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27/06/2021 : Marc-interruption des mascarades
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prédication du 27/06/2021 par le pasteur Marc LABARTHE
Ces 2 textes ont beaucoup à nous dire. Je retiens ce matin des éléments de rupture, des paroles qui demandent que nous nous interrogions sur notre pratique religieuse, comme aussi sur nos relations sociales et familiales, afin d’être encouragés dans les agressions subies par la maladie.
Par la plume d’Ezéchiel, Dieu interroge son peuple, on pourrait presque dire qu’il se plaint auprès lui, ou au l’opposé, qu’il est en train de lui faire la leçon après une bêtise de plus. Dieu pose des questions importantes : Est-ce que vraiment cela me fait plaisir de voir mourir les gens mauvais ? ce que je veux, c’est qu’ils changent ! ou encore par 2x, parce que le peuple conteste à Dieu sa façon d’agir : est-ce ma façon de faire qui n’est pas bonne ? ne serait-ce pas plutôt la vôtre ? et Dieu termine cet échange en réaffirmant je le déclare, je ne veux la mort de personne. Changez votre vie et vivez !
Dieu se met à la portée de son peuple. IL vient au coeur de son mode de vie et de son comportement au quotidien, et dévoile ses petits arrangements avec la religion, la justice, le social. Le peuple ne supporte pas ces paroles et le reproche vivement : la façon de faire de Dieu n’est pas la bonne ! En effet, Dieu n’est pas dans les combines et les petits arrangements entre amis. Il n’est pas un Dieu attardé, qui serait dépassé par l’évolution de la société : la justice est toujours son fond de commerce, et il se préoccupe des relations humaines. Mais sa justice n’applique pas la rétribution ni à l’aveugle, ni au pot de vin; comme il veut la vie du pécheur, il avertit, il annonce les conséquences, parce que l’humain peut changer de comportement.
Dans l’év selon Mc, la double guérison de 2 femmes inconnues, et qui le resteront jusqu’à la fin des temps, entre aussi dans cette même volonté de Dieu, que la justice amène à la libération et la guérison. Ces 2 femmes sans nom, chacune à leur tour, suscitent 2 questions étonnantes de la part de Jésus.
D’abord la femme adulte qui a des hémorragies depuis 12 ans. Sa situation de malade chronique la rend totalement impropre à la vie sociale et surtout religieuse; elle n’a jamais pu se marier, semble-t-il car Jésus l’appelle « fille » et non « femme ». Sa présence doit être tolérée par sa famille et quelques amis, mais elle arrive au terme de son existence : dépouillée de toute fortune, vouée à la mort imminente. Elle est en phase terminale de sa maladie. Un dernier guérisseur ambulant à toucher ne lui coûte que le courage d’une approche discrète pour ne pas risquer la lapidation ; ce Jésus a du succès ; l’espoir, une dernière fois. … Qui m’a touché ?
Jésus rompt le tumulte ambiant et crée un bouchon dans le mouvement de la foule qui l’accompagne vers le beau quartier où vit Jaïros. Jésus se retourne, il fait demi-tour, et demande avec un large sourire certainement, qui a touché mon vêtement ? Les disciples se moquent de lui : question saugrenue dans cette foule ! Mais Jésus tient bon, à contre-courant, il scrute les gens et met en lumière celle qui allait mourir dans le déshonneur et le jugement des oubliés. Cette femme sait, elle a senti la chaleur de la cauthérisation, qui inonde son être d’une nouvelle vitalité. Croise-t-elle le regard de Jésus ? en tout cas, elle brise à son tour le mur qui s’est formé devant lui et se jette à ses pieds; elle parle, elle dit la vérité de sa vie. Jésus la rétablit dans sa place de fille et de femme, aux yeux de toute la foule, et des disciples, et de Jaïros, chef de la synagogue, et donc responsable de la réinsertion sociale et religieuse de la femme. Combien de temps aurait-il fallu pour qu’elle soit reconnue guérie ? Jésus ne veut pas qu’elle survive dans la suspicion et végète dans les doutes émis par la la gent masculine. Sa façon de faire n’est pas dans les normes, il est libre des cadres érigés par les principes et les habitudes, et cela lui permet de rendre à la jeune femme toute sa dignité : va et reste guérie.
Une 2e question provoque de nouvelles moqueries, Jésus la pose aux pompes funèbres, ces professionnels des obsèques. Parce que cette fois, la fille de 12 ans est morte, et les pros de la mort sont déjà là, organisant le rituel bruyant des lamentations, avant la suite. …Pourquoi ce brouhaha et ces pleurs ?
Jésus rompt une nouvelle fois le tumulte qui se déroule non pas autour de lui, mais dans la maison endeuillée de Jaïros; il arrête le déroulement des obsèques habituelles. Après les ricanements à son encontre, il expulse tout ce beau monde ! tous hors de la maison pour faire votre ramdam. Et Jaïros ne dit mot… Jésus prend le père et la mère, entre dans la chambre mortuaire, saisit la main de l’enfant et avec douceur, lui parle : talitha koum. [En Hébreu QUM = venir, revenir.] Et aussitôt, la fillette se lève (même mot que ressuscite), et se déplace dans la chambre.
Jésus choisit ici de réduire au minimum le public et le voyeurisme. Et il demande aux parents de rester silencieux sur ce qui s’est passé, de ne pas en faire de publicité à l’extérieur des 4 murs de la chambre. Leur fillette n’a pas besoin de porter le regard des autres, et eux de se nourrir d’une mauvaise gloire. Jésus assume jusqu’au bout son rôle d’attention à la vie, en demandant de donner à manger à leur fille – la vie reprend, ordinaire, là où elle s’était interrompue.
Car chez Jaïros, Jésus protège l’intimité familiale et la croissance de la fillette, tout le contraire du besoin de dignité et de reconnaissance de l’autre fille, qui doit retrouver sa place dans la vie.
La façon de faire de Jésus n’est pas la bonne, et les disciples rigolent, et les pros de la mort ricanent. Tout comme au temps d’Ezéchiel; et ça nous arrive aussi, de mépriser. Mais la réponse est encore la même : je ne veux pas que celle qui m’a touché meurt, ni que cette fillette ne se relève pas. Et Jésus donne aux disciples et à la foule l’occasion d’accepter le retour de la fille guérie. Mais ce n’est pas le rôle des pros de la mort que d’accompagner la fillette, mais bien aux parents, et ceux-ci n’ont pas à donner prise à quiconque sur et dans leur foyer. Dieu et Jésus continuent d’interrompre le fleuve de nos rituels et de détourner nos lamentations, afin de faire sortir la vie plus forte que la mort, à contre-courant de nos fatalités.
Certain.e.s parmi nous sont touchés dans leur chair par la maladie, comme cette femme discrète. D’autres sont désespérés pour un être aimé. Jésus vient assurer de sa présence, envers et contre la routine, la lassitude, l’ambiance défaitiste qui nous entourent. Il veut donner à chacun l’assurance que la vie n’est pas finie, qu’une guérison est promise. Cela nous fait sourire, voir ricaner ? souvenons-nous de ces 2 filles, vouées à la mort, pour lesquelles Jésus est venu s’interposer, prendre à contre-pied leurs destinées écrites par les hommes.
Cela ne va pas empêcher la mort, mais changer notre regard sur la mort, faire évoluer nos priorités, corriger la place des rites mortuaires, jusqu’à nous donner la tranquille assurance qu’un amour nous attend, chacun, dans la Vie de Dieu.