29/05/2022 : ascension et liberté

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Ephésiens 1, 3 à 23

La puissance extraordinaire dont Dieu dispose pour nous qui croyons en lui, 20 Dieu l’a montrée dans le Christ quand il l’a réveillé de la mort, quand il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. 21 Ainsi, le Christ est placé au-dessus de toutes les forces et de toutes les puissances qui ont autorité et pouvoir. Il est au-dessus de tout ce qui existe, non seulement dans le monde d’aujourd’hui, mais aussi dans le monde qui vient. 22 Oui, Dieu a tout mis sous les pieds du Christ.

Que faire de l’ascension, F&S ? cette fête, le 40e jour après Pâques, est abandonnée dans notre église. Elle sert juste à avoir du bon temps, 4 jours complets de congé, ou pour assurer un synode national… On ne sait plus trop à quoi la raccrocher, parce qu’on ne sait pas trop ce qu’elle signifie. Oui bien sûr, c’est Jésus qui monte au ciel, Jésus qui va près de Dieu. Jésus est intrônisé. Tant mieux pour lui, mais ça ne nous fait ni chaud ni froid.

Par contre, personne d’entre vous n’ a manqué la fête de Pâques, il y a 43 jours : lapins en chocolat, oeufs colorés, cachés et recherchés par les plus petits; un peu de résurrection peut-être, mais pas trop, histoire de ne pas choquer.
Et surtout, personne ne peut échapper à la fête de Noël, qui revient chaque année avec le principe commercial des cadeaux commandés à l’avance pour qu’ils correspondent aux désirs et fassent briller les yeux des petits ; un petit brin de folklore avec la crèche en santons de provence, ça fait romantique ; mais la naissance obligée, dans la crise d’un couple à peine formé, c’est pas le moment.

Naissance et mort, vie et achèvement, on trouve cela dans la nature, et Noël comme Pâques peuvent s’y accorder. Mais l’ascension ? c’est contre-nature, une idée abstraite et religieuse, un restant du paganisme d’autrefois et de la Rome antique. Saviez-vous par ex, que des empereurs romains tels Auguste, Vespasien ou Titus ont été brûlés publiquement après leur mort, et qu’ensuite un témoin oculaire devait témoigner comment l’âme de l’empereur avait été enlevée au ciel par un aigle, ce qui permettait à l’empereur d’être déclaré divin. La légitimité politique de son empire était donc totale pour son successeur. 

Dans ce contexte que tous dans l’empire connaissent, utiliser ce langage qui résonne comme une reprise de la liturgie de divinisation de l’empereur, afin de décrire ce que Dieu a fait pour le Christ, c’est pour le moins, une provocation, et au pire une insurrection : Dieu a placé Christ au-dessus de toutes les forces et de toutes les puissances qui ont autorité et pouvoir (v21). Ce v. est une bombe à retardement depuis 2000 ans qu’il a été écrit. C’est une proclamation de foi et d’espérance à l’encontre de tout empereur romain et de tout autre dirigeant politique et religieux, affirmant qu’aucun n’a de pouvoir absolu sur nous, mais seulement Dieu en Christ. 

J’y vois là une des raisons qui nous retient de célébrer cet événement dans nos églises protestantes. L’ascension n’est compréhensible qu’en face des réalités humaines qui sont les nôtres, qu’en présence des pouvoirs et autres forces qui nous gouvernent et nous enferment dans une culture de consommation et de réalisation de soi. L’ascension du Christ dans ce contexte n’est en rien anodin, et il est parfois difficile de la maintenir comme l’expression de notre foi, parce qu’elle oppose une résistance frontale aux prétentions économiques, sociales et politiques de notre monde, sur nos vies.

Que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu,  dit Paul ailleurs (Phil.2). Ces phrases peuvent aboutir à vouloir établir un empereur chrétien sur le monde, à imposer, avec les règles du monde, une autorité religieuse toute-puissante et intouchable. L’islam est une religion qui s’emploie à la mise en oeuvre d’un système similaire. Certains chrétiens s’y sont essayé au cours des siècles, obligeant rois et empereurs à obéir au pontifex maximus application au pape du titre religieux de l’empereur romain ! Mais les évangéliques ne sont pas de reste non plus. Quiconque se considère triomphalement comme un serviteur de ce souverain glorifié peut succomber à la tentation de revendiquer le monopole absolu de l’interprétation, d’éliminer ceux qui pensent différemment, et de comprendre l’Église de manière hiérarchique. 

Or l’ascension de JC, si elle dit bien qu’il est élevé au-dessus de toute autorité, signifie aussi 2 autres choses.
• La 1e est que Jésus n’est plus visible parmi nous, il a joué la fille de l’air ! Jésus a pris ses distances avec ses amis, ce qui leur permet de respirer librement et de témoigner à leur manière de la joie de la résurrection. Par l’ascension, Jésus établit une nouvelle relation qui permet le jeu de la distance et de la proximité, de l’autonomie et de la dépendance, grâce à la confiance mutuelle et la bienveillance (agapè), qui sont la base de son discours. 

• La 2e est que ce Jésus super-souverain, ne l’est pas sur le mode humain. Au contraire même : il règne d’une tout autre manière, il n’est ni abusif ni exploiteur dans l’exercice du pouvoir. Sa conquête du monde n’est pas une guerre qui verse le sang et détruit tout sur son passage, ou qui impose l’esclavage et l’uniformisation de la pensée. L’ascension est un non catégorique à ce comportement. L’ascension ne fait pas oublier la croix, ni toutes ses paroles, ni son attitude. Le Christ assis à la droite de Dieu, qui a tout à ses pieds, est celui qui a raconté les paraboles du bon Samaritain et du fils prodigue, qui a enseigné le fait que celui qui veut être grand, doit être serviteur, qui a lavé les pieds de ses disciples, qui a pardonné même sur la croix. 

Le Jésus humain, souriant et aimable, combatif parfois pour les petits, aurait-il viré sa cuti dès lors qu’il parade dans les cieux ? Pas du tout, en vérité ! en tant que souverain de la vie, il nous donne la mission de témoigner et vivre en suivant ses traces humaines. Il a confié l’instauration du seul royaume qui vaille la peine, celui de l’amour qui pardonne, guérit, préserve la vie. Son ascension devient un véritable encouragement, puisqu’il n’est plus d’enjeu de règne terrestre, ni d’exercice du pouvoir sur l’humanité et la création. L’ascension clôt le chapitre ouvert à Noël : à notre tour désormais, d’incarner dans nos vies, par nos églises, nos entraides et nos missions, le visage du Dieu qui aime et veut la vie de toutes ses créatures. 

Pour entrer dans cet état d’esprit et ce mode de vie, nous avons besoin de relire la bonne nouvelle de Jésus, avec cette prière qui demande à Dieu de mettre en nous sa vision de notre parcours : v.17ss
Je demande au Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père rempli de gloire, de vous donner la sagesse. Alors vous découvrirez Dieu et vous le connaîtrez vraiment. Je lui demande d’ouvrir les yeux de votre intelligence. Ainsi, vous pourrez connaître l’espérance qu’il vous a donnée en vous appelant. Vous connaîtrez la richesse magnifique des biens qu’il donne à ceux qui lui appartiennent. Vous connaîtrez la puissance extraordinaire que Dieu a montrée pour nous qui croyons en lui… quand il a réveillé Christ de la mort, et l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Amen

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