26 novembre 2023 : Le Roi assoiffé, dénutri, étranger…

Prédication du 26/11/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Matthieu 25v 31 à 46

Nous sommes arrivés à la fin de l’année de l’Eglise, avec le dernier dimanche avant celui qui ouvre l’Avent – 6 mois après Pentecôte ! Que faire de ce dernier dimanche ? En 1925, le pape décide de faire de cet ultime dimanche, un dimanche consacré à la proclamation du Christ comme Roi de l’Eglise, du monde et de nos vies. Alors, comment pourrions-nous décrire sa royauté ? 

Dans notre lecture oecuménique, il est un roi époustoufflant de gloire et de puissance : le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous les anges, il siégera sur son trône royal. 

Qu’est-ce que ça vous donne comme image du roi des cieux ?  Comment est-il habillé ? Quelle dimension a sa couronne ? a-t-il un sceptre de fer dans sa main, comme le dit l’Apoc (19.15)? 

Justement, il y a 2000 ans, Jean écrit : quelqu’un qui ressemble à un fils d’homme. Il est vêtu d’une longue robe et porte une ceinture d’or à la poitrine. Sa tête et ses cheveux sont blancs comme laine blanche, comme neige. Ses yeux sont comme un feu flamboyant, ses pieds ressemblent à du bronze incandescent, et sa voix est comme le bruit de grandes eaux. Il a dans sa main droite sept étoiles ; de sa bouche sort une épée acérée, à deux tranchants, et son visage est comme le soleil lorsqu’il brille dans toute sa puissance. Il dit: “Je suis le premier et le dernier, le vivant. Je suis mort, mais je suis vivant à tout jamais.”(1.13-18)  ?…

Jean de Patmos écrit l’Apoc’ dans un autre contexte et développe longuement le règne universel du Christ alors que l’Eglise est persécutée; il annonce que le règne de Jésus surpassera la splendeur des règnes humains, car il sera fondé sur des principes d’inclusion dans le pardon et la consolation. 

Mt raconte en quelques vs le jugement final de toute l’humanité, femmes et hommes quels qu’ils soient. Il dépeint une scène de la salle du trône céleste. Une scène décrivant le point culminant de l’histoire, lorsque toutes les nations sont rassemblées devant le Messie. Et le Christ sépare les gens, comme un berger sépare les brebis des chèvres, ou un arboriculteur sépare les fruits conformes des fruits trop petits ou abîmés.

A ce moment, Jésus ne raconte plus une parabole : nous pouvons donc appliquer aux personnes, des titres reconnus. Jésus annonce que le Fils de l’homme siégera sur le trône, entouré d’anges, et qu’il se mettra au travail du tri, avec une consigne précise. Et Mt explique cette consigne par la double discussion du Fils sur le trône avec ceux qui sont acceptés puis ceux qui sont refusés.

Vous l’avez entendu, les critères que le Roi met en avant concernent la réussite ou l’échec de ses administrés : Vous avez fait, ou vous n’avez pas fait. Et ce critère-là, nous l’aimons bien : faire ou ne pas faire quelque chose, nous le comprenons tout de suite ! Ça nous parle immédiatement.…éducation, conduite, sports, réseaux…

Le principe qu’il utilise pour la séparation, selon Mt, n’est donc pas nos confessions de foi ; ce n’est pas nos convictions, ou notre fidélité à la doctrine (Eglise / Réformée) ; ce n’est pas non plus notre relation personnelle avec Jésus, ou la tenue de nos cultes chaque dimanche. Le principe est la compassion, et la compassion seule. 

En effet, j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli.… chaque fois que vous avez fait cela à l’un de mes frères, à l’un des plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait. // J’étais nu, et vous ne m’avez pas donné de vêtements. J’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.…chaque fois que vous n’avez rien fait pour l’un de ces plus petits, vous n’avez rien fait pour moi non plus.

 Il n’y a tout simplement aucun moyen de contourner cette alternative : la compassion faite ou pas, envers un de ces petits qui est dénutri—nu—étranger— malade—détenu, c’est envers Jésus qui se trouve aimé ou rejeté. 

Le principe est la compassion seule, manifestée envers des femmes et des hommes qui se trouvent du mauvais côté de la barrière, peu importe la raison. La compassion, qui me déplace de mon statut de possédant et bien vu des autres, pour me mettre au niveau de celui qui manque, afin de lui donner de quoi survivre, ou d’espérer. La compassion qui me fait franchir cet espace d’insécurité pour rejoindre la proximité de ma soeur ou de mon frère humain en difficulté profonde. De ce faire-là dépend le signe que fait le Roi lorsqu’il croise mon regard : à g, à d.

Et lorsque nous nous plaçons ainsi devant le trône royal, parce que nous sommes tous convoqués devant lui, nous voyons très vite que le Roi des rois, entouré d’anges, c’est le Fils de l’homme Jésus. Mais c’est Jésus sans abri. Jésus malade. Jésus emprisonné. Jésus affamé. Jésus nu. Il est le Roi – mais serviteur qui est allé jusqu’à la mise à mort contemporaine, la croix. C’est lui, le défiguré, qui se trouve assis sur le trône royal, avec les anges, et le jugement de l’univers entier se fait alors sur ce critère vital d’un verre d’eau donné à un assoiffé – comme lui.

Lorsque je vois ce Fils d’homme sur le trône, je vois celle ou celui que j’ai violenté ou celle ou celui que j’ai servi : c’est limpide, il me dit, c’est moi Jésus que tu as refusé ou que tu as aimé. C‘est très dérangeant, c’est décapant. Et c’est apaisant aussi. Parce que je n’ai pas à prouver quoi que ce soit, ni à justifier quoi que ce soit. Ce Roi assis sur le trône, a vécu lui-même totalement le critère qu’il utilise, d’un côté et de l’autre. Il sait de quoi il parle.  Et personne ne peut contester cette situation et sa décision, pas même Dieu son père auquel il fait référence.

Relisez le tx de Mt : la salle du trône royal est remplie des armées célestes et tous les peuples du monde sont alignés devant lui. Et qui est assis sur le trône ? Nul autre que le Fils d’homme. Cet Homme qui est allé parmi les hommes au nom de Dieu et qu’ils ont tué, exécuté comme un agneau innocent. Il n’y a pas d’autre trône, pour Dieu Tout-Puissant ou 12 apôtres. Car Dieu Créateur, bien que comprenant toute détresse et souffrance, ne reste pas là. Mais Jésus, que les puissants ont torturé et crucifié comme un criminel dans la fleur de l’âge : c’est lui qui juge les peuples du monde, lui qui amène le monde entier à se fondre dans son point de vue et celui de son père. C’est lui qui rend justice à tous ceux qui ont été victimes au sein de l’humanité. Dieu se tient en retrait et accueille en son sein.

Ce jugement dernier, comme on l’appelle, ne met pas en avant un Roi entouré des apparats dorés et riches de toutes les merveilles de l’univers, ni un Roi dominateur et vengeur à la tête des armées d’anges guerriers, et qui brandit le livre d’une loi discriminante et impossible à tenir pour la plupart des humains. Mais :

Il est un Roi entouré d’anges paisibles; un Roi qui représente pleinement ces humains qui ont besoin d’être aimés. Il expose des comportements simples, que chacun peut mettre en pratique immédiatement chez soi. Car c’est bien cela qui compte bien plus que de décrire un Roi absolu avec des images tirées de l’aventure humaine. C’est en vivant dans l’existence qui nous est donnée, le principe de la compassion, que nous pouvons gagner la vie et un avenir. Amen

 

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