26/06/2022 : Jésus tue ou sauve ?

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Luc 9,51 à 62       Galates 5,1+13-25

Luc 9:51 dit que Le moment approche où Jésus doit quitter ce monde. Alors il décide avec assurance de prendre la route de Jérusalem. Luc va répèter ce motif du voyage de Jésus au moins huit fois dans les 10 chap suivants. Il souligne ainsi que Jésus se dirige inexorablement vers son destin à Jérusalem. Rien ne l’arrêtera. C’est son destin divin. Le récit de ce voyage se termine avec son entrée triomphale à Jérusalem, où Luc écrit que chaque jour il enseignait au temple (19:47).

Cependant Luc ne fait pas un récit de voyage. Il s’intéresse plus à la théologie qu’à la géographie : Ce qu’indique bien le grec : Jésus rend ferme son visage pour marcher vers Jérusalem. Et dès sa décision qui s’imprime sur son visage, les problèmes externes et internes se dressent devant lui. C’est une manière d’annoncer par avance le terme funeste qui l’attend. 

Jésus envoie une avant-garde devant lui pour préparer son passage dans un village samaritain. Vouloir passer par la Samarie dans le pélerinage vers Jérusalem, c’est on ne peut plus provoquant ! L’hostilité ethnique ancienne entre Juifs et Samaritains ne peut que provoquer des étincelles !  Jésus et sa troupe ne sont pas le bienvenu parce qu’il a le visage tourné vers Jérusalem.(53) Mais cela permet de mettre en lumière la réaction de Jacques et Jean, qui explosent de rage: Seigneur veux-tu que nous appelions le feu du ciel pour les détruire ? Dans leur excès de zèle, ils veulent une démonstration publique de la colère de Dieu qui consumerait ceux qu’ils prennent pour ennemis. 

Ils ont de qui tenir, puisque Elie, le grand prophète d’Iraël, a fait descendre le feu du ciel sur des hommes arrogants. Leur explosion de colère illustre ce que l’épître aux Galates appelle des accès de rage ou de fureur (5:20). Il semble donc que les disciples de Jésus et les premiers chrétiens n’étaient pas exempts de paroles virulentes et de comportements colériques ! Et il y a de quoi ! un refus d’hospitalité aussi grossier, c’est contraire à la plus élémentaire attitude humaine, ne trouvez-vous pas ? C’est bien ce que beaucoup ont dit dans le vote dimanche dernier ? 

Or, au lieu de vitupérer contre les Samaritains qui le rejetent, Jésus réprimande Jacques et Jean, qui pensent le défendre en demandant à Dieu de détruire tout ce mal qui leur est fait. Vous imaginez ce qu’ils ont ressenti face à ce renversement !? La marche vers le village suivant a dû être plutôt silencieux…

Votre bible a peut-être des notes en bas de pages; elles indiquent ici, que des manuscrits grecs insèrent entre les v.55 et 56, une variante longue qui remplace le verbe réprimander, et qui fait parler Jésus, nous donnant ainsi ce qu’il aurait dit dans son reproche à Jq et Jn : Au lieu de Jésus les réprimanda, la variante propose : Et Jésus leur dit : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes, car le Fils de l’homme n’est pas venu pour détruire la vie des hommes, mais pour les sauver. De toute évidence, pour un copiste ultérieur, la simple réprimande de Jésus n’était pas suffisante;  elle ne permettait pas de comprendre pourquoi Jésus n’était pas d’accord avec la proposition pourtant légitime de Jq et Jn. Ce copiste voulait dénoncer la haine de Jq et Jn de façon catégorique, et il a donc fait un commentaire, une glose, sur le texte.

Les spécialistes du NT ont édité le texte grec en privilégiant le texte majoritaire, et en plaçant dans les notes de bas de page les informations données par les quelques manuscrits divergents. Car nous n’avons plus les textes originaux écrits par Luc, mais des copies du IIe et IIIe siècle seulement. Ce travail de recherche permet aux traducteurs de nous donner un texte en français, le plus proche possible de l’original. 

Ainsi la variante longue n’est pas fréquente. Et les spécialistes de la langue – les linguistes – peuvent aussi démontrer que la première partie de la phrase: Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes, n’est pas dans la rhétorique de Luc, et ce vocabulaire ne se trouve pas dans ses écrits (ni luc ni Actes). 

Cela révèle donc qu’un copiste ultérieur a été tellement choqué par Jq et Jn, qu’il n’a pas pu résister à l’envie d’insérer son commentaire. C’est comme s’il avait ajouté une glose pour dire ce qu’il pensait avoir compris de la vérité de l’Evangile, et comment il pensait que Jq et Jn avaient perverti l’Evangile dans cette histoire avec les Samaritains : Jésus n’est pas venu pour détruire la vie des hommes, mais pour les sauver. Cet ajout du copiste ne transmet donc pas les paroles originales de Luc, mais il communique sûrement l’esprit authentique de Jésus.

Cet ajout aux v 56-57 ressemble à quelque chose que Jésus aurait pu dire. Au ch. 19, le v10 se trouve dans tous les manuscrits anciens, et il ressemble étrangement à ce v. ajouté (ce qui est l’une des raisons pour lesquelles les critiques textuels le rejettent comme faux): Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Et cette idée se retrouve chez Jean, 3:17 : Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde. Ainsi, la glose des v.56-57 n’est peut-être pas authentique, mais son point de vue est dans l’esprit de ce que dit Jésus.

Lorsque Jq et Jn ont voulu invoquer la colère divine sur les Samaritains, ils ont manifesté une attitude en complète opposition à tout ce que Jésus a dit et fait. Déjà peu avant, Jean voulait empêcher un exorciste de guérir une personne parce qu‘il n’était pas des nôtres (9:49). Ces disciples sont plein de zèle, mais transforment la bonne nouvelle de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous, en une mauvaise nouvelle que Dieu aime « son groupe » et déteste les étrangers. La bonne nouvelle leur appartient, tandis que la mauvaise nouvelle est pour les autres. Et c’est la méthode appliquée par les intégrismes qui prennent appui sur la religion, quelle qu’elle soit. Ce système de pensée multiplie les suspicions et entretien une haine tribale, elle s’exacerbe dans la politique, le sport, et d’autres lieux.

Mais ce n’est pas le discours de Jésus ni son attitude. Son parcours est une bonne nouvelle pour tout le monde, pour les croyants, et aussi pour ceux qui n’y croient pas.

Pour Jésus, l’amour reçu de Dieu doit se traduire dans le comportement humain, c’est le plus important à découvrir et mettre en oeuvre. C’est pouquoi la variante textuelle ajoutée à Luc 9:56, si elle est clairement fausse, elle témoigne pourtant de la bonne compréhension de celui qui l’a écrite : le Fils de l’homme n’est pas venu pour détruire la vie des hommes, mais pour les sauver.

A notre tour, maintenant, de trouver des modalités d’expression et de mise en oeuvre de l’Evangile de Jésus Christ, qui refuse le faux évangile des extrémismes qui sont à nos portes : il en va du témoignage de l’Eglise, encore aujourd’hui !

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