210704-Ez2;Mc6;2Cor12-libre de l’échec

au temple de Livron

Parabole

Ezéchiel 2, 2 – 5      Marc 6,1-6      2 Cor 12,7-10

Ces 3 textes, comme souvent, peuvent être abordés de plusieurs manières. Voici celle que je propose à notre méditation ce matin. Dans les 3 passages, nous lisons que Dieu agit au travers d’une personne, afin de porter un message de sa part. La puissance de Dieu agit dans la vie d’un humain : pour Ezéchiel, Dieu le fait parler au milieu du peuple ; pour Jésus, Dieu le fait parler dans sa patrie de naissance ; pour Paul, Dieu le fait parler auprès des nouveaux convertis issus des nations. La puissance de Dieu agit, mais de façon paradoxale, parce que les conséquences autour du porte-parole ne sont pas tout à fait celles du succès et de la réussite.

Ces 3 histoires nous conduisent à l’opposé du récit de la création en Gen 1 : lorsque Dieu dit, la chose arrive, et en quelques paroles et quelques jours, nous avons tout un monde transformé et en état de vie.
Au contraire, lorsque Dieu fait parler ses 3 témoins, rien ne se passe comme cela aurait dû se passer. Chacun à leur manière se trouve confronté à la résistance et au refus, à l’impossibilité de faire changer la situation : au temps d’Ezéchiel, les gens du peuple sont têtus et ont le coeur fermé aux paroles du prophète, ils écoutent ou n’écoutent pas, car c’est une bande de révoltés.
Au temps de Jésus, ils écoutent mais en restent aux faits connus : il est des nôtres, on le connaît bien, c’est le petit de Joseph, il plane un peu, faut bien que jeunesse passe… Au temps de Paul, il aimerait partager ce qu’il a reçu du Seigneur, mais ce ne sont que difficultés, souffrances, insultes qu’il reçoit en retour, un satan qui le frappe constamment. 

Ces 3 témoins sont confrontés à l’échec. L’échec est un mot qui fait peur à tout le monde. Notre société est devenue tellement axée sur le succès et le mérite de l’action, que nous avons très peu de tolérance à l’échec. Elle glorifie les réussites du monde comme certaines stars du cinéma ou de la chanson, les milliardaires des gafa (google-amazon-fbook-apple) ou autres succès de l’automobile et du sport, et puis regarde de haut, quand elle ne méprise pas ou n’élimine pas de sa vue, les marginaux et les randonneurs comme vous et moi. 

Je trouve très intéressant que, dans le court passage de l’Evangile, Jésus ait lui-même connu l’échec, tout comme dans la suite du texte, il s’attend à ce que ses disciples échouent : il leur dit « Quand les gens ne voudront pas vous accueillir quelque part, quand ils ne voudront pas vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds. » Dans certaines Bible, le début du chap est sous-titré : «Jésus à Nazareth » avec parfois un complément « les gens ne croient pas en Jésus » ou encore « incrédulité des siens ». Il y a donc clairment le sens de l’échec donné au lecteur, avant même de lire le passage.

Jusqu’alors, Mc nous dit que Jésus est passé de succès en succès dans son ministère, et il nous a raconté certains des miracles les plus étonnants de Jésus – l’arrêt de la tempête, la guérison de l’homme possédé par le démon et la restauration de la santé de 2 femmes anonymes, incapables d’atteindre la vie d’adulte. Et voici que Mc nous entraîne là où Jésus aurait dû recevoir le soutien inconditionnel.

Dans la synagogue de son enfance, Jésus se met à enseigner. Et il obtient une réponse, mais vraiment différente de celles rencontrées en d’autres endroits. Comme chaque fois ou presque, les gens sont étonnés par ses paroles, mais cette fois leur étonnement se change en consternation devant son message et son attitude. « Comment ce garçon du coin, Jésus, ose-t-il s’approprier une telle autorité ? » Et le v.3 dit : N’est-ce pas le charpentier, fils de Marie et frère de Jacques, José, Juda et Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici avec nous ?’ Il était pour eux une cause de chute.

C’est l’échec : Jésus est face à un mur. Il est trop connu, son parcours est balisé, il est enfermé dans ce qui a été, et il n’y a pas d’ouverture sur la nouveauté possible.

C’est en fait la 3e fois que Jésus entrevoit un échec dans son ministère. En 3:21, sa propre famille l’a qualifié de fou et a essayé de le retenir. Dans Mc 3:31, sa mère et ses frères et sœurs essaient à nouveau de le retirer de son ministère d’enseignement. Ici, dans sa ville natale, il rencontre un rejet total, l’incitant à prononcer sa célèbre phrase : Un prophète n’est pas sans honneur, sauf dans son propre pays, et parmi ses propres parents, et dans sa propre maison.(v4)

Que fait donc Jésus ? arrête-t-il son ministère ? s’enferme-t-il dans la dépression et l’autosatisfaction ? devient-il vindicatif et hargneux ? promet-il l’enfer à ses détracteurs ? L’Evangéliste dit qu’après avoir exprimé sa désillusion, Jésus se tourne vers les villages à proximité pour y porter sa parole, et il charge ses disciples de commencer leur activité missionnaire. De l’échec provoqué par sa parenté et ses amis, Jésus rebondit et s’ouvre à d’autres possibilités. Aucune fermeture, aucune amertume, il ne se replie pas sur lui-même, bien au contraire.

Un théologien américain a écrit un livre – la théologie de l’échec- et il dit ceci:  Une théologie qui prend l’échec au sérieux n’encourage pas le fatalisme, ni la passivité, ni l’indifférence au monde ; elle affirme plutôt que l’homme qui ne peut pas librement ouvrir sa vie est un homme dont les idéaux et les valeurs sont déjà compromis. (John Narrone, A Theology of Failure [New York : Paulist Press, 1974], 11).

L’échec n’est pas la fin du monde. L’échec n’est pas une maladie débilitante qui ruinerait tout le présent, et parfois l’avenir de sa vie… ou de l’église. En fait, nous ne devrions pas avoir peur d’échouer. On dit souvent que l’échec permet d’apprendre bien davantage que la réussite facile. Nous devons enseigner la réalité de l’échec, et nous attendre à des échecs, parfois cuisants. Et ensuite, exercer le rituel d’ouverture de Jésus – tourner autour de son village fermé en offrant à d’autres ses paroles de libération. Continuer dans la même perspective, avec les disciples et d’autres interlocuteurs.

Ce qu’a fait Paul, après 3 cuisants échecs dans sa prière : il n’a pas abandonné, il s’est ouvert à l’amour paisible du Seigneur pour accepter faiblesses et soucis, dans un nouvel état d’esprit : avec joie ! vous rendez-vous compte ??. Oui, quand je suis faible, c’est à ce moment-là que je suis fort – v10.

Lorsque Dieu agit avec puissance, ce n’est pas selon les modalités dominatrices et glorieuses de l’humanité. Il agit pour donner du sens à l’existence au travers des échecs et des épreuves, pour aider à traverser les tohu-bohu de l’existence, mais pas vraiment pour s’imposer aux yeux de la société dont les objectis ne sont en rien fondés sur les mêmes principes. Apprenons avec ces 3 témoins, à regarder les échecs qui nuisent à notre vie, à les dépasser, pour accueillir la grâce puissante de Dieu qui nous pousse à continuer dans son projet pour chacun (foyer, famille, église…) et pour l’humanité. AMEN

 

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