloquent ; sa position courbée vers le sol aussi : il se rend proche de celle qu’on traîne. Il prend le temps nécessaire à calmer le jeu, ou à ce que la tension soit au parxysme, la haine et l’envie du sang visible pour tous. Alors Jésus retourne la situation: d’une question sur l’application de la Loi, que Jésus demande d’appliquer — jeter la pierre— la scène devient une introspection : Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. v7.
On ignore tout de l’attitude de la femme pendant cet échange. L’histoire ne le dit pas. Sa faute n’est pas mise en question, elle ne s’en défend pas. On l’imagine craintive, honteuse, dépenaillée peut-être – elle a été prise en flagrant délit.
Et Jésus reste seul devant cette femme. Le tumulte vengeur et assassin a disparu, il se redresse et constate l’absence des accusateurs, et entre en dialogue avec elle : Personne ne t’a condamnée ? Elle reprend vie, elle aussi, et ne prononce que deux mots : personne, Seigneur.
Et Jésus lui ouvre un chemin, il lui accorde le pardon et demande de ne plus pécher. Jésus libère cette femme du poids de son aventure adultère, et il l’envoie poursuivre sa route. Ne vous souvenez plus des choses passées; ne pensez plus à celles des temps anciens, annonçait le prophète Esaïe. Je vais exécuter une œuvre nouvelle; je vais faire couler des fleuves dans la solitude aride. dans le désert, faire couler des fleuves dans la solitude aride » écrit Esaïe (43, 18-20). Oui, cette femme a pu observer dans sa vie l’accomplissement des Ecritures!
Toute nos bibles ont mis le titre la femme adultère, gardant l’image de la faute sexuelle posée par les accusateurs, ce qui n’est pas conforme au regard de Jésus. La pointe du récit porte bien sur le pardon accordé par Jésus à une femme que les hommes avaient condamnée. Une femme anonyme, qui représente les plus faibles, les victimes, celles et ceux que l’on réduit à un rôle d’objet, mais à qui le Christ offre son regard, son attention, et son pardon aimant et libérateur.
Ce renversement de situation est une réponse à la soif de vie et de lumière de cette femme, et cela nous interpelle. Nous sommes parfois prisonniers comme cette femme; son adultère est l’expression du manque d’eau vive et de lumière. La rupture de confiance que traduit l’adultère a pu se faire dans la famille, au travail, dans l’église aussi – et pas que chez les catholiques.
Mais nous somme aussi prisonniers du système « pharisien », reçu dans l’éducation, et présent dans nos foyers, la société et aussi dans l’église. Ne sommes-nous pas toujours prompts à juger, à enfermer l’autre dans ce qu’il dit ou écrit, à condamner par avance toute solution, parfois sans même prier ? Les pharisiens n’ont pas tort dans leur accusation. Mais le chemin qu’ouvre Jésus n’est pas la condamnation, le refus, le rejet. Personne n’est sans péché. Nous pouvons encore et toujours nous repentir, rétablir du lien fraternel, réparer ce qui a été cassé, parce que tel est l’offre de Jésus qui encadre et conduit l’histoire : celui qui met sa foi en moi aura des fleuves d’eau vive ; et aussi celui qui me suit aura la lumière de la vie. amen