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21/02/2021 : Marc 1 – carême et filiation
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Prédication du 21/02/2021 par le pasteur Marc LABARTHE
En ce 1er dimanche du temps de Carême, nous voici poussés à reprendre à zéro la vie de Jésus, ou presque, puisque nous sommes renvoyés à son baptême et à sa proclamation fondamentale. Comme s’il fallait créer un évangile dans l’évangile pour le Carême, qui lui-même sera suivi du temps pascal jusqu’à la Pentecôte, et alors seulement, nous reprendrons une lecture au début de l’Evangile. Un peu plus de 3 mois de parenthèse, lorsque nous suivons le rythme des lectures oecuméniques, i.e. catholiques.
Ce n’est pas sans conséquence sur notre manière de penser la vie spirituelle, et donc de la vivre. Quels que soient les discours pour atténuer la compréhension du Carême, il y a toujours dans cette période, l’invitation au renoncement. Cet accent mis sur le dépouillement, la simplicité, le partage, la frugalité, aurait pour objectif de préparer chacun à recevoir l’annonce de Pâques. Et Pâques serait alors comme une libération des contraintes imposées, puisque personne ne continue sur la même ligne de conduite de la simplicité après Pâques – à quelques rares exceptions !
Cette parenthèse du Carême peut donc devenir une tromperie sur l’évangile libérateur du Christ si nous ne prenons pas garde au fait que la proclamation de Jésus concerne toute l’existence, et pas seulement 6 ou7 semaines dans l’année. Le retour au Jésus qui passe du Jourdain au désert, sous la contrainte de l’Esprit Saint et non pas d’une auto-décision de privation, peut cependant apporter une ouverture à notre parcours de Carême.
Jésus vient d’être baptisé, il sort de l’eau et entend une voix dire Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai pris plaisir. C’est une identité nouvelle qu’il reçoit. Jésus entend la voix de Dieu qui le nomme tu es mon fils, et qui le réclame dans une relation intime, bien-aimé en qui je prends plaisir. Jésus sait qui il est, et par rapport à qui, il est ce qu’il est. C’est une révélation essentielle, existentielle, et qui s’exstasie de la communion — je prends plaisir en toi. Mais cette identité révélée a une conséquence, celle de la présence d’une colombe dans la vie de Jésus. L’Esprit saint est là, c’est lui qui ancre en Jésus son identité toute nouvelle et particulière.
C’est là que la tentation entre en jeu. Parce qu’il est tout simplement plus facile de s’asseoir, de savourer ce sentiment de bénédiction, de se contenter de sa nouvelle identité et d’espérer que les autres trouveront la même chose.
Alors que Mt et Lc entrent dans les détails, Mc note simplement que Jésus a été tenté par le Satan, le contestataire, celui qui depuis le début non seulement tente mais séduit et sème la méfiance entre les enfants de Dieu et Dieu. Lorsque vous n’avez pas confiance, vous le savez, il est difficile de prendre des risques, de s’épanouir, de remettre en jeu ce que vous reçu, en vue de ce que vous pourriez avoir et, plus difficile encore, en vue de ce que d’autres pourraient avoir si vous réussissez. Parce que, bien sûr, vous pourriez ne pas réussir.
Vous pourriez essayer et échouer, tout perdre et tomber même dans une situation pire, et c’est la paralysie. Mieux vaut rester sain et sauf à la maison. Mieux vaut accumuler ou conserver ce que nous avons. Et ainsi le Satan tente, séduit et trompe.
Mc ajoute que L’Esprit expulse Jésus dans le désert. Dans le monde antique comme dans la Tora, c’est un lieu de refuge et de rencontre avec Dieu, mais souvent aussi un lieu de tentation et de lutte, proche du chaos. C’est un endroit où l’ordre que prévoit la loi de Dieu est absent. De là, les bêtes sauvages, avec toutes les connotations de danger qu’elles suggèrent.
Mais leur présence peut aussi signifier que ce n’est pas du tout une question de tentation solitaire – entre 4 yeux ! Mc suggère que tous les êtres vivants de la création de Dieu sont en danger, et qu’ils ont donc quelque chose à voir avec la présence et la mission de Jésus. Les bêtes des champs, de l’air et de la mer sont disposées dans la balance. Jésus les rejoint, il vient vers elles, ce qui n’occasionne aucune blessure de part et d’autre. Jésus fait pencher la balance, inscrivant l’intrusion du royaume de Dieu au coeur de la création, inaugurant la promesse du lion se couchant avec l’agneau.
Ce regard rappelle l’alliance que Dieu pose devant Noé, ses enfants et toutes les créatures vivantes. Le terme alliance est repris 7 fois dans les 11 versets du texte, et l’expression êtres vivants 6x, comme si Noé avait besoin d’être persuadé par Dieu d’accepter ce don, pour lui et toute la création. Dieu n’attend rien en retour, pas de gratitude ni de merci. A nous d’entendre cette insistance de Dieu, rien ne peut séparer aucun être humain, ni aucune créature, de cette alliance d’amour, donnée gratuitement. Celle de Noé, tout autant que la filiation en Jésus.
Mc partage aussi que les anges l’ont servi. La tentation serait de croire qu’ils apportent nourriture et boisson à Jésus…! Or un ange, ça vient livrer un message; ils rappellent donc à Jésus son identité, son but et sa mission. C’est pourquoi, dans tout Carême qui peut vous être imposé en tentation, vous y rencontrez de nombreux anges, qui viennent servir le message essentiel que Dieu nous a donné, tu es mon fils / ma fille, bien-aimée, tu n’as rien à racheter.
Et Jésus sort de son Carême, non le jour des Rameaux, mais pour proclamer la bonne nouvelle de Dieu, en 4 points, qu’il va mettre en pratique sa vie durant. Il déclare que le royaume ou règne de Dieu est proche et incite à la conversion et à la foi. Le Règne est proche parce qu’il est là, lui Jésus, et il ajoute que le temps est accompli. C’est à comprendre au sens de bon moment, et non de l’horloge qui marque le chronos, Jésus est en lui-même l’avènement magistral et significatif de l’action de Dieu. Et immédiatement, Mc raconte l’appel des premiers disciples.
Et sur la fin de l’Ev., à Gethsémané, Jésus prononce la 2e occurence du mot accompli, où sur le point d’être arrêté, il dit: Que les Écritures s’accomplissent (14:49), provoquant alors la fuite des disciples dans la peur. Mais Jésus n’est pas empêché d’agir, puisque selon Pierre, pendant son temps de souffrance et de mort, il prêche la bonne nouvelle aux esprits prisonniers de leur suffisance, de leur indépendance comme à l’époque de Noé, période qui ressemble tant à la nôtre. Jésus accède à des lieux improbables, à ces victimes du déluge, ceux qui sont déjà morts, tout comme à ceux qui l’accompagnent jusqu’à la croix. Et sa prédication nous est destinée aussi, parce que c’est le bon moment, pour que chacun ait accès à Dieu, une fois pour toute.
Le même Esprit qui a conduit Jésus dans le désert et jusqu’à la croix, nous conduit également dans un monde qui se moque de Dieu comme au temps de Noé. Il nous conduit aussi vers ces endroits qui nécessitent une attention particulière, parfois jusqu’au désespoir, comme des églises moribondes, ou certaines personnes en fin de vie, ou des anciens oubliés, toujours avec la promesse que le temps du règne de Dieu inauguré en Jésus continue. Certains autour de nous ont besoin d’entendre avec douceur, que leurs efforts ne sont pas seulement vains mais souvent inutiles. D’autres ont pleinement conscience qu’elles sont en train de mourir, et nous devons pouvoir dire et vivre avec elles, que leur chemin n’est pas solitaire, Dieu est là, Dieu est à l’œuvre, et qu’il attire chacun vers une vie abondante qui commence maintenant et continue dans l’ère à venir.