28/03/2021 : Marc – roi serviteur

prédication du 28/03/2021 par le pasteur Marc LABARTHE

Marc 11, 1 – 11

Je me suis arrêté à ce texte de l’Evangile pour ce dimanche des Rameaux. Il est particulier, lorsqu’on le lit tranquillement, sans y mettre toutes nos images d’Epinal. Parce que nous sommes habités par les histoires qu’on nous a racontées en étant enfants, à propos de ce défilé de Jésus, si proche des premiers « gilets jaunes » bon-enfants, les rêves de splendeur simple, de réussite et de bonheur pour tous. L’histoire de l’entrée de Jésus à Jérusalem est comme l’entrée du roi David, comme s’il prenait possession pacifiquement de sa capitale, sous les vivats de toute la ville, et des foules venues de tout le pays. Une sorte de triomphe populaire, avant de mourir violemment. Pourtant, Mc nous dit que la peur remplissait les disciples depuis plusieurs jours (10.32).

Bien sûr on peut faire des comparaisons entre les différents évangiles, mais comment respecter la parole de chacun d’eux, si on les mélange à l’avance ? Ecoutons ce que dit Marc en lui-même; il a quelque chose à nous dire que ne disent pas les autres, et c’est le cas aussi pour chacun d’eux.

Nous avons les 2/3 du passage qui nous raconte l’histoire de la recherche d’un moyen de transport, et 1/3 seulement la procession pour entrer dans la ville. Qu’est-ce à dire ? l’importance du bon véhicule dépasse largement la suite, l’importance des préparatifs, comme pour les « bouviers » ou tout autre défilé du carnaval, demande bien plus de temps que le défilé lui-même, l’apothéose du projet.

Comme véhicule, Jésus est au courant qu’un poulain est disponible, un jeune qui n’a pas encore servi de monture. Le mot grec utilisé convient aussi bien au poulain qu’à l’ânon. Et Marc ne précise rien d’autre, et ce n’est qu’en réference aux autres évangiles que les traducteurs choisissent « ânon ». Jésus est précis dans l’ordre de mission, et il sait que les habitants vont protéger ce jeune de toute tentative de vol, d’autant ques les 2 disciples ont l’air de gens du voyage, leur accent vient du nord – il n’est pas celui du sud. Une phrase suffira pour libérer tout le monde : le Seigneur en a besoin. Et ça marche !

Marc donne beaucoup de détails sur cette entreprise de recherche d’un animal, dont les disciples n’ont jamais eu besoin jusqu’à ce jour : il est attaché, dehors, près d’une porte, dans la rue. C’est très précis. L’ânon est trouvé, détaché, autorisé par les quidams qui sont là dehors près d’une porte dans larue, amené jusque vers Jésus. Ce petit n’a pas encore servi ; c’est une première monte. Et c’est Jésus qui s’en charge — il annonce implicitement une nouveauté. Et si vous avez déjà vu des ânes en Orient, vous savez qu’ils sont petits, et que les pieds de celui qui s’assied dessus trainent de chaque côté; alors pour un qui n’est pas encore adulte, Jésus doit être comme sur une draisienne, soulageant de temps à autre la mrarche de cet animal. Il doit aussi être assis plus bas que lorsqu’il est sur ses pieds. Il ne peut donc pas voir par-dessus les têtes. Il est dominé par tous ceux qui marchent autour de lui. Ce véhicule ponctuel n’a rien de tape à l’oeil, ni moteur puissant et rugissant, ni vitesse ni confort.

D’ailleurs, ce poulain, où Jésus l’a-t-il abandonné ? A peine assis dessus, Marc n’en parle plus. Le chemin qui descend de Bethphagé puis remonte vers Jérusalem fait à peine un km. L’entrée du temple est à quelques dizaines de m. de la porte de la muraille qui protège la ville. Jésus n’est pas entré dans le temple sur son ânon, c’est impossible, il a dû au plus tard, le laisser auprès des marchands à l’entrée du temple. Qu’est-il devenu ?

Lorsque Jésus se met en route avec ce poulain couvert de quelques manteaux, il rejoint avec ses disciples, non pas une foule en délire à cause de lui, mais des gens qui converge des 4 coins du pays pour les fêtes pascales. Elle chante et proclame les hauts faits de Dieu, ceux du temps de Moïse bien sûr et de la libération de l’exploitation esclavagiste ; elle chante et espère qu’un nouveau David surgira un jour pour redonner splendeur à la ville, elle chante pour qu’un nouvel héros redore le blason du peuple comme l’ont fait les Macchabées contre les Grecs, et surtout qu’il vienne libérer le pays de la pression économique et militaire de l’actuel occupant romain.

Parmi ces gens, il y a des Zélotes et ceux qui sont sous leur influence, dont la priorité absolue est de débarrasser le pays de César. Pour eux, il est du devoir religieux de chasser les infidèles (intégrisme). Ils cherchent le Messie à venir pour les mener au combat, sur un cheval ardent ou sur un char puissant. Mais voici Jésus monté sur le petit d’un âne, un animal de ferme tout-à-fait sous-dimensionné. Aucun espoir.

Il y a quelques responsables religieux, dont l’espoir implique de dire adieu aux Romains, mais ce n’est pas leur vraie priorité. Leur attente est que Jésus ne dérange plus leurs rituels ni leurs traditions, qu’il cesse de critiquer leur catéchisme et leur enseignement. Selon l’évangile de Mc, le lendemain de la parade, Jésus revient au Temple et y fait un scandale monumental. Aucun avenir avec lui.

Dans le cortège défilent ces fidèles à Dieu et à l’histoire du peuple, animés d’espoirs multiples, et les disciples de Jésus qui participent à cette liesse populaire. Ils regardent leur maître si puissant en parole et en oeuvres de bienfaisance, son accoutrement est à la fois prophétique et ridicule; prophétique, parce que sans le dire, Mc nous fait comprendre que les disciples ont certainement pensé aux promesses anciennes d’un roi différent, qui ne prendrait pas les armes pour amener la paix (Zach 9.9); allait-il pourtant utiliser son pouvoir pour arriver à ses fins et établir le royaume de Dieu ? Rien de tout ça. Alors, bien sûr, ce défilé est tout à fait ridicule, parce que personne n’en veut, de cette impuissance et de cette vulnérabilité si évidente. C’est pourquoi, ce que nous appelons souvent l’entrée triomphale de Jésus, est en fait une entrée anti-triomphale, un pamphlet délibéré à l’encontre de tout conquérant, quelqu’il soit.

Qui dans la foule et parmi les disciples comprennent ce que fait Jésus ? A leurs craintes a dû s’ajouter le désarroi. Ont-ils saisit la nature subversive de sa parade à dos d’âne, la manifestation fondamentale du roi venu servir et non pas régner sur les humains ? Qu’est-ce donc que Jésus a accompli ce jour-là, que nos liturgies ont plaqué sur ce dimanche des Rameaux?

Souvenons-nous de la prédication de Jésus, annoncée le 1er dimanche du Carême : Le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle. Jésus déclare la venue du royaume de Dieu. Un royaume de paix, un royaume de justice, un royaume de liberté profonde et universelle. Mais un royaume radicalement différent de l’empire oppressif et violent que Jésus a défié ce jour d’entrée minable à Jérusalem, et de tout système de pouvoir que l’on croise chez nous, et dans les pays de ce monde.

F&S, cette histoire n’est pas qu’un défilé de carnaval; par la volonté de Jésus de se trouver un moyen de locomotion ridicule et inutile, il y a un message qui doit interpeller nos propres méthodes de travail, nos objectifs, et notre témoignage dans ce monde. Amen

 

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