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3/01/2021 : Matthieu 2—mages d’orient
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Prédication du 3/01/2021 par le pasteur Marc LABARTHE
Voici donc ces étranges compagnons que l’on voit dans chaque crèche, et qui sont souvent le point culminant de chaque défilé pour les enfants : les trois rois !…. En fait, nous le savons bien, ils n’étaient pas rois. Le mot grec est « magoi », ce n’est pas « basileus » roi, ≠accolé. Le mage est une sorte de prêtre astrologue, commun à la Syrie et à l’Iran de cette époque.
Mais tous les enfants leur doivent beaucoup. Parce que ce sont eux qui ont associé la naissance à l’offre de cadeaux. Même si plus tard, selon les cultures et les époques, d’autres instances ont apporté des cadeaux. En Allemagne, ce fut l’enfant Christ. Le saint Nicolas bien connu en Espagne s’est converti en santa Claus ou Père Noël réfugié dans le grand Nord et non plus à l’Orient. Mais par exemple en Syrie, c’est l’un des chameaux qui fait ce travail.
Et dans ce monde oriental de la chrétienté, leur nuit, la nuit de Noël, c’est la douzième après la naissance, la nuit où ils sont arrivés dans une maison de Bethléem — le 6 janvier.
Alors que savons-nous d’autre ? ou plutôt, que ne savons-nous pas ? Nous ne savons pas combien ils étaient. Matthieu ne le précise pas. Le nombre importait peu, jusqu’au 3e s. de notre ère, où Tertullien évoque l’idée de 3 personnages, en se référant aux 3 visiteurs d’Abraham à Mamré et aux 3 princes visitant Isaac (Gn26.26). Mais leur nombre reste fluctuant de nombreux siècles. En Orient, la tradition parle de 8 mages d’après Mi.5.4, ou même douze, en écho aux patriarches. Une peinture dans le cimetière des Sts Pierre et Marcellin à Rome en montre deux. Un tableau du musée du Latran en montre trois. Une autre peinture dans les catacombes de Domitilla, quatre. Peut-être étaient-ils même 40, conduits par Alibaba… Faites votre choix !
D’ailleurs, les noms des mages apparaissent encore plus tardivement, et ils sont aussi incertains que leur nombre. Un écrit arménien du 7ème siècle livre les noms de Balthazar, Melkon et Gathaspar. Les textes syriens ont jusqu’à 12 noms, -à retenir!- Dahdnadour, Wastaph, Arsak, Zerwan, Ariwah, Artahsist, Estanbouzan, Madouq, Ashirès, Cardanah, Mardouq et Hormizad ; il y a même un tag révélant qu’à New York, ce sont Hart, Shaffner et Marx.
Malgré tout ce que nous ne savons pas et qui ouvre à notre imaginaire, Matthieu dit que les mages venaient de l’Est. Seules la Médie, la Perse, l’Assyrie et la Babylonie avaient un sacerdoce de mages à cette époque, qui étaient aussi les conseillers de la royauté. Et il n’était pas rare que des mages de ces régions visitent le monde connu d’alors, transmettant le mystère de leur sagesse. Certains seraient donc partis à la recherche d’un roi annonçant l’aube du nouvel âge. Des peintures anciennes montrent les mages s’inclinant devant un garçon assis sur les genoux de Marie dans une maison. La tradition invente que les 3 survivants ont été baptisés plus tard par Thomas, et que leurs restes ont été découverts en Perse par Sainte-Hélène, amenés à Constantinople au IVe, puis à Milan au Ve s. et à Cologne en 1163, où vous pouvez voir leur tombeau jusqu’à ce jour.
Donc vous voilà capables de revisiter vos crèches où ils ne se trouvent jamais avant le Xe, mais bien dans une maison, à deux, trois, quatre, huit, ou douze compagnons. Eh oui, c’étaient des hommes. Alors, imaginez à quel point l’histoire aurait été différente si elles avaient été des femmes. Elles se seraient renseignées sur l’itinéraire les étapes et le but. Elles seraient arrivées à l’heure. Elles auraient aidé à accoucher. Elles auraient nettoyé l’écurie. Elles auraient préparé la soupe. Elles auraient apporté des cadeaux vraiment pratiques et utiles. Non ?
Mais en fait, pourquoi Mt est-il le seul à raconter cette histoire, et quelques 80 ans après l’événement? Quel est son objectif ? Mt écrit à un groupe croissant de gens qui suivent Jésus, à Antioche de Syrie, la ville où ils ont été appelés chrétiens pour la première fois, la ville où un grand nombre de païens avaient rejoint la communauté juive pour adorer leur Dieu, surtout depuis qu’ils avaient appris à le connaître dans ce Jésus de Nazareth.
Nous savons bien que les juifs ont un héritage de loyauté envers le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, et la Torah de Moïse ; et ce groupe juif d’Antioche, s’est trouvé peu à peu submergé par cette nouvelle foule de convertis issus du paganisme; et ceux-ci avaient une attitude plutôt détendue envers les coutumes et la loi juives ; l’incompréhension, la rancoeur, et la division étaient à la porte.
Mt leur écrit pour dire deux choses. D’abord aux nouveaux arrivants, de se rappeler que le Dieu qu’ils adoraient maintenant était le Dieu juif, et il cite abondamment la Tanak. Et ensuite aux Juifs, que ce Dieu était venu en Jésus avec un Esprit radicalement nouveau, un Esprit qui a ouvert la communauté à tous les arrivants, peu importe leur héritage ethnique ou leur statut social. Tout à fait comme Paul l’avait écrit auparavant. Dans l’Esprit de ce Jésus, il n’y a ni Juif ni Grec, homme et femme, esclave ou libre. Ga.3.28
Dans un monde divisé entre juifs et non-juifs, esclaves et hommes libres, hommes et femmes, un monde tribal où chacun connaissait sa place et n’osait pas la quitter, voilà qu’une nouvelle communauté, suscitée par l’Esprit de Jésus, devenait transculturelle, et considérait tout homme, femme et enfants, quels que soient leur statut et leur origine, avant tout comme des enfants d’un même Père.
Regardez, écrit Mt, à la naissance de cet Esprit en Jésus, ce ne sont pas les fidèles de Jérusalem qui se sont présentés. C’étaient ces hérétiques, des étrangers d’un pays païen, dont le mode de vie violait tout ce en quoi le bon juif croyait. Ce sont eux qui ont été accueillis dans cette maison de Bethléem. Entendez bien : C’est la présence de Dieu dans le bébé qui honore ces extraterrestres en les laissant entrer dans la maison. Alors que nous lisons l’histoire à l’envers en faisant rois les mages et non plus l’enfant. Nous marchons sur la tête, et piétinons l’Evangile.
Cet Esprit né dans ce monde à Noël, a pourtant posé sa marque au cours des siècles. Malgré sa collusion avec le pouvoir dès le IVe s. la conception chrétienne de Dieu venu en Jésus a conduit à l’abolition de l’esclavage en Occident, et a ouvert des brèches conduisant peu à peu et avec bien des hésitations, à l’indépendance des femmes et à la reconnaissance des enfants comme des êtres humains à part entière. De vastes régions du monde où cet esprit ne prévaut pas encore aujourd’hui, tolèrent l’esclavage, le trafic des femmes, la polygamie, l’exploitation des enfants. Mais l’Esprit de l’enfant de Noël est à l’œuvre.
Ces mages nous ouvrent un chemin pour cette année, un chemin difficile, mais oh combien riche en découvertes et en espérance de vitalité. Je nous souhaite d’avoir faim et soif de cet Esprit-là, celui de Jésus de Nazareth, afin qu’il nous ouvre à d’autres réalités inattendues.