210912-Jacques 3, 1-10 -mutation

au temple de Flaviac

Jacques 3, 1-2 ; 7-10     Marc 8, 27-37

Je trouve cette déclaration extraordinaire : Vous le savez, nous qui enseignons, nous faisons tous beaucoup d’erreurs. Si quelqu’un parle sans faire d’erreur, il est parfait, il peut être maître de tout son corps.  Nous qui enseignons, nous faisons tous beaucoup d’erreurs : combien de fois l’avez-vous dite, cette phrase ? combien de fois l’avez-vous entendue confesser par votre interlocuteur ? Bien sûr, le verbe central doit être adapté selon les contextes : nous qui dirigeons telle entreprise, nous qui faisons de la politique, nous qui gouvernons la nation ou la commune, ou même l’église…, nous qui sommes parents, nous les sportifs, nous les médecins, nous les acteurs sociaux, nous les journalistes, nous les juges, (police, jeunes,)… tous nous faisons des erreurs, beaucoup d’erreurs ! 

Que Jacques, le frère du Seigneur, devenu le patron de l’église de Jérusalem après le départ de Pierre, que Jq l’écrive noir sur blanc, c’est une confession forte, et qui permet de relire ses affirmations avec un regard différent. Il reconnaît se tromper, tout en donnant la piste vers la perfection. Enseigner, c’est parler pour édifier, et Jq en vient à l’outil nécessaire à la parole audible, la langue. La langue agit par automatisme pour la déglutition, et quant à la parole, elle parle parfois trop vite ! Jq sait bien qu’elle est l’agent de la personne qui parle, mais il en fait une méraphore, comme si la langue dirigeait tout discours. La volonté humaine s’exprime par la langue, qui peut manifester à la fois de bonnes et de mauvaises choses à travers ses paroles.

La langue est petite, mais combien influente. Négativement, elle peut être destructrice, comme l’étincelle qui déclenche un incendie de forêt ravageur. Elle peut manifester le mal omniprésent qui consume un individu. Mais pour la personne portant l’image de Dieu, affirme Jq, il ne devrait pas en être ainsi. Le frère/soeur ne peut pas porter cette dualité, tout comme l’eau douce et l’eau salée ne peuvent sortir de la même source, ni les figues venir des oliviers ou les raisins d’un figuier. 

Notre langue peut faire beaucoup de bien, mais aussi beaucoup de mal, lorsque nous transmettons de fausses nouvelles (fake news) et des vérités incorrectes. Nous constatons régulièrement à quel point la diffusion de fausses nouvelles est pernicieuse. Elle suscite un sentiment « anti-science » qui est souvent partagé sur les réseaux sociaux, qui engendre le déni du changement climatique; ailleurs elle fait planer une méfiance à l’égard de la médecine et des laboratoires de recherche, laissant croire que leurs intérêts ne sont pas que la santé des gens, mais plus souvent la recherche d’un profit sans vergogne, ce qui rend les gens réticents à recevoir un vaccin imposé par ces instances. Rien qu’avec l’exemple de la langue, nous pouvons ressentir combien certains choix, certains discours, conduisent à prendre un comportement dont les conséquences touchent des domaines inattendus. Ne serait-ce que ce message !

Dans l’Ev selon Mc, 2 langues s’affrontent. La langue de Pierre dit l’excellence et la tentation. La compréhension, juste et forte, qu’a Pierre de qui est Jésus, est dans l’impasse quand Jésus explique ce qui doit lui arriver à Jérusalem. Lorsque Jésus parle de son arrestation, de ses souffrances et de sa mort, Pierre entend des fake news : impossible pour le Christ, l’envoyé de Dieu. Pierre, en son fort intérieur, ne peut entendre, ne peut croire, le discours de Jésus : Jésus déraisonne.

Alors la langue de Jésus claque sèchement. Pierre tu as les pensées des hommes, tu es un satan, va-t-en derrière ! Jésus rejette Pierre de façon dramatique ! c’est Pierre ici qui prononce des fake news, il ne parle pas les pensées de Dieu, il induit en erreur, en tentation, à la dérive. Et Jésus ne l’accepte pas. Les 2 langues de Pierre et de Jésus n’ont pas du tout le même avis, la même lecture de la mort du Christ. Alors qui a tort et qui a raison ? ce n’est pas toujours facile de le savoir, de comprendre où se situe le faux du vrai, surtout quand il s’agit de son catéchisme, de ses idées qu’on a bien construites pour s’affirmer. Et tous, nous avons des convictions « à la Pierre », qui ne sont pas dans l’esprit du Christ, et qui doivent être modifiées selon des critères mis en lumière par Jésus.

L’Ev nous dit qu’à cet instant-là, Jésus appelle les foules de païens -il est proche de Césarée de Philippe à dominante non-juive – à se rassembler avec ses disciples, et il décrit ce que signifie suivre Jésus, marcher sur ses traces, être son disciple : cela concerne aussi bien les disciples juifs que les nations. En 3 phrases, Jésus interroge la motivation profonde qui anime son enseignement.

Le suivre lui, Jésus, c’est accepter de changer d’identité en se reniant soi-même, donc en renonçant à certains de nos acquis, à certaines traditions, à des manières de vivre, en refusant les systèmes de pensées qui poursuivent la croissance économique et industrielle au détriment de l’environnement. C’est aussi choisir l’opprobre et le rejet par les autres – symbolisés par la croix – puisque les dominants de ce monde ne vont pas tolérer la notion du partage et de l’amour agapè, l’amour qui fait grandir l’autre, dans le respect de la création.

•• Le suivre lui, Jésus, c’est accepter que notre propre vie soit mise en danger parce que nous croyons Jésus et son enseignement ; mais perdre sa vie, ce n’est pas que par les menances de mort des opposants à Jésus; perdre sa vie à cause de Jésus, c’est aussi laisser Jésus modifier sa vie d’avant, ses pensées toutes faites d’avant, c’est perdre ses repères acquis par nos sciences humaines, pour prendre ceux que Jésus met en avant; se renier, se perdre, c’est sauver sa vie, guérir sa vie, par la bonne nouvelle de Jésus. 

••• Le suivre lui, Jésus, c’est ne pas gagner le monde entier; gagner le monde peut vouloir dire, maitriser le monde, ses affaires et ses ressources. Et l’on commence à voir les conséquences catastrophiques pour la vie de toutes les espèces vivantes. Nos manières de gérer les terres cultivables, les ressources des océans, et les minerais de toutes sortes, détruisent aujourd’hui, les habitats des animaux, polluent les eaux potables, et n’offrent pas aux êtres humains que nous sommes une espérance glorieuse comme certains osent encore nous le faire croire. 

Et Jésus de poser la question ultime : Que donnerait un être humain en échange de sa vie ?   Voilà bien la question qui tue !
Jésus, lui, a parlé parfaitement à ce sujet : il n’a pas eu 2 langues. Il a donné sa vie, comme il a tenté de l’expliquer aux apôtres ce matin-là.

Et ce qui nous rassure, ou nous encourage, c’est que Pierre, secoué et malmené de nombreuses fois au travers des échecs répétés qui lui sont rapportés, Pierre a été restauré et transformé, et nous le voyons plus tard proclamer courageusement l’Évangile au cœur de l’opposition culturelle et religieuse. Lui aussi a choisi le chemin du don de soi à la suite de Jésus.

De même, nous pouvons surmonter les visions du monde auxquelles nous avons succombé, le matérialisme et le consumérisme qui endurcissent notre cœur contre Dieu et nos semblables. Nous pouvons renoncer à des théologies qui trompent et qui asservissent. Nous pouvons retrouver une identité qui brille de la joie et de l’émerveillement de vivre avec la création et non plus l’exploiter sans respect. 

Cette attitude est le chemin montré par Jésus, suivi par Jq lorsqu’il reconnait ses erreurs; à nous de poursuivre sans relache dans cette orientation. AMEN

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