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210718-Ps139-merveille de fragilité
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au temple de Charmes
Ce psaume est prisé par les parents, lorsqu’ils pensent à leurs bébés et petits enfants; en effet, à leur égard, ils sont présents à tous les instants, ils voient quand ils dorment, s’éveillent, mangent, font leurs besoins, crient, pleurent, découvrent la vie, apprennent quelques mots…
Et puis un jour, ça change, parce que les enfants grandissent, et prennent aussi conscience qu’ils peuvent faire et dire des choses que les parents ne savent pas, et les parents apprennent à laisser leurs enfants vivre des choses sans savoir tout ce qui leur arrive. La plupart des parents s’en réjouissent et encouragent leurs enfants dans cette autonomie, en transformant les relations de dépendance en relations de responsabilité partagée.
Ce psaume commence par présenter un Dieu qui voit tout et sait tout, comme les parents du petit enfant; il regarde jusqu’au fond de mon coeur et il me connaît. Il sait quand je m’assois et quand je me lève, longtemps à l’avance, il sait ce que je pense. Il sait quand je marche et quand je me couche, et il connaît toutes mes actions. Je n’ai pas encore ouvert la bouche, il sait déjà tout ce que je vais dire! Il est derrière moi, il est aussi devant moi, il pose la main sur moi, il me connaît parfaitement. Pour moi, c’est trop beau, cela dépasse tout ce que je peux comprendre.
Or après avoir entendu cela, je suis presque sûr que la plupart d’entre vous n’a vraiment pas envie d’avoir un tel Dieu avec lui.
Génial, d’une certaine manière, mais aussi angoissant et inacceptable que toutes les caméras que l’on pose à tous les coins de rues, ou les systèmes de reconnaissances faciales utilisés par les gouvernements totalitaires (), ou le traçage qu’opèrent les fournisseurs d’accès au téléphone et à l’internet. En fait, nous avons bien plus à craindre de ces systèmes-là que du Dieu du ciel, ne trouvez-vous pas ?
D’ailleurs, la fin du Ps ne vous a pas été lue; en général, on l’évite : elle révèle le côté violent qui habite, non pas Dieu, mais l’être humain. Eh oui, l’auteur dévoile soudain le côté terrifiant et qui surgit de son coeur, avec une haine qu’on retrouve dans les paroles des intégrismes politiques, religieux et sociaux : Dieu ! si tu voulais massacrer l’infidèle! Vous, hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi. Tes adversaires disent ton nom pour tromper, ils le prononcent pour nuire. Seigneur, comment ne pas haïr ceux qui te haïssent, ne pas être écœuré par ceux qui te combattent ?
Le poète se cache derrière Dieu et ses adversaires pour justifier sa propre haine, et son désir d’en découdre par le massacre. Or les dernières paroles du psaume permettent de revenir à la première partie avec un oeil averti. Ainsi, le poète avec son côté bon-enfant, se sait protégé par Dieu qui suit son chemin comme les parents accompagnent l’enfant dans sa découverte du monde ; mais le poète avec son côté sombre, n’est pas à l’aise devant le Dieu qui sait tout de lui, qui change la nuit en lumière, qui le trouve aux extrémités de l’univers et le rencontre même aux enfers.
Nous n’aimons pas entendre le rappel de nos paroles de rejet ni de nos égoïsmes, ou ces sentiments de haine qui viennent plisser nos regards ; ou ces colères qui nous habitent devant le mal subi et celui commis, la maladie et la mort qui rôdent. Alors nous accusons Dieu et le fuyons, plutôt que de faire face à nos limites et fragilités.
Or Dieu n’est pas abusé par nos masques. Où que nous allions pour être sans lui, pour fuir son regard et celui des autres, il vient, il illumine, il nous redresse et nous apprend à marcher. Il ne retient pas nos misères et n’est pas trompé par nos réussites, car il veut nous faire devenir adultes devant lui, en nous proposant Sa façon de trouver du sens à notre existence.
Et le poète finit par assumer cette orientation fondamentale de Dieu à son égard, lorsqu’il dit : je confesse que je suis une vraie merveille …v.14 ! Il peut dire cette phrase bouleversante parce qu’il vit un parcours personnel devant la lumière de Dieu. Un Dieu qui n’a rien à voir avec le projecteur avec lequel des humains exposent leur vie ou celle de leurs adversaires. La lumière de Dieu n’est pas inquisition ou voyeurisme ; c’est une lumière favorable, semblables à celle que les parents ont avec leur petit de quelques semaines ou quelques mois. Dieu ne change pas son amour avec nous comme nous le changeons avec les adultes. Hier et aujourd’hui, à « 1an et 10 mois » comme à 90 ans passés, chacun peut dire : je suis une vraie merveille ! vous y croyez ?
Dieu nous donne un courage pour assumer notre route. Il est avec nous dans la lumière du jour comme dans la détresse de la nuit, qu’elle vienne de la maladie de l’enfant ou des disputes familiales, ou de l’âge qui fatigue.
Et le poète découvre que les ténèbres sont celles du malheur et ne viennent pas de Dieu : Si je dis, la nuit me couvrira, elle devient lumière autour de moi. Dieu dispose d’une lumière qui vient nous guider dans nos doutes, dans nos désespoirs, dans nos épreuves, dans nos maladies, dans nos hésitations, parce que pour lui, chacun est une vraie merveille. Dieu n’agit pas envers nous en fonction de notre valeur boursière, ou de ce que nous faisons, ni même en fonction de nos ténèbres, ou de nos chemins tortueux. Dieu a des yeux de Père qui connaît les choses qui nous rendent heureux, ou qui nous empoisonnent la vie, ou même qui nous détruisent. Dieu est d’abord et surtout, le Dieu qui nous fait exister par sa bonne parole, le Dieu qui fait de nous de « vraies merveilles », avec les limites et les faiblesses que provoquent l’existence dans ce monde.
Et dans l’histoire de Jésus, Dieu a montré sa manière d’être proche de nous : l’Ev de Luc raconte le désarroi d’une fille mère qui accouche dans une étable ; l’Ev de Mt nous raconte la précarité d’un émigré économique et politique. Voilà comment Dieu s’approche de nos peurs, de nos joies aussi, pour les habiter avec nous, et y placer sa lumière qui ouvre toujours une espérance, au quotidien et jusque dans l’éternité. Quel que soit le parcours de Thibaut, de sa grande soeur Morgane, et de chacun de nous, le Seigneur a les yeux sur chacune de ses merveilles; sa parole est une lumière sur nos chemins, elle éclaire nos horizons, et ne laisse tomber dans l’oubli aucun prénom.
Le baptême que nous avons partagé ce matin, celui que nous avons reçu, ne dit pas autre chose ; il vient comme une signature à la fois dérisoire et décisive. Il demande à chacun de savoir s’approprier le Ps 139, dans ses 2 parties, parce que devant Dieu, nous pouvons dire que nous sommes de pures merveilles ! amen