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- 20/04/2025 -Jean-la tombe vide
20/04/2025 -Jean-la tombe vide
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prédication donnée à Livron
Voilà donc Marie Magdeleine qui réagit brutalement, instinctivement par la fuite, peut-être comme nous l’aurions fait ; elle est face à une situation totalement inattendue et qui vient perturber fortement son équilibre intérieur déjà bien précaire: son sang ne fait qu’un tour en voyant la tombe ouverte, violée, pillée, vidée de son contenu – elle pensait faire face à une pierre tombale, elle est tétanisée par un trou béant, qu’elle interprète comme un ultime affront envers celui qu’elle aimait et donnait sens à sa vie :
Ils ont emporté, ils ont enlevé le Seigneur hors du tombeau,
et nous ne savons pas où ils l’ont déposé, où ils l’ont mis.
C’est la grande question qui traverse les siècles depuis cet événement. Et l’on trouve des explications de toutes sortes. A un extrême, c’est la reprise de l’idée émise par Marie-Magdeleine, à savoir qu’un commando quelconque a fait disparaître le corps de Jésus, laissant ostensiblement le tombeau ouvert. Ainsi ce trou ne pourra pas devenir lieu de mémoire grâce aux ossements, pour les quelques partisans qui subsisteraient.
Et peu importe où le corps de Jésus a bien pu se décomposer. Jésus a disparu, ne resteront en souvenir que quelques actes et paroles. En effet, dans les années qui ont suivi, certains ont réussi à reconstruire son parcours humain, à recentrer l’essentiel de ses discours dans des Evangiles, et cela suffit pour faire vivre sa mémoire, la force de son caractère et de ses orientations sociales et religieuses. Il n’y a pas besoin de résurrection physique, mais une sorte d’éclairage, d’illumination de l’existence par les paroles qu’il a prononcées et qui ouvrent sur l’espérance d’un monde meilleur, qui sera amené peu à peu par des humains éclairés.
A l’autre extrémité, il y a ceux qui, comme Pierre et Jean s’aventurent dans le caveau, et voient les tissus utilisés pour tenir le corps de Jésus, affaissés comme si le corps s’en était échappé, comme s’il en était sorti à la manière de la vapeur qui s’élève en laissant tout en place. Et Jean crut, avant même de comprendre que Jésus devait être relevé des morts. Il n’y a pas de détail quant à sa foi toute neuve, sinon le lien avec la capacité de comprendre qui doit se construire. Pourtant, il semble que Jean croit que Jésus n’a pas été volé, mais qu’il s’est relevé des morts, qu’il est ressuscité, avec son corps, même si celui-ci a pris une autre dimension. Il n’y a pas besoin d’explications compliquées, il y a la confiance intérieure, la certitude sans explication, que Jésus est vivant, quelque part, bien plus que dans le coeur et la pensée. Il est avec Dieu, il est dans le Royaume, il est Esprit et vie. Jean écrira qu’il est la Parole même de Dieu, faite chair, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle (cf. 1.12).
Entre ces 2 extrêmes, il y a par exemple Pierre, qui s’en va en ne sachant que penser ni que croire. Il a tous les éléments en main ou en tête, mais ne sait pas comment les articuler. En effet, ils ont enlevé le Seigneur, en effet, nous ne savons pas où ils l’ont mis, en effet, les tissus enrobant le corps sont encore là, en effet leur position indique qu’il n’y a pas eu destruction du corps par l’extérieur, en effet le Seigneur est comme sorti de ces tissus par toutes ses micro-pores. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça rime à quoi tout ça ? Il lui faut du temps; il y a des zones d’ombres qui ne recevront pas d’éclairage et il faudra vivre avec. Et nous sommes les uns et les autres, bien souvent comme Pierre quelque part entre ces extrêmes.
D’ailleurs, ces 3 disciples ont dû vivre le shabbat dans l’abattement le plus complet. Revivre en boucles les dernières heures du vendredi, et sitôt l’aube d’après shabat amorcée, se rendre au tombeau pour avancer dans le processus de deuil et se sortir des événements surréalistes de la veille. Marie Magdeleine veut faire ce que nous faisons tous lors de funérailles. Quelque chose pour tourner la page. Et rendre hommage au défunt bien-aimé. Et pouvoir se soutenir mutuellement dans ces moments difficiles de la perte.
Et c’est lorsque Marie, puis Pierre et Jean, sortent de leur prostration, que l’absence du Seigneur devient une légitime question, une question posée autrement devant un tombeau vide. Et les réponses peuvent être multiples.
Evitons de réduire le parcours de ces 3 personnes à une alternative, soit le corps de Jésus s’est décomposé ailleurs, soit il est de retour parmi les vivants quelque part. Apprenons à laisser du temps à des gens comme Pierre, qui restent dubitatifs, hésitants, pour des raisons personnelles et que nous ne connaîtrons par vraiment. Ne rencontrons-nous pas de ces personnes autour de nous, quand ce n’est pas nous-mêmes qui ne mettons pas toutes nos billes dans le même sac ? nous qui restons prudents lorsqu’il s’agit de dire ce qu’on croit, ne serait-ce parfois auprès de nos propres enfants ou parents…
Le texte se poursuit en racontant que Marie-Magdeleine rencontre un jardinier qui travaille la terre (ou pâte) humaine pour qu’elle vive, et que l’Absent Enlevé le sera bel et bien, mais tout à fait autrement qu’à la manière des humains. Et ce Jardinier extraordinaire visitera les apôtres, et d’autres personnes tout au long des siècles qui vont suivre : parfois des Thomas dubitatifs, parfois des Paul persécuteurs, parfois des Jean de Patmos croyants inflexibles. Il deviendra le point focal essentiel de leur vie.
Aujourd’hui, d’après l’Ev selon Jean, il n’y a pas d’anges pour expliquer ce qui se passe, et envoyer les disciples en Galilée. Les 3 visiteurs sont confrontés à eux-mêmes, à ce que Jésus leur a enseigné. Et c’est en relisant les chapitres précédents que certaines phrases, essentielles, s’illuminent : Je m’en vais vous préparer une place dans la maison de mon père; je m’en vais pour que l’Esprit vous conduise. Ainsi donc, mourir c’est vraiment gagner ! allez comprendre…
Dieu n’utilise plus le donnant-donnant des religions humaines, le mépris et la vengeance qui animent nos pensées depuis l’enfance jusqu’au pouvoir des dictateurs. Il nous attire sur la croix avec Jésus pour que nous laissions dans la mort nos conceptions si humaines de l’existence.
Le tombeau vide et froid, est comme une invitation à accueillir une nouvelle approche, une nouvelle création, une nouvelle vie donnée par Dieu. Que toute votre pensée et toute votre affection soient orientées vers ces biens célestes – écrit Paul ; ne vous attachez pas aux choses de cette terre. Car, en fait, vous êtes morts à ce monde et votre véritable vie demeure désormais cachée avec le Christ en Dieu. Cachée avec le Christ dans la présence de Dieu, c’est dire que nous ne maîtrisons pas encore tout de la vie nouvelle et ressuscitée donnée par Dieu. Mais le jour où le Christ, lui qui est votre vraie vie, se manifestera au monde, alors votre véritable nature sera aussi manifestée à l’univers tout entier, et vous partagerez sa gloire. Et ça, ça peut tout changer dans l’existence, aussi vite que pour Jean ou avec le temps, comme Pierre et Marie-Madeleine.