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19/06/2022 : Partage du Pain
Partage
Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Nous avons lu les 3 textes proposés par nos lectionnaires pour ce jour. 3 textes qui sont forts réduits, et qui induisent des interprétations qui justifient une forme de pouvoir sacerdotal dans nos églises, quand ce n’est pas aussi le sens du sarifice ; ce que dénote le titre donné par la tradition, à notre 2e dimanche après la Pentecôte : Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Dès lors interrogeons-nous : savez-vous ce qui entoure la rencontre du roi de Salem avec Abram l’hébreu ?
Savez-vous tout autant ce qui entoure cette histoire de Jésus avec les disciples et les foules ayant faim, de 5000 hommes ?
Savez-vous enfin ce qui entoure le discours de Paul sur le repas du Seigneur, qu’il adresse aux Corinthiens ?
Il s’agit donc d’aller relire quelques versets avant nos passages, et quelques versets après si nécessaire. Cela peut nous éviter de sortir du contexte » comme ceux que nous aimons accuser parfois trop facilement, évangéliques ou mouvements sectaires comme les témoins de Jéhova ou les mormons. PArce que ce dimanche-ci, avec ces textes réduits, nous risquons de justifier une doctrine d’église plutôt que d’écouter les textes qui sont lus. Et cette manière de faire peut aussi encourager des comportements inacceptables dans nos propres églises locales.
• Dans la Genèse, Abram a fomé une milice de 318 hommes armés, et s’est adjoint celles de ses alliés, Aner, Eshkol et Mamré, pour effectuer une razzia éclair au nord du pays, entre Dan et Damas, contre ceux qui avaient attaqué, pillé et enlevé les biens, les animaux et les habitants au sud de la mer Morte, dont Lot son neveu. Cela fait quand même plusieurs jours de marche… A son retour, il est accueilli en vainqueur, par les survivants qui sortent de leurs cachettes, et comme le représentant du Dieu Très-haut, par Mélchisedek, roi de Salem, qui lui offre aussi le pain et le vin. Dans ce qui suit, Abram offre une dîme à Melchisédek, mais refuse de la prendre sur le butin, tout en autorisant ses alliés à le faire.
Parmi tout ce qu’il y aurait à dire, je retiens juste le fait que le pain et le vin sont l’expression de ce qui est essentiel à la vie humaine, et contiennent tout le labeur, la peine, le temps passé à espérer une bonne récolte ou vendange, et leurs suites, avant la joie d’être nourri et rassasié. Pain et vin sont l’expression de tout ce qu’Abram vient d’accomplir, son engagement avec ses moyens, pour sauver ce qui pouvait l’être, et ramener sain et sauf, hommes femmes et enfants, bétail et biens. Abram ne prend rien pour lui, mais il veille au bien vital de tous, y compris de celui qui l’accueille avec un repas (lui remet une dîme). Ce repas signifie que la vie peut continuer, le Dieu Très-haut assure l’avenir par le partage de tout le nécessaire à la vie dans le présent.
• Dans l’Ev selon Luc, Jésus veut se retirer avec les 12, après leur mission dans les villages, et le succès de leur prédication et des guérisons, au point que le pouvoir est ébranlé : Hérode sait que Jean est décapité et que ce Jésus est un nouveau meneur, dont il ne sait pas encore que faire. Non loin de Bethsaïda, la foule les repère et s’agglutine. Jésus prend du temps pour elle, par la prédication et les guérisons. Ce sont les 12 qui parlent de la faim en désignant la foule responsable. Et Jésus leur demande de la nourrir, ce qui les désarçonne et les révolte. Mais Jésus conduit les choses, répartit la foule en groupes, et commence à partager le pain et les poissons. Jésus partage, dit le texte, et les 12 distribuent. La surabondance ne survient qu’après le repas, avec les paniers de restes, un par apôtre.
Comme avec Abram, c’est donc après le repas, que l’on parle de l’abondance du partage, qui a rassasié et apaisé tous les participants. Les 12 ne sont jamais propriétaires de ce qu’ils partagent, ils n’ont que l’abonce des restes. L’essentiel n’est donc pas dans le miracle d’une multiplication, mais ailleurs; il faut le chercher dans le geste du partage qu’assure Jésus, en lien avec la grâce que Dieu donne, la bénédiction de Dieu dont parle Melchisédek. Ni Abram, ni Jésus ni les 12 ne se sont servis eux-mêmes, aucun n’a cherché à maintenir leur pouvoir ou leur place devant ou au-dessus des autres. Leur action a été de s’assurer que chacun puisse recevoir la nourriture nécessaire. Et Dieu accorde alors sa grâce, rendue visible par des restes inattendus. Et peu après, les 12 reconnaîtront en Jésus le Messie de Dieu.
• Enfin, dans la lettre que Paul écrit aux Corinthiens, nous avons le bonheur de lire ce qu’il a reçu au sujet du pain et du vin qui rappellent la mort de Jésus jusqu’à ce qu’il vienne. Mais le contexte n’est pas celui de nos SC feutrées. Il s’agit plutôt d’un grave conflit d’intérêt. Le refus égoïste de partager un peu de nourriture, l’essentiel de ce qui permet de vivre. C’est la traduction du refus d’accorder une place à un frère, le rejet de celui ou celle qui n’est pas de son groupe, de sa famille, ou tout simplement pas à l’heure, etc. Paul y va fort : l’un est ivre mort et l’autre meurt de faim. L’excès de l’un se fait au détriment de l’autre qui reste affamé. Tout le contraire du comportement d’Abram et de Jésus.
Paul en est scandalisé et rappelle le sens du repas en Eglise. Il n’est pas possible de ne pas partager, de se fermer à l’autre pour une raison de préférence personnelle, au nom de Jésus. Lui, il a donné sa vie, il a versé son sang, afin que personne ne soit lésé, mis de côté, rejeté, oublié. Paul termine sa diatribe en suppliant chacun de savoir prendre le temps les uns avec les autres, pour que personne ne soit exclu du partage. En Eglise, c’est la manière du Christ qu’il s’agit d’appliquer, et chez soi, chacun fait comme il l’entend. La table de Jésus est celle de tous ceux qui sont blessés dans la vie, les pécheurs, ceux qui ont faim et soif de guérison et de paix. Elle est la table de celles et ceux qui savent donner plus loin, comme Abram qui reçoit et donne, comme les 12 qui reçoivent et donnent.
• Nos 3 textes ne créent pas un super-repas exclusivement réservé aux successeurs des apôtres et à ceux qu’ils ont sélectionnés par le baptême. C’est même plutôt le contraire : En Christ, tu ne peux pas garder pour toi; tu ne peux que partager, accorder nourriture, guérison, communion… tu ne peux que accueillir autrui, quelqu’il soit !