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23/05/2021 : Pentecôte
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prédication du 23/05/2021 par le pasteur Marc LABARTHE
Une anecdote en contre-point de cette histoire de la Pentecôte telle que la raconte Luc. En début de semaine, la maire de Chicago, la 3e ville USA, a annoncé qu’elle n’accordera des interviews qu’aux journalistes noirs ou métis. C’est la logique du dogme racialiste poussé à l’extrême, par certaines associations depuis plusieurs années. (cf. FigaroFox du 21/5)
Ce que l’on voit émerger aux Etats-Unis, explique l’écrivaine Rachel KAHN, c’est une fissure de plus en plus grande, non pas entre les classes mais entre les races. Dire que l’on refuse un journaliste parce qu’il est Blanc c’est ouvrir une nouvelle page de l’histoire où la lutte contre les discriminations, validée par une élue, se résume au rejet de l’autre, à la vengeance et à l’humiliation. C’est extrêmement violent.
Une conséquence probable dans ce monde ultra-médiatisé, est que nous allons avoir des médias de Noirs et des médias de Blancs, chacun parlera de sujets qui sont censés intéresser la communauté pour laquelle ils sont mis sur le marché. Il s’agit d’une logique séparatiste propagée par des courants intolérants et totalitaires, qui attaquent les principes de l’universalisme.
La crainte qui traverse tous les esprits c’est lorsque les supremacistes blancs vont faire de même et ainsi de suite… Et Mme Kahn de conclure, j’espère juste que nous ne serons pas colonisés par cet impérialisme raciste.
Cette situation américaine, nous la croisons aussi chez nous, malheureusement, et nous devons prier, nous exercer dans le discernement, et nous battre pour que ces idéologies ne nous colonisent pas non plus.
Le message de la Pentecôté peut nous aider, car il est d’une logique tout autre. La nouvelle sociologie inspirée par l’Esprit du Christ induit une toute autre relation entre les humains que cette soi-disant lutte contre le racisme par l’application d’un autre racisme, qui est celle du talion. Vous avez entendu la liste des pays et donc des cultures dans les Actes : promesse d’une réalité qui brise le principe de Babel. De toutes nations, de toutes langues, de toutes cultures, le Saint Esprit veut rassembler hommes et femmes, pour faire un peuple reconnaissant, non pas fusionnel, ni monoculturel, mais rassemblé sous l’autorité du roi de l’univers, le crucifié ressuscité.
Jésus Christ seul est le principe fondateur de la nouvelle économie insufflée par l’Esprit. Et le paradoxe est d’affirmer que sa souveraineté, son autorité, sont issues directement de son abaissement et de sa mort sur la croix. Donc un triomphe à l’envers. C’est parce qu’il est serviteur, au service de celui qui est dans le besoin, que son autorité a du sens, et qu’il construit une « règle de vie » (= oiko-nomia) qui permet à chacun de trouver sa place, sans rejet ni obstruction.
La venue de l’Esprit Saint est la venue d’un « autre Jésus », qui se rend présent dans la communauté nouvelle que l’Esprit forme sur les bases des paroles de Jésus. Selon Ac.2, son arrivée provoque une explosion de langues de feu, et la communauté des 120 réunis ce jour-là devient incendiaire. Le phénomène du parler en langues est important pour la prière du croyant, et l’informe de l’universalité de la louange et du témoignage, mais n’assure pas à lui seul la cohésion du corps du Christ. L’Esprit met en oeuvre d’autres phénomènes, dont le fruit résiste aux valeurs d’exclusion et de favoritisme : l’amour-agapè, la paix-shalom, la joie-chara(charis-matique !), jusqu’à la maîtrise de soi, si absente dans les manif’ actuelles, cf Gal 5.
Que dit la rumeur populaire, selon Luc, après l’arrivée de l’Esprit qui fait sortir les 120 de leur salle de culte ? Ils parlent notre langue, et disent les merveilles de Dieu (2.11). Ils sont expulsés de leur temple, ils ne peuvent plus assurer leur culte habituel, leur liturgie s’est arrêtée car les langues de feu a rendu l’atmosphère intérieure irrespirable : ils sortent pour prendre l’air et ils parlent, mais ce qu’ils disent provoque des rencontres qui ouvrent à la foi (merveilles divines), et des rencontres qui se terminent par la moquerie et l’ironie (ils sont ivres). Pierre en donnera une interprétation partielle dans la suite du texte, avec un résultat positif surprenant, plus de 3000 baptêmes ! Mais l’Esprit devra reprendre quelques points dans les chap. suivants des Ac, parce que certains aspects n’avaient pas encore été compris. C’est ce que nous avons lu ces dernières semaines.
La présence d’une diversité de peuples, le fait d’aller à leur rencontre, la capacité de parler leur dialecte et d’y annoncer les merveilles divines, c’est la volonté du Saint Esprit pour ces juifs messianiques fidèles de Jésus de Nazareth. L’Esprit ne fait pas entrer ces gens dans le moule de la première communauté, mais demande à celle-ci d’aller à leur rencontre, et donc cela va provoquer de grands changements intérieurs et aussi dans la richesse des merveilles divines à intégrer dans la louange. La classe, la culture, le genre, l’ethnie et les antécédents religieux ne sont pas effacés – ils sont transformés par la grâce de l’Évangile. Il faut que toute l’église apporte tout l’Évangile au monde entier, conduite par l’Esprit Saint et non plus par le profit colonial.
Et le baptême est un signe de ce changement de paradigme et du système de pensée. Parce que le baptême n’imprime rien de physique sur la personne, aucun tatouage, aucune mutilation. Il est donc applicable a priori, dans toutes les cultures humaines. Et c’est aussi pourquoi l’unité du Corps du Christ est hétérogène, et par ce fait-là, elle devient un témoin puissant dans notre monde déchiré par les conflits. Le mouvement oecuménique devrait aboutir, par l’Esprit saint, à la pleine reconnaissance des soeurs et frères en Christ Jésus de n’importe quelle église, sans obligation aucune de soumission à des principes ou des dogmes. Dans la pratique, nous pouvons par exemple nous interroger pour savoir si nous sommes en train de nous lier d’amitié avec des personnes de tout âge, toute classe et toute culture, ou si nous ne le faisons que du bout des lèvres, tout en restant bien en sécurité derrière nos habitudes, dans nos enclaves « tradi » ?
Accepter le message de Pentecôte, c’est devenir une nouvelle humanité dans la communauté, habilitée à témoigner de la transformation et de l’accueil. Amen