210801-Mt13.24à43-parabole

au temple

Parabole

Matthieu 13, 24 à 43

Dimanche dernier, nous avons re-découvert une parabole qui parle de graines semées, et d’un semeur qui les sème, sur des terrains variés : des échecs successifs dans la croissance possible des graines, n’empêche pas en fin de compte, que celles qui ont grandit dans la bonne terre, produisent enfin du fruit.

Une remarque pertinente a été faite, que je n’ai pas développée, au sujet du semeur qui ne fait pas un travail professionnel. Et c’est bien ainsi qu’aujourd’hui plus encore qu’à l’époque, on peut entendre cette histoire : c’est du gâchis, ce que fait le semeur sorti pour semer ! Et ce gâchis dérange. Mais Jésus fait exprès de zoomer, de cadrer fortement, sur 3 zones où les graines sont vouées à la mort.

Et l’on a vu qu’heureusement, la bonne terre reçoit la plupart des graines ; mais là aussi, le rendement est médiocre, puisque Jésus laisse entendre que 1/3 produit 100%, 1/3 60% et 1/3 30%. Le semeur n’a pourtant pas affronté le gel, la grêle ou la sécheresse, il n’a donc pas un « bon terrain » fertile ! Et même avec l’explication donnée par Jésus, on ne peut qu’être déçu du résultat : 3/4 des personnes ensemencées n’ont pas de fruit, et le 1/4 restant produit du fruit, mais les 2/3 de ce 1/4 n’atteignent pas la plénitude ! 

Le lot de consolation serait alors d’inverser l’explication de Jésus, et de se dire que ces terrains ne sont pas autour de nous, mais ils sont en fait en chacun de nous : Je suis parfois dur comme le chemin, ou asphixié par les affaires du monde, ou ne produisant qu’un piètre fruit de 30%.

Jésus n’est donc pas tendre avec le royaume de Dieu. Il ne fait pas miroiter un Versailles au centuple ! Ce royaume a particulièrement de la peine à s’installer – même au fond de soi ! c’est surprenant, non ??

Dimanche nous avons aussi eu la reprise d’une autre pararbole de graines semées, avec un jeune qui a été applaudi. Celle qui a été le support de notre lecture : la parabole du bon grain et des ivraies – le mot est au pluriel, et les jardiniers savent que les mauvaises herbes sont de toutes sortes, et coriaces, rapides, résilientes…

Cette parabole suit immédiatement l’explication de la parabole sur les graines dans les 4 terrains. Comme si Jésus voulait donner un nouvel éclairage aux explications qu’il vient de donner sur les échecs de la Parole. Il ne faut pas en rester là, mais élargir son regard, sa vision du royaume et de l’évangile. Les graines sont bonnes, mais ont bien des difficultés. Et la méthode va marcher, puisque les disciples vont demander des explicatoins sur cette nouvelle histoire, sans critiquer Jésus. 

Regardons cette parabole : v24,26,30b, donnent la strucutre de base : le décor agricole toujours, avec une bonne semence dans le champ. Suivi du temps de la croissance des herbes de blé, et aussi, des herbes qui perturbent. Et tout à la fin, la moisson, avec le tri entre les ivraies et le blé, qui seul compte. Rien que de très normal. Le maître vise à transformer le champ avec un produit qui permet la vie. Mais des ivraies sont également là, ponctuellement, sans avenir !

Alors Jésus apporte une première série de modifications au texte, qui lui donne tout à coup une autre orientation, et bien du mystère : v25,27-28a.  C’est de nuit qu’un autre semeur sème des graines de zizanie dans le même champ. Puis des serviteurs du maître interviennent par des questions. Ils reçoivent quelques explications sur ce que sont tous ces ingrédients. Pourtant, des données restent mystérieuses : la nuit, l’ennemi, et les serviteurs.
Jésus raconte le monde où le bien et le mal sont distingués, mais doivent coexister. Il raconte notre réalité bien souvent quotidienne. Et son explication ouvre de nouvelles perspectives : d’abord, les ivraies remplacent en quelque sorte les oiseaux, les pierres et les épines de la parabole précédente ; mais également, Jésus donne même un nouveau sens aux graines semées, qui ne sont plus la Parole du royaume, mais les Fils du Royaume.

Jésus introduit un 3e temps dans la parabole ; lorsque les serviteurs se proposent d’agir : 28b,30,31a. Une action doit être menée contre les ivraies, contre ce mal qui grandit en même temps que les herbes de blé. Une logique tout humaine, qui est de diminuer l’impact de ces ivraies sur la croissance du blé, quand c’est possible. Mais, le maître pose un interdit : NON – interdit de trier ! pour lui, c’est la garantie de la moisson finale. C’est peut-être cet interdit qui pose le plus de problème aux serviteurs, aux auditeurs que nous sommes. (75)

Il est urgent de ne rien faire : l’idée est à l’opposé du fonctionnement habituel du monde lorsqu’un danger menace. La parabole fait apparaître la réalité telle qu’elle est : malgré les ivraies, la réussite de l’entreprise est acquise, affirme le maître : au temps de la moisson, recueillez le blé dans ma grange. Le résultat final est positif et ne dépend en rien du faire des hommes, mais au contraire de leur non-faire. La réussite aura bien lieu, elle est même déjà en cours et chacun peut y participer, mais sans être acteur de la réussite. L’interdit que pose le maître condamne radicalement le désir premier de ramasser les ivraies : il s’agit de laisser-faire. Car la réussite est un don, gratuit et immérité. Le maître détourne le vouloir-faire en un savoir-être. 

C’est ainsi que la parabole agit en nous. Et si nous avons pensé que nous étions parmi les serviteurs du maître, eh bien, le maître interdit d’agir comme on pense qu’on devrait le faire : mettre de l’ordre dans le champ du monde ! Nous devons donc prendre un autre chemin. Comme Jésus ne situe jamais les disciples dans les 2 explications données (parabole des graines et des 4 terrains et celle du bon grain et des ivraies), il ne dit pas non+ qu’ils sont les « justes » du Royaume. Suspens !

Comme ce sont des paraboles, il n’y a pas de jugement définitif, donc pas de fermeture ni de condamnation, mais une extrême liberté, une progression interieure à poursuivre, en acceptant les remises en question pour entrer dans la dynamique du Royaume. Voilà ce qui est attendu des disciples.

 

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