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17 septembre 2023 : responsable de quel monde ?
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Prédication du 17/09/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Amos 5, 21-24 Esaïe 43, 16-21
Le thème de la Saison de la Création 2023 est Que la justice et la paix se répandent, et son symbole un fleuve puissant. C’est une belle exhortation que nous proposent nos églises, qu’un fleuve puissant de justice puisse se répandre de part le monde, qu’un fleuve puissant de paix change les relations dans le monde. Et cette double exhortation s’applique non seulement aux relations entre les humains, les peuples et nations, mais avec les animaux et avec la nature.
Selon ce que nous dit très fortement Amos : Que le droit jaillisse comme une source ! Que la justice coule comme un torrent intarissable : le droit comme la justice sont des notions humaines, qui sont sensées réguler les relations entre tous; alors que la source comme le torrent sont des noms qui parlent de la nature, l’environnement. La combinaison droit et source ainsi que justice et torrent, font que la nature est partie prenante des relations humaines : elle en pâtit, elle en souffre, lorsque ces relations ne sont pas justes, elle en bénéficie et peut donner la vie lorsque le droit est bien appliqué.
En plus, les quelques v. qui précèdent interpellent les humains de son époque dans leurs grandes oeuvres de bienfaisance et de spiritualité : Dieu n’y voit pas que du feu, il voit même bien plus clair que la plupart d’entre nous, et il ne supporte pas ces rituels et ces promesses de dons ou offrandes, qui cachent le mal profond. Dieu ne supporte plus que certains humains continuent à tromper la majorité, par des actes qui frappent l’émotion et le regard, mais qui ne changent rien quant au comportement quotidien, ou par des paroles bruyantes et sans fin, qui anéantissent tout changement véritable.
Dans ce passage du prophète Amos, Dieu met en lumière les dessous de table utilisés par les puissants de son époque, liés à la religion, mais qui sont copiés par les puissants d’aujourd’hui, avec des techniques plus modernes et moins religieuses. Les patrons des groupes industriels internationaux de tout bord nous jettent des paillettes aux yeux, bien relayés par les médias dont nous nous gavons, en accord avec la plupart des instances politiques des Etats, afin de continuer leur exploitation destructrice de la nature sans être trop dérangés.
C’est pourquoi nous pouvons dire qu’il n’y aura pas de transition écologique sans évolution spirituelle, il n’y aura pas d’amélioration environnementale sans redressement de la moralité parmi les humains. Il en va de l’existence même des sources d’eau, la pérennité du torrent intarissable est en jeu : si le droit de vivre pour toute créature n’est pas appliqué, et que la justice pour toute création n’est pas recherchée de la même façon pour tous, que peut-il bien se passer ?
Les exemples sont nombreux, sans compter tous ceux que nous ne discernons pas encore. De quel monde voulons-nous être responsables ? Nous pouvons et nous devons poursuivre nos efforts minimalistes pour éviter trop de pollution, trop de consommation, trop de réchauffement, tout cela trop vite : parce que les conséquences du changement climatique présentées au début des années 2000 pour 2100, sont maintenant annoncée pour 2050 ; parce que nos discours et nos célébrations internationales relayées par les médias n’ont été que de la poudre aux yeux des peuples. Et ce n’est certainement pas fini : animer des fêtes pour que le droit ne s’applique pas; assurer des dons colossaux pour que la justice demeure aléatoire. Déjà à l’époque d’Amos, comme avant lui, et jusqu’à aujourd’hui.
Alors on peut baisser les bras, et laisser faire, et nous laisser entraîner dans ce que certains appellent la collapsologie : c’est la science de l’effondrement ; tout va peu à peu s’écrouler, les océans mourir, les eaux potables disparaître de régions entières, des terres devenir non-cultivables, et des populations réduites à la misère, aux affrontements directs pour tenter de survivre. La collapsologie est un courant de pensée qui s’appuye sur des études scientifiques diverses, abordant aussi bien ce qui touche au climat qu’aux spéculations boursières, en passant par l’évolution de la biodiversité sur la planète. Nous préparons l’effondrement de la vie sur la planète – et c’est pour bientôt, malgré les intellectuels et autres militants de l’écologie qui s’engagent sur le chantier colossal qui doit endiguer l’effondrement en cours.
Dans les églises, ce courant de pensée peut s’apparenter à une lecture apocalyptique, qui voit la fin du monde comme une auto-destruction de l’humanité par son engagement dans le mal, avec l’aide du diable et des démons. Dieu laisse faire, ou même, il enferme les malheureux dans leur malheur, et il n’intervient que pour sortir son Eglise des ultimes soubresauts, ou pour clore le chapitre de l’histoire de ce monde, en enfermant tous les faiseurs de mal dans le chaudron de l’enfer.
Heureusement que ce courant est contrebalancé par d’autres lectures des textes bibliques, qui rappellent constamment la volonté première et ultime de Dieu, manifestée dans l’oeuvre de Jésus : Dieu ne veut pas la mort de l’humain, mais qu’il soit sauvé. Et s’il vient mettre un terme à tout ce qui détruit et avilit la création, ce n’est pas une punition, mais une volonté de faire du neuf, comme le dit Esaïe : moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne ; ne le reconnaîtrez-vous pas ? Oui, je vais mettre en plein désert un chemin, dans la lande, des fleuves.
L’action de Dieu vient en contre-point des tromperies et autres manipulations des humains. Il fait du vraiment nouveau, qui déjà bourgeonne : le voyons-nous ? Il vient agir là où ce n’est pas possible pour l’humain de le faire : dans le désert et les landes ; des lieux que l’on exploite pour le minerai en sous-sol, sans aucun respect du droit. Mais là, Dieu sort une source et coule un fleuve. Et ce sont les laisser-pour-compte, les moins que rien, les bêtes sauvages, chacals et autruches, qui seront les premiers à remercier Dieu. Mais ces lieux déserts et autres landes, ce sont aussi des humains desséchés dans lesquels Dieu fait jaillir une source d’eau, ces chacals d’étrangers auprès desquels Dieu coule son fleuve. Saurez-vous le reconnaître et lui rendre gloire ? De quel monde voulons-nous être responsables?