30/05/2021 : Actes-Trinité

prédication du 30/05/2021 par le pasteur Marc LABARTHE

Deutéronome 4.32-40  Matthieu 28,16-20  Romains 8,14-17

Nous voici encouragés, en ce dimanche qui suit la Pentecôte racontée par Luc, à parler de la Trinité. Je ne sais pas trop ce que cela évoque pour vous, la trinité. Peut-être la confession de la foi chrétienne ? ou le Crédo, symbole des Apôtres ou de Nicée-Constantinople ? ou les controverses entre les Eglises d’Orient et d’Occident ? ou encore un sujet de théologie réservé aux intellos de l’université et des instances dirigeantes ? et enfin, les accusations portées par les Juifs, les musulmans et les témoins de jéhovah contre ce qu’ils considèrent être une infamie, un triple dieu ?

Avec cette dernière question, nous sommes en plein dans l’actualité du dialogue interreligieux avec les musulmans, et avec le judaïsme. Car c’est l’une des premières accusations qu’ils portent à notre encontre. Alors, si nous n’y avons pas réfléchi quelque peu, soi-même et avec d’autres, nous tomberons dans le piège qu’ils ouvrent devant nous par leurs arguments percutants et souvent convaincants. D’autres croyants monothéistes, éloignés de l’Eglise, sont complètement déconcertés par la façon dont le Dieu unique peut apparaître comme trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et toujours être un seul Dieu.

Et pour nourrir notre confiance en Dieu, nous avons besoin d’avoir quelques repères. Mais l’un des défis de la prédication le dimanche de la Trinité, est qu’il n’y a pas de passages bibliques qui traitent avec une évidence absolue, de la compréhension particulière de Dieu en tant que trois personnes. Toute une série d’affirmations sur la Trinité ont émergé après de longues réflexions sur les Écritures, mais ne se trouvent pas explicitement développées, en tant qu’affirmations préétablies et incontestables.

Malgré tout, certains passages des Ecritures ont permis d’élaborer cette notion de la Trinité. Et cette notion s’appuie d’abord sur les affirmations des penseurs d’Israël dans leurs Ecritures : Celles-ci dégagent la conviction qu’il n’y a qu’un seul Dieu au-dessus de tout autre dieu, avec un nom ineffable, Y-H-W-H. Le Premier comme le Nouveau Testament insistent clairement sur ce point, et aujourd’hui encore les Juifs résument leur confession de foi ainsi : Écoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un. (shema Israël, HASHEM elohénou, HASHEM ehad). Ou comme le dit Dt 4.39 : Reconnaissez donc aujourd’hui et gardez dans votre coeur cette vérité : c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, là-haut dans le ciel et en bas sur la terre. Il n’y a pas d’autres dieux que lui. Unicité de Dieu.

Les disicples de Jésus, juifs puis païens, y adhèrent pleinement, comme l’apôtre Jacques écrit : Tu crois qu’il y a un seul Dieu? Très bien, les démons aussi. (Jq2.19) Mais ce qui a changé dans l’église juive et païenne, c’est l’identité de Jésus, que Dieu a relevé d’entre les morts : quelle part de Dieu y a-t-il en lui. Et aussi la venue de l’Esprit saint, à la manière de langues de feu, comme le racontre Luc, ou  par le souffle que Jésus ressuscité a soufflé sur les disciples, comme le raconte Jean : Jésus et l’Esprit ont élargi la compréhension de la présence de Dieu : il n’est pas enfermé dans un lieu inaccessible, le saint des saints du temple de Jérusalem, il n’est pas isolé sur son trône quelque part dans les cieux. La croix a déchirré le rideau qui sépare de la présence directe à Dieu. Une façon de dire que Jésus est le pont d’accès à Dieu. Les langues de feu qui se posent sur les 120, rappellent le buisson en feu de Moïse. Alors de là à faire Dieu, J et SE, il n’y a qu’un pas.

Avec Jésus, Dieu a été plus loin qu’une parole qui saisit un humain pour en faire son prophète. L’étrange histoire de Jésus de Nazareth, ses paroles et ses actions, sa mort inattendue et sa résurrection complétement déroutante, ont conduit les disciples à raconter qui est Jésus pour eux, avec parfois des paroles osées, des expressions uniques et personnelles, comme pour la question de sa naissance, ou de sa mort, ou lors de son ascension. Ainsi Matthieu termine son Evangile avec la promesse de Jésus de rester jusqu’à la fin : Voici je suis avec vous jusqu’au terme; ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes v17. On ne sait pas ce que cachent ces doutes; mais ils traversent l’existence de chacun, parce que la présence de Jésus n’est pas si évidente que cela.

Relisez les ch.14à17 de l’Ev. selon Jn, pour creuser un peu. Lorsque Jésus parle de son unité avec Dieu, il dit : je suis dans le Père, et le Père est en moi (14.11). Il y mêle d’abord le croyant: moi, je suis en mon Père, comme vous en moi et moi en vous (14.20). Mais de l’Esprit, il en parle comme d’un être envoyé par son Père et qui prendra les paroles de Jésus pour les donner aux croyants (16.14s). Si l’Esprit est envoyé, lui, Jésus, est sorti du Père (16.28). La relation n’est pas tout à fait la même entre le Père et le Fils qu’entre le Père et l’Esprit, ou le Fils et l’Esprit, chez Jn. Et pourtant, après la résurrection, Jésus souffla sur eux et dit recevez l’Esprit (20.22).

Le concept d’un Dieu en trois personnes n’est formulé explicitement qu’à la fin du IVe, après de longs débats parfois violents qui luttaient contre des enseignements considérés comme déviants et traitres à l’Ev. Ce que le vocabulaire de la foi et de la théologie appelle « la Trinité », c’est une représentation de Dieu. Une représentation en 3 dimensions de Dieu- tri et unité. Le Dieu unique et créateur, a été perçu à travers ses trois faces : le Père, le Fils, le Saint Esprit. Le Père, il est là de tout éternité, le Fils est né à Noël, et le Saint-Esprit, il est venu dimanche dernier, le jour de la Pentecôte. Donc, depuis une semaine, Dieu est « complet », son mystère est totalement révélé, l’expression « la Trinité » le résume, et c’est pour cela qu’on la célèbre le dimanche qui suit Pentecôte (D.Crouzet).

La difficulté de certaines images qu’on donne, et de notre vocabulaire, c’est d’éviter certains pièges. Ainsi l’image de l’eau qui peut être liquide, glace ou vapeur, si elle dit bien 3 façons d’être, elle n’évite pas le piège du modalisme, le mode de présentation de l’eau. L’image d’une fleur à 3 pétales, n’évite pas le trithéisme, parce qu’il faudrait 3 pétales de couleurs et de formes différentes. On pourrait prendre 3 personnes ayant des caractères et des rôles différents, et qui ont toutes la même nature humaine.

Si le mot trinité n’existe pas dans la bible, la formule cherche à rendre compte de la richesse du Dieu biblique, dans sa relation avec sa création. Dieu est un être de parole et de mouvement, une dynamique, un amour, une sagesse. C’est un Dieu qui donne et pardonne, qui console et relève, qui échoue et recommence. Le Trois permet de dépasser le dualisme des deux qui se font face, où la confrontation n’a d’autre issue que l’écrasement de l’un par l’autre. Lorsque trois sont en présence, la communication peut s’établir. Le Dieu trinitaire porte en lui la marque du dialogue et de la communication. En lui, il y a trois visages différents qui communiquent et dialoguent en permanence. Ainsi, il nous invite à entrer en communication avec lui, et les uns avec les autres.

Inutile de se battre pour garder la formule Trinité, car il s’agit de servir l’humanité et la création, à la manière du Père qui nous appelle à lui, en suivant Jésus le Fils dans son commandement d’amour, et par les intuitions de l’Esprit qui surviennent au moment opportun. Je suis avec vous tous les jours ! Qu’il en soit ainsi !

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