24/07/2022 : Jésus rencontre et libère

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Jean 3, 1 à 8

Jn 1 – le prologue, avec le baptême par Jn le baptiseur, et les 1ers disciples. (devant tableau grande fleur rouge ; puis « 3h ») + Déplacements dans la salle…

Jn 2, raconte l’eau changée en vin, une surabondance déroutante, puis Jésus monte à Jérusalem pour la fête pascale, et il chasse les vendeurs du temple. (devant tableau des bouteilles vides; puis paysage, puis mouton)

Et le ch.3, nous fait entrer dans la vie nocturne et trépidante de la capitale. (devant le visage)
Nous ne savons pas dans quel tripot se passe l’histoire de ce face à face. C’est en tout cas un endroit discret, caché des rapporteurs qui surveillent la bonne morale.

Etrange histoire que cette rencontre nocturne d’un homme avec Jésus. Un grand homme. Grand par sa fonction, par son expérience, par ses responsabilités, par sa réputation. Il est un maître religieux. Un érudit, d’âge mûr de surcroît. 

Car il en a fait du chemin dans la vie pour en arriver là ! Aux yeux du peuple, il est un homme de bien, et respecté pour cela. Il est installé dans la vie, dans ses idées et ses croyances. Un homme accompli, arrivé. What else ?

Eh bien, il sent se creuser en lui un vide immense. Peut-être en a-t-il assez de jouer les «personnages». Assez de mentir et de se mentir. Oh pas de gros mensonges, mais une lassitude d’un homme arrivé et qui ne sait d’ailleurs plus très bien où il est arrivé. Il est enfermé sans doute dans sa prison du savoir et dans la sclérose des concepts bien rodés, dans ses certitudes qui ne remplissent plus leur devoir de tout maîtriser autour de lui. Toute une vie pour en arriver là !

Comment a-t-il pu ainsi perdre le fil du rêve et de son désir? Comment le feu est-il devenu cendre, sans même qu’il en prenne garde ? 

Un jour, un Galiléen à l’accent notoire a fait scandale dans le temple, mais ses paroles n’invitaient pas à la révolte politique. Et cet homme au regard profond s’est refusé à polémiquer, après avoir posé son geste libérateur contre les Mamon du temple. Alors, ce soir-là, il a osé: il est venu voir Jésus.
De nuit, afin de se protéger des regards indiscrets. Question de réputation et d’honneur. Surtout avec les réseaux sociaux, une photo est si vite partie !
Ou alors, la nuit parce qu’il ne parvient plus à trouver le repos ? La faute à son cerveau en bataille ? Les nuits sont décidément bien longues et angoissantes lorsque le sommeil nous boude !

Et puis, non… Il faut que cette rencontre soit nocturne : Car la nuit appelle l’infini, et les réalités invisibles d’en haut ne peuvent se chuchoter que sous ce voile mystérieux. C’est ainsi que le soir, plus qu’à n’importe quel instant, c’est l’heure de Dieu. Déjà dans le livre de la Genèse, Dieu se lance à la recherche d’Adam et Eve dans la brise du soir (3.8). Puisque la nuit appelle à la profondeur et à l’élévation de l’âme, il faut donc qu’il fasse nuit pour que la parole de Jésus se dévoile dans sa vive lumière. 

Nicodème vient sans question précise: Nous savons que tu es un maître extraordinaire car tu fais des choses extraordinaires comme personne ! dit-il, n’arrivant à énoncer ni attente, ni besoin. Est-ce donc là tout ce qu’il trouve à dire ? Nous savons qui tu es… Mais sur qui s’ appuie-t-il ? Qui est ce nous ? Lui, et quels autres? Derrière qui se cachet-il pour ne pas s’engager personnellement ? De qui ou de quoi a-t-il donc peur ? 

Etonnamment, Jésus entend ce qui n’a pas été formulé. Il risque même une percée dans la carapace du religieux:  Si quelqu’un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le règne de Dieu. Oui, on peut avoir vécu et ne point connaître l’existence. On peut avoir marché loin dans le chemin respecté de l’âge, et avoir encore à renaître… 

Puisque Nicodème semble être en quête d’un plus que le savoir, Jésus propose, avec une petite pointe d’impertinence et de provocation, non pas le savoir sur la vie, mais une vie dans sa fraîcheur toute nouvelle. C’est pourquoi il lui parle de nouvelle naissance, mais d’un ordre radicalement différent. Non plus d’une naissance d’en bas, mais d’en haut — c’est le double sens du mot utilisé par Jésus qui exprime à la fois naître de nouveau et naître d’en haut. 

Comme nous le dit le poète Christian Bobin: Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu’un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l’âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l’âme jusqu’au ciel.   Naissance d’en bas… Naissance d’en haut. Naissance de la chair… Naissance de l’Esprit. Naissance subie… Naissance choisie. 

Face à ce défi que lui lance Jésus, Nicodème ricane et joue à l’idiot qu’il n’est pas: Comment un homme vieux peut-il entrer dans le ventre de sa mère pour renaître?  C’est loin d’être une question naïve !

Si quelqu’un ne naît pas d’en haut, il ne peut voir le règne de Dieu, a dit Jésus. Car il faut une métamorphose du regard pour voir l’invisible. Alors Jésus lui fait comprendre qu’il existe une naissance de l’Esprit – le Souffle – qui est d’un tout autre ordre que celle de la chair. Une naissance qui n’est plus décidée par une tierce personne, mais par soi-même. Il ne s’agit plus de subir sa naissance, celle d’en bas — mais de la choisir, celle d’en haut. N’est-ce pas dire que tout en étant dans ce monde, les pieds bien sur terre, nous pouvons faire déjà partie d’un autre monde: celui d’en haut, celui que Jésus appelle règne de Dieu ? 

Naître d’en haut, c’est prendre conscience de notre identité divine. C’est réaliser que dans notre vie il y a un au-delà du vivant, que nous sommes des êtres à vocation céleste, appelés à naviguer entre l’en haut et l’en bas. C’est pourquoi Jésus dit: Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’esprit est esprit. 

Nicodème n’est pas prêt à n’importe quel renoncement. A son image, nous préfèrons toujours avancer sur le chemin que l’on a parcouru toute sa vie, même s’il est faux, plutôt que de repartir sur des bases nouvelles. Faire marche arrière, ou changer d’orientation dans son existence, semble toujours le fait d’un reniement de soi. On a l’impression de perdre un temps précieux, et surtout, devant les autres !

Pourtant, tout apprentissage doit inévitablement passer par un renoncement. Renoncer et décider de faire marche arrière est généralement perçu comme une marque de faiblesse, d’erreur, de lâcheté, d’inconstance, voire d’inconsistance et de manque de persévérance. Et cela conduit à la guerre, à l’extermination des animaux, à l’extinction de ressources, au changement climatique. Car il faut beaucoup de force pour reconnaître ses fragilités et ses erreurs, il faut beaucoup de courage pour revenir en arrière et décider d’emprunter un chemin neuf, il faut beaucoup de sagesse pour s’arrêter face à une voie erronée, il faut beaucoup de foi pour oser avouer ses peurs, il faut beaucoup d’humilité pour accepter de s’être trompé. 

L’ironie de Nicodème a donné l’opportunité à Jésus de proposer un nouveau départ, mais d’un ordre radicalement différent d’un recommencement du jeu de la vie. Il veut mettre du souffle dans sa vie, ainsi que du mystère ! 

Choisir de renaître à sa vie, c’est décider de ne plus se laisser ballotter par les décisions des autres, ni d’évaluer sa dignité aux regards des autres. C’est s’accorder le droit de faire marche arrière pour réorienter sa vie. C’est mettre de la souplesse dans son existence. C’est bannir toute rigidité et toute sclérose, tout sentiment d’être arrivé, installé, toute expression unilatérale d’avoir tout compris. C’est résolument rester en mouvement, comme le vent. Car si l’on cherche à figer le vent ou à l’enfermer, ce n’est plus du vent !

C’est à ce moment précis que Jésus prononce ces paroles énigmatiques: Le vent souffle où il veut. Tu l’entends, mais tu ne sais ni d où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l’esprit.

Qu’est-ce à dire? Lorsque tu es né de ce souffle d’en haut, lorsque tu as goûté de cette liberté que Dieu propose, libre de quitter tout ce qui fige, enferme, réduit, juge, alors tu deviens comme le vent. Alors tu respectes cette part de mystère et d’inattendu de la Vie. Alors tu cesses de cultiver ce besoin permanent de maîtriser ton passé et de dénoncer tous les nœuds de l’existence, à un point tel que tu marches dans ton présent, les yeux rivés sur un rétroviseur ! 

Tu ne peux alors goûter le soleil de l’instant, car l’ombre du passé et de l’avenir le couvre. Tu ignores d’où vient le vent et où il va : alors, vis et ose revivre et renaître, sans croire que tu te renies. Lâche entre les mains du Maître de la Vie ce besoin de tout maîtriser. Laisse-toi surprendre et porter par cette force d’en haut. Deviens souple comme le vent. Reste un passant … L’humain vivant n’est-il pas celui qui vient à tout instant à l’existence, qui est prêt chaque jour à renaître de nouveau – d’en haut ? 

Laisse-toi inspirer de Nicodème : il s’ est retiré avant le lever du soleil. Mais il s’en allait résolument du côté de la lumière. En plein jour il prendra la défense de Jésus (Jn7.50), et sera aussi au pied de la croix(Jn19.39,40). 

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