23/10/2022 : question de Loi

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Deutéronome 10v11 à 11v1     Luc 18,9 à 14

Le Deutéronome a mauvaise presse dans le christianisme ; il a des relents d’une loi étouffante, pointilleuse, qui s’apparente aux lois des mollahs d’Iran et Talibans d’Afghanistan. En Hb, élèh hadevarim – voici les paroles, est une grande production littéraire qui fait parler Moïse, pour qu’il donne la synthèse de l’enseignement de Dieu au peuple, juste avant son entrée en Canaan. Un peu comme l’Ev selon Jean fait parler Jésus entre le lavement des pieds et son arrestation dans le jardin de Gethsémanè. Les traducteurs juifs de la version grecque ont donné le nom de 2e loi – deuteros-nomos, parce qu’il est une reprise, amplifiée, de lois déjà connues.

De nombreux éléments internes montrent que Dt date de la période juste avant l’exil et se termine avec le retour d’exil et la période de reconstruction d’une identité nationale. Dans ces temps de crise de la foi, où l’on ne sait plus très bien pourquoi il faut obéir aux commandements du Seigneur, les auteurs s’efforcent d’en faire comprendre le fondement, les conséquences et l’exigence centrale. C’est un véritable effort catéchétique, qui a donné plusieurs formules clés à l’identité juive :  Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un – le credo fondamental du judaïsme, qui se poursuit immédiatement avec le 1er cmdt que Jésus met en avant : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu

Cette catéchèse met en avant une certaine vision de l’existence croyante, avec 3 dominantes : 1/ La volonté de trouver une fidélité authentique, au cœur d’un monde qui se transforme ; 2/ l’existence de chacun est commandée par la reconnaissance du Dieu qui libère gratuitement et qu’il s’agit d’aimer en se conformant à ses lois ; 3/ la recherche d’équilibre entre cette gratuité et le sérieux des choix à faire, parce que la loi de l’alliance place le peuple devant une question de vie ou de mort. Cet équilibre entre fidélité et liberté, n’est-ce pas aussi un enjeu pour nous, disciples du Christ ? un besoin pour notre identité dans ce monde qui offre la perversion, le plaisir, l’oppression…  ?  Ecoutons :

Moïse dit : Maintenant, Israël, que demande de toi le SEIGNEUR, ton Dieu ? Frères et sœurs, savez-vous que nous sommes aussi israélites ? Nous sommes entrés dans l’alliance établie au temps de Moïse il y a 35 siècles, grâce à Jésus qui a fait de nous des enfants de Dieu : En mourant sur la croix, il a réuni les Juifs et les non-Juifs en un seul corps, il les a réconciliés avec Dieu. Vous êtes concitoyens des saints, membres de la maison de Dieu (Eph 2.11-19). Nous pouvons donc tout à fait entendre ce que dit Moïse : Sa question nous est aussi adressée. Nous ne pouvons plus la rejeter en prétextant une sorte d’aversion anti-juive : Israël est Israël par choix de Dieu et non pas par naissance. Et nous avons été unis à ce peuple par Christ : en Rom 9 Paul dit que nous y sommes greffés. C’est pourquoi cet extrait de l’Ecriture est aussi notre référence ; elle s’est transmise de génération en génération, afin qu’en elle surgisse pour nous, par l’Esprit de Dieu, la Parole qu’il donne à ses enfants. 

Ce passage des Ecritures nous interroge ce matin : que demande de toi le SEIGNEUR, ton Dieu, pour que tu sois heureux ? Vous est-il arrivé de vous poser cette question ? Elle nous est adressée :  que réponds-tu ?

Chacun de nous peut y répondre à sa manière ; certains auront des réponses bien cadrées, renvoyant immédiatemen à Jésus et la grâce, pour éviter de plonger dans le texte de Moïse, jugé trop légaliste. D’autres vont saisir l’occasion de justifier des comportements avec des frontières entre les sauvés et les autres, entre ceux qui sont du bon côté, celui de la vraie église, et les autres… Certains se souviendront aussi que Jésus n’a pas éludé cette question fondamentale dans le judaïsme, en rappelant la parole de Moïse :  tu aimerais le S ton D de tout ton coeur, tte ta force, tte ta pensée. Jésus dit même que c’est le 1er et le grand cmdt (Mt 22.38); auquel il ajoute un 2e, tu aimeras ton prochain comme toi-même.(v39), corrigeant ainsi le penchant humain vers l’exclusion. 

Dans une catéchèse, lorsque un principe est donné, il est souvent explicité avec d’autres formules : et c’est ce que fait Moïse : Dieu attend que tu craignes le Seigneur ton Dieu en suivant tous ses chemins, en aimant et en servant le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, en gardant les commandements du Seigneur et les lois que je te donne aujourd’hui, pour ton bonheur. Il y a au centre la reprise du 1er cmdt –aimer Dieu de tt son coeur et être-; et autour, les notions de mouvement et de stabilité, de suivre et de garder. Et tout cela conduit au bonheur.

Ces lois… au bonheur ? Oui les commandements de Dieu ne sont pas là pour nous écraser, pour nous jeter dans la poussière et pour nous réduire à rien. Oui, la Parole de Dieu nous relève, elle nous fait tenir debout, elle nous remplit de joie. Mais ce n’est pas la joie du pharisien de la parabole de Jésus, cette auto-satisfaction qui s’affiche devant tous, avec ses réussites et sa prestance, comme un certain « guide » chinois qui reçoit l’adoration de ses sbires. C’est alors la perversion de la loi par le péché, nous dit l’apôtre Paul en Rom. 

Nous accorder à la volonté de Dieu, c’est vraiment nous accorder avec notre vraie nature. Recevoir sa Parole, c’est vraiment nous recevoir nous-mêmes, c’est recevoir notre tout, notre bonheur. Le collecteur d’impôt de la parabole reste humble, il reconnaît le chemin qui lui reste à parcourir dans sa vie pour aboutir à un équilibre de bonheur. Et Il s’en va, non pas satisfait de lui-même, mais justifié par Dieu, apaisé par le Dieu qui l’aime et qu’il aime. 

Que demande de toi le Seigneur, ton Dieu ? Ce qui a changé en Christ, c’est l’ouverture de cette question à tout être humain, et non plus seulement à Israël. Ce que la Réforme du XVI a redécouvert, c’est à nouveau le fondement de cette question, qui n’était pas la condition du bonheur mais la mise en oeuvre du bonheur. Aimer Dieu, suivre ses lois, servir ses cmdts, ce n’est pas la condition du salut, mais parce que le salut est déjà donné : Israël est déjà sorti d’Egypte. C’est parce que Dieu a libéré son peuple, qu’il lui donne les béquilles des cmdts.

Lorsque le Dt est rédigé, il y a la reconnaissance pour le retour au pays, mais ce qui domine est, alors, la peur de perdre son identité de peuple libéré, dans le monde dirigé par les dictatures du temps. Le cmdt n’est plus une source de joie, mais devient un carcan qui doit marquer l’intégrité du peuple choisi par Dieu, et éloigner ceux qui n’en font pas partie. Les règles et rituels imposés deviennent un marqueur du judaïsme, dont Jésus lui-même a souffert. Ces craintes d’une dissolution dans la société, provoque la crispation sur une idéologie légaliste; cette forme peut aussi traverser notre église, parce que nos (bancs) rangs s’éclaircissent largement, parce qu’on marie nos 2 paroisses, etc. 

Que demande de toi le Seigneur, ton Dieu ? En suivant Jésus-Christ, dans son Esprit, cette question catéchétique nous permet de rechercher et de reposer nos vrais fondements. Elle est une aide pour trouver son chemin dans notre monde, pour exprimer notre liberté fidèle au milieu des libertés égoïstes, pour aimer la veuve et l’immigré autant que le Seigneur Dieu, au milieu des cris de haine et des gestes de violence. 

Ainsi, la Réforme du XVI, avec ses catéchismes en Q-R s’est inspirée de la formulation biblique bien plus ancienne. Martin Luther commence le Petit catéchisme (1529) : PREMIÈRE PARTIE: LES DIX COMMANDEMENTS tels qu’un chef de famille doit les enseigner aux siens en toute simplicité : LE PREMIER COMMANDEMENT: Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Quel est le sens de ces paroles? Nous devons craindre et aimer Dieu par-dessus toute chose et mettre en Lui seul notre entière confiance. 

Le catéchisme de Heidelberg, réformé (1563) débute ainsi : Question 1: Quelle est ton unique consolation dans la vie et dans la mort? C’est que, de corps et d’âme, tant dans la vie que dans la mort (Ro 14.7-8), j’appartiens, non pas à moi-même (1 Co 6.19), mais à Jésus-Christ, mon fidèle Sauveur (1 Co 3.23), qui, par son sang précieux (1 Pi 1.18-19), a parfaitement payé pour tous mes péchés (1Jn 1.7; 2.2) et m’a délivré de toute la puissance du diable (1Jn 3.8). 

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