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210829-Mt18,1-14-parabole
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au temple de Cliousclat
Les paraboles du Royaume, du Règne des Cieux – elles ont marqué les disciples, qui interrogent ici Jésus pour en savoir un peu plus. Ils ont compris que le Royaume n’a rien de commun avec les règnes de ce monde, son espace est ouvert, et le parcourir assure des rencontres inattendues ; mais, y a-t-il quand même une reconnaissance particulière pour les quelques humains fidèles ?
Puisque le RC commence déjà à se manifester dans le monde, par les graines semées et qui grandissent au milieu des ivraies du champ, ces bonnes graines se reconnaissent dans l’église naissante. S’il y a des épis qui donnent 100, 60 ou 30, qui est le plus grand ? quel critère pour discerner cela ? y a-t-il un saint plus saint que les autres ? Y a-t-il un plus grand que tous dans le RC après Dieu : autrement dit, y a-til un « méga + », face à des mini ?
Jésus répond par une parabole visuelle : il appelle un jeune enfant, et le place au milieu du groupe, au centre de l’attention. Ce n’est pas lui, Jésus, le plus grand, ce qu’il aurait pu dire sans ambages ! Non, il s’agit d’abord d’une conversion du coeur, des pensées et des actes. Un chemin est à prendre par les disciples, pour entrer dans le RC, avant de pouvoir se poser la question du méga + !
Ce chemin de conversion globale, est encore accentué avec la notion de devenir comme les petits enfants. Or le verbe devenir, en grec, est de la même racine que naître – et fait écho à l’expression que Jn utilise, naitre de nouveau ! Et je suis sûr que cela vous parle davantage : se convertir et naître de nouveau, comme les petis enfants, voilà ce qui permet d’entrer dans le RC ! C’est d’abord un travail sur soi-même, rappelle Jésus : et il désigne alors le petit enfant, en disant: quiconque se rendra humble comme cet enfant sera le plus grand dans le RC.
Se rendre humble comme cet enfant-là, sur qui se concentre l’attention, voilà une manière de naître et de se convertir. Jésus ne précise pas ce qu’a de spécial cet enfant, laissant libre court à notre imagination. Mais chacun est concerné par une mutation personnelle, dans son comportement et ses modes de penser. Ensuite seulement, il y a la capacité d’accueillir un enfant comme celui-ci, parce que tu es du même monde que lui. Tu es né de nouveau à son niveau, tu le vois avec des yeux d’enfant, et tu découvres que Jésus est là, dans cette attitude.
Jésus prolonge la parabole avec de nouvelles images. Le petit enfant n’est plus que le petit, qui a foi en Jésus, et au lieu d’être accueilli, il est jeté à terre, scandalisé, par quelqu’un qui devrait à son tour être puni de mort violente. On est dans la surenchère, pour bien faire comprendre l’enjeu des relations que Jésus instaure.
Se couper la main, le pied ou l’oeil, afin de ne pas mépriser un seul de ces petits, c’est encore un travail sur soi, pour ne pas enfermer la soeur ou le frère dans le scandale, ni s’enfermer soi-même dans l’amertume, ne pas délaisser le petit dans le mépris. Jésus rappelle la présence des anges devant Dieu, seuls aptes à moissonner la vie des petits au temps marqué.
Les paroles de Jésus sont fortes, brutales : elles font même scandale. Elles sont reprises par Mt pour que les disciples que nous sommes, ne s’endorment pas sur des acquis et des habitudes. Celui qui balaie du revers de la main cette violence, participe au scandale du petit et à sa chute par la main ou l’oeil.
Qu’en pensez-vous ? … Jésus invite ses disciples à réviser leur question du + méga, et leur comportement, en modifiant les paramètres de référence :
Quel est votre avis ? Si un homme a cent brebis et que l’une d’entre elles est égarée, ne va-t-il pas laisser les 99 autres dans la montagne pour aller à la recherche de celle qui est égarée ? Et s’il parvient à la retrouver, en vérité je vous le déclare, il en a plus de joie que des 99 qui ne sont pas égarées. Ainsi votre Père qui est aux cieux veut qu’aucun de ces petits ne se perde.
Cette parabole s’adresse aux disciples; ils sont chacun derrière le berger qui se soucie d’un seul égaré en partant à sa recherche. Car c’est l’attitude fondamentale de Dieu qui est en cause, sa bienveillance envers les petits. Voilà l’unique grandeur applicable dans le RC. Et donc, la question ne se pose plus comme au début. Mais bien plutôt dans la façon dont nous gérons notre relation aux autres. Jésus, encore une fois, invite chacun à un cheminement intérieur et à un comportement renouvelé. Il interpelle notre responsabilité personnelle, individuelle.
Comme les autres paraboles du Royaume, elle ne dit pas tout, et laisse une partie dans l’ombre de nos propres interprétations. La brebis égarée n’a pas de nom et l’égarement n’est pas précisé : une certaine latitude est laissée à l’auditeur pour y discerner son vis-à-vis ou lui-même.
Le berger laisse 99 brebis dans la montagne – étrange comportement, mais le récit empêche d’y voir un abandon, et ouvre à une relation qui évoque la montagne de Sion ou celle du Sinaï, ou même la montagne du Sermon ou celle de la transfiguration, et de multiples allégories possibles… Et c’est le berger encore qui a plus de joie avec la brebis trouvée qu’avec les 99 autres, restées docilement sur place.
Contrairement à Luc, Mt reste au bord de la catastrophe : si il arrive à la trouver ; le berger peut échouer ! Mt prend acte de la difficulté à trouver le chemin qui mène jusqu’à l’autre, sans en préciser les raisons ; celles-ci peuvent se nourrir de l’attitude des disciples, ou du choix de la brebis ou des dangers du chemin. En face de ce risque, il y a la volonté du Père, dont le projet est à l’opposé de ce qui est, pour lui, la perte d’un petit. La préoccupation du Père n’est pas la grandeur de l’un, mais que chaque brebis, chaque petite, en cas d’égarement, soit trouvée, donc re-trouve/prenne sa place au milieu des autres, comme le petit enfant.
Et Jésus remplace la notion du plus grand, par celle du plus de joie : c’est la joie qui est au coeur de RC, et non la hiérarchie entre humains. Qu’est-ce qui apporte donc de la joie dans le Royaume ? lorsqu’un grand est né de nouveau petit; lorsque cet ex-grand chemine humblement, comme un petit; lorsqu’un petit est accueilli pleinement ; lorsqu’un petit, scandalisé et égaré, est enfin trouvé et prend sa place. Quelle joie pour le berger, quelle joie pour chacun d’entre nous, quelle joie pour notre Père qui ne veut qu’aucun de ces petits ne se perde.
F&S – laissez-vous saisir par la joie du Royaume, et ne vous égarez pas dans les méandres des méga + ! vous y perdriez votre joie, la joie du Père ! amen
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