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29 janvier 2023 : écouter et changer
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Prédication du 29/1/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Esaïe 1, 2 et 10 à 19a
Encore ce texte ! pensez-vous peut-être; qu’y a-t-il encore à tirer de lui ? Or ce qui m’a intrigué, c’est le fait que des chrétiens de Minnéapolis aient mis ces 2 impératifs-là en exergue pour la semaine de prière pour l’unité chrétienne : Apprenez à faire du bien, cherchez la justice. Dans leur pays traversé par des grandes polarisations, avec des faits divers tragiques et récurrents, la question de la justice est ultra-sensible (vdi (28/1) encore un meurtre d’un jeune noir par des policiers – noirs eux aussi !). Ça semble moins le cas chez nous; parce qu’on est aveuglé par d’autres habitudes – peut-être.
Cependant, il n’est pas toujours facile de regarder l’actualité. On allume la télé ou l’ordinateur pour des “nouvelles” – plutôt mauvaises bien souvent. Ou alors pour des divertissements – affligeants (?!), qui veulent faire oublier les mauvaises nouvelles. Ou pour des débats qui les décortiquent. Mais nous trouvons bien peu de choses, dans tout cela, qui puisse valablement nous tirer en avant, et encore moins nous enflammer “pour faire le bien”…
Cela nous interroge sur nos ressources profondes : devons-nous rester les mains vides et les bras ballants parce que l’embellie (si souvent annoncées !) ne vient pas? Devons-nous nous désespérer devant l’absence de vraies aémliorations, devant l’absurdité des choses ? Ou, à l’inverse, devons-nous nous contenter de notre petit monde limité et protégé (bien protestant !), ou allons-nous nous vanter : « J’ai la foi, moi… même pas mal ! » ?
La terre est pourtant notre lieu de vie, nous vivons ici. Qu’est-ce qui peut animer nos cœurs et affermir nos mains, dans ce monde tantôt si exigeant, tantôt si beau ? Qu’est-ce qui peut encore nous faire vibrer, nous faire nous engager et ne pas démissionner ?
C’est justement l’enjeu du message du prophète. Au coeur d’une instabilité politique internationale, alors que certains ont accumulé des richesses et du pouvoir, d’autres souffrent la misère et la voracité des puissants. Dans ce cadre, le prophète Esaïe intervient de la part de Dieu et affirme que Dieu n’écoute pas les prières de son peuple quand l’injustice règne.
Dieu disqualifie le pèlerinage vers le Temple de Jérusalem quand les pèlerins oublient que le but de la Montée à Jérusalem ne peut être uniquement d’y prier mais doit également comporter l’exigence d’amour, de justice et de réconciliation les uns avec les autres. Il va même encore plus loin, en disqualifiant les cultes festifs qui sont organisés pendant l’année liturgique : Je déteste vos nouvelles lunes et vos rencontres festives me pèsent ; Quand vous tendez les mains, je ferme les yeux pour ne pas vous voir.
Mais attention, il ne s’agit pas d’une critique du culte pour lui-même mais de sa déviation. Si le culte devient un acte figé dans sa forme, s’il n’est pas l’expression d’un don de la personne, il est alors vain et même dangereux.
Esaïe interpelle avant tout les responsables religieux et politiques de Jérusalem. Si le peuple est malade, c’est qu’il a été contaminé par ses élites responsables. Esaïe les appelle chefs de Sodome (1,10). Il attribue donc à Jérusalem les mêmes crimes qu’à Sodome, qui s’étendaient dans trois domaines : légitimation des dépravations sexuelles, orgueil et oubli de Dieu, et enfin le refus de prêter assistance au pauvre et à l’étranger.
Ils ont les mains pleines de sang (v.15), non pas qu’ils soient bouchers ou chirurgiens, mais ils n’écoutent pas les revendications élémentaires de la justice, et se rendent alors complice du sang versé, et le sang crie vengeance – on le voit partout. Mais si l’image du sang est trop forte, mettons la médisance à la place : elle est une arme courante et tout aussi mortelle; elle tue l’amour, elle tue la communauté, elle tue la fraternité. La médisance sert aux autorités à diviser, à se défendre, à frapper sans accuser directement. Elle se déguise sous le nom de “petites phrases” ou fake news, ou conspiration, dans les luttes d’influence. Avec Sodome on est 1500 AvJC, avec Esaïe 700 AvJC, et l’on dirait une caricature de notre siècle !
Un culte bien compris prend donc au sérieux les exigences de la justice, le devoir de faire droit aux plus faibles, la veuve et l’orphelin. Le prophète demande aussi qu’on ne laisse pas impunis les pourvoyeurs de l’oppression. Mais pour tout cela, une véritable conversion est nécessaire. Se convertir, c’est se détourner de soi-même pour se tourner vers Dieu, écouter sa parole !
Esaïe pose ainsi 10 verbes à l’impératif, à l’image des 10 Paroles, qui décrivent un itinéraire possible de conversion, de transformation.. Il commence par un appel à l’écoute. Le verbe écouter est le plus fondamental de la foi biblique, avec le premier et le plus grand commandement : Écoute Israël – Shema Israël (Dt.6,4).
L’écoute est demandée au ciel et à la terre (v2), puis aux chefs et au peuple (10). L’écoute de la Parole du Dieu qui parle : Tous les problèmes viennent du fait qu’on ne l’écoute pas et qu’on ne la met pas en pratique. De la Gen à l’Apoc, en passant par Jésus et nos jours, c’est une vérité permanente.
Puis Esaïe proclame quatre impératifs appelant à se transformer en changeant d’attitude intérieure, pour avoir une juste relation avec Dieu : Lavez-vous ; Purifiez-vous ; Ôtez de ma vue vos actions mauvaises ; Cessez de faire le mal !
Ensuite il utilise cinq autres impératifs qui appellent à se tourner vers son prochain dans la justice, en particulier vers les plus démunis : Apprenez à faire le bien ; Recherchez la justice ; Mettez au pas l’oppresseur ; Rendez justice à l’orphelin ; Défendez la veuve !
Tous ces impératifs interpellent nos ressources profondes, celles qui peuvent animer nos cœurs et affermir nos mains, en nous envoyant dans ce monde. Suis-je prêt à laver ma carapace de bon protestant, à purifier mes idées formatées par l’habitude, à cesser la médisance et refuser tout action mauvaise ? Ecoutez ! ce n’est pas pour se flageller que Dieu demande cela à chacun, mais afin de mettre en oeuvre les 5 impératifs d’action : car le prophète met en scène la contradiction entre la vie religieuse quelque fois superficielle, et la nécessité vitale de rechercher le bien et la justice auprès des plus faibles.
Esaïe n’appelle pas seulement à cesser de faire le mal, mais d’apprendre à faire le bien, ce qui demande un effort pour accepter d’apprendre ce qu’on croyait déjà savoir, mais aussi cela permet de recommencer en cas d’erreur. Au coeur de ces 5 verbes, il y a celui qui demande de mettre au pas l’oppresseur, et cela nécessite de prendre des risques de confrontation avec lui; à l’écoute des paroles du Seigneur, ce ne sera pas avec les armes du méchant, mais celles enseignées par Jésus Christ : écoutez les Evangiles à ce propos (enseignements donnés aux disciples et paraboles…). Alors notre culte changera de forme, et son message sera d’apprendre à faire le bien et la recherche de la justice restaurative. Amen