29 octobre 2023 : réformation par amour

Prédication du 29/10/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Exode 22,20-26    Matthieu 22, 34 à 40

Nous voici à la veille de la fête que les luthériens et réformés célèbrent en commun, cette fête qui marque notre identité de protestants, alors que les catholiques l’ignorent totalement, comme nous le faisons d’ailleurs pour “leur” 15 août : la Réformation !

Mais que nous dit cette fête de la “Réformation” ? que dites-vous à vos p-e ou a-p-e ? Vous parlez du bonhomme Luther  et de son affichage de thèses ? mais ça veut dire quoi, ce mode de faire pour nous aujourd’hui ? quel est le point de référence pour que ce soit compris par vos chers petits ? et que disaient-elles ces thèses ? contre les indulgences ? ça veut dire qu’il est contre l’indulgence ?

ou bien vous reprenez les affirmations la foi seule, la grâce seule, à Dieu seul la gloire, l’Ecriture seule… ce que vous savez fort bien expliquer, n’est-ce pas ? A votre voisin/e, là, vous le dites en 1 phrase, ce qu’est la grâce seule ! —

Vous hésitez ? vous ne savez pas ? pourtant, entre srs et frs vous ne risquez rien… c’est bien un des drames de notre Eglise : on ne sait plus, ni dire ou partager notre identité ou espérance, ni vivre ou montrer l’oeuvre de Dieu en nous.  Parce que Luther, en affichant ses thèses, ne l’a pas fait comme un tag nazi anonyme sur un mur d’église. Ses 95 phrases ne méprisent pas autrui, elles n’incitent pas à la violence ni au meurtre. Il en appelle à la prise de conscience des tromperies accumulées, des mensonges sur l’amour de Dieu, parce que personne ne vérifie les allégations des prêtres qui ont tout pouvoir sur le peuple. 

Les réflexions qui ont conduit à cet affichage, et les débats qui ont suivi, ont provoqué une onde de choc, jusqu’à la naissance de plusieurs Eglises, rejetées par celle qui s’arrogeait le droit de vie et de mort sur toute personne. Certaines d’entre elles ont aussi pratiqué des manipulations de populations par la suite, le royaume n’est pas encore là.

Mais quel était le point clé, l’élément phare, s’il y en a un, dans ce mouvement de la Réformation ? C’est bel et bien un changement de paradigme, un changement de regard, un changement de manière d’être dans le monde. A l’image de la réponse de Jésus à la question du théologien pharisien, du théologien intégriste : quel est le point clé, dans la Loi de Dieu ? et Jésus de dire d’abord, tu aimeras ton Dieu de tout ton être, ce qui est conforme aux affirmations de toutes les dictatures religieuses, juives, chrétiennes, musulmanes, bouddhistes ou athées (où dieu c’est l’humain, le groupe…) ; et il ajoute une 2e affirmation, que tout le monde connaît également, tu aimeras ton prochain comme toi-même. 

Ce que Jésus fait à ce moment, c’est de les mettre en regard l’un de l’autre, osant dire que l’un dépend de l’autre, que le plus important n’est pas l’un ou l’autre, mais que l’un se traduit dans l’autre, que l’un n’est efficace que par l’autre. Pour Jésus, mettre Dieu en avant est essentiel, oui ; mais pas au point de négliger, mépriser, tuer un humain. Aimer Dieu se traduit nécessairement par aimer son prochain. C’est un commandement semblable, d’une importance similaire, qui ne remplace pas le 1er, mais le rend possible, réalisable, concret. Jésus dit que l’amour de Dieu se décline nécessairement par l’amour du prochain. Et ce lien-là, ce rattachement-là, n’est pas évident ni acceptable par tous.

Les pharisiens ont fait leur choix, tout comme les prêtres du XVIe : il faut éliminer le trublion ! Jésus est rapidement crucifié avec un simulacre de justice, Luther a bénéficié d’un soutien inattendu après sa parution devant un tribunal (Worms), et tout ce qu’il a inité est combattu par les armes et par le mépris.

La tragédie des conflits actuels en est la répétition, et ne peut recevoir aucune justification “au nom du Christ”. Le Hamas dit agir au nom de Dieu et pour le peuple, qu’il tient en otage pour ses propres obejctifs et non le bien-être du peuple. Une partie d’Israël est piégé par l’extrême droite qui use de discours religieux pour conquérir des territoires, et qui justifie ainsi le massacre aveugle des bombardements. La Russie s’appuie sur l’église orthodoxe qui soutient la guerre au nom de Dieu ; les massacres dans le Sahara se font au nom de Dieu, pour soi-disant libérer le peuple. Etc. Ces dieux-là sont des caricatures de l’homme et de ses idées masculines, et non le Dieu de Jésus-Christ.

Mais il n’est pas besoin d’aller aussi loin dans la destruction de l’autre, pour mettre en evidence la difficile application du plus grand commandement de la loi et de celui qui lui est semblable. Jésus juxtapose ces 2 paroles, et déclare ensuite qu’à ces deux commandements-là toute la loi est suspendue, ainsi que les prophètes. Ces 2 commandements d’aimer-par-un-don-de-soi (= agapaô), disent que si tu aimes Dieu, tu ne peux que traduire cet amour dans l’amour comme toi-même de ton prochain. La formulation qu’utilise Jésus ne permet pas d’inverser la proposition, ce qui garantit la liberté suivante : tu peux aimer ton prochain comme toi-même, sans aimer Dieu. Et c’est ainsi qu’oeuvrent beaucoup d’associations caritatives laïques de nos jours, et qui agissent parfois bien plus efficacement dans la solidarité que certaines de nos “Entraides” d’Eglises. 

Mais ces 2 commandements ne sont pas que pour l’entraide associative, ils concernent notre vie personnelle de chrétien et notre vie d’Eglise. En venant ce matin, nous confessons que Jésus est le Seigneur, nous aimons Dieu de tout notre être, et… allons-nous le traduire dans l’amour du prochain comme nous-mêmes, pour obéir à notre Seigneur, et être ainsi fidèles à son attente ? Comment le mettons-nous en oeuvre, au quotidien de notre vie, et dans celle de l’Eglise ? 

A contrario, si Dieu n’est plus le moteur de notre vie, alors acceptons de fermer l’Eglise dans les prochaines années, de ne plus nous fatiguer pour trouver des conseillers, ou des prédicateurs pour le dimanche, ou d’avoir un projet pour Enjalbert ou JdO. Chacun vaquera à ses intérêts, ses loisirs, et Dieu aux siens. 

Le mouvement de la Réformation a remis au centre de la foi chrétienne, l’amour de Dieu pour nous et de nous pour Dieu, avec sa nécessaire traduction dans l’amour du prochain. Aujourd’hui, nous nous en sommes bien éloignés. Comment témoignons-nous de notre amour de Dieu par notre amour de l’autre ? Autrement dit, nous devons apprendre à nous approcher de l’autre, l’aider et l’aimer, parce que nous aimons Dieu, lui qui a changé notre vie, notre regard sur les priorités, notre mode de réaction aux offres et aux affres du monde ; si c’est bien ce qu’il a fait pour nous ; et cela devrait parler bien plus que les Restau du Coeur !

Jésus n’envoie pas le monde dans l’église, mais l’église dans le monde… nous avons donc à changer nos modes de vie et nos rythmes, lorsque c’est nécessaire pour entrer en contact avec le monde et y faire passer la lumière de l’amour de Dieu pour le monde. 

Un seul petit exemple pour conclure : vous avez entendu la proposition de C.R., il y a 15 jours, d’être présente dans la semaine au temple ……  Avec elle, discutez, priez, imaginez, comment aimer Dieu et le prochain dans et par notre vie d’Eglise ! Il y a de la Réformation à vivre  !

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