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13/02/2022 : d’autres regards
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Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Il était une fois un jeune homme vivant à la frontière nord de la Chine. Un jour, sans raison, son cheval s’emballe et s’enfuit de l’autre côté de la frontière. Il est découragé, et tout le monde essaie de le consoler, mais son père dit : « On ne sait jamais, ça pourrait être une bénédiction. » Des mois plus tard, son cheval revient avec un magnifique étalon. Tout le monde se réjouit de sa bonne fortune, mais son père dit : « On ne sait jamais, ça pourrait être une malédiction. » Un jour, le jeune homme sortit faire un tour à cheval et celui-ci se cabre, le faisant chuter et lui cassant la jambe. Il est découragé, mais tout le monde essaie de le consoler, quand son père dit : « On ne sait jamais, ça pourrait être une bénédiction. » Effectivement, quelques semaines plus tard, des bandes de pillards traversent la frontière. Chaque homme valide doit prendre son arc pour défendre le village. Les pertes sont élevées. Ce n’est que grâce à sa jambe cassée que le jeune homme est épargné. En vérité, la bénédiction se transforme en désastre et le désastre en bénédiction : les changements n’ont pas de fin, et le mystère ne peut être sondé. (Une histoire de Liu An)
Cette histoire chinoise est plus qu’une fiction, c’est aussi l’évangile : vous l’avez entendu, Jésus a dit que le royaume appartient aux pauvres, et pas aux riches. Il a dit que ceux qui ont faim seront rassasiés, tandis que ceux qui sont rassasiés repartiront affamés. Il a dit que ceux qui pleurent riront, tandis que ceux qui rient pleureront.
Entouré d’une foule de disciples et d’une foule immense et bigarrée de Juifs et de Païens, Jésus prononce une série de bénédictions. Puis il prononce une série de malheurs. Notez bien ce que cela signifie. Il ne dit à personne de faire quoi que ce soit. Au lieu de cela, il décrit comment les choses sont. Et la façon dont les choses sont pour Jésus, est la version à l’envers de la façon dont nous les considérons habituellement.
Jésus effectue un renversement de notre système de valeurs. Ce qui paraît désirable et durable aux yeux du monde s’avère être une vaine promesse ; tandis que les choses indésirables et impopulaires aux yeux du monde sont la source de la vie réelle. Or nous sommes tous attirés par le sytème des valeurs de ce monde, avec plus ou moins de force et de revendications selon les temps et moments.
Regardons-nous, et autour de nous : Qui va mal ? Qui va bien ? Qui a la joie qu’il espère ? Qui peut s’attendre à du chagrin à l’avenir ? Notre société a ses réponses à ces questions, et ce sont à peu près les mêmes réponses que les contemporains de Jésus auraient donné.
Hier comme aujourd’hui, la forte majorité pense que ceux qui souffrent sont les pauvres et les affamés, les tristes et les méprisés. Ou à l’inverse, que ceux qui vont bien sont les riches et les bien nourris, ceux qui ont un travail et les gens respectables.
Or Jésus dit quelque chose de différent. Il s’adresse aux disiciples dispersés dans l’immensité de la foule : Heureux êtes-vous si vous êtes ceci, mais malheur à vous si vous l’avez déjà. Il parle de ces gens devant lui, et il parle de nous ici ce matin. Et une chose qu’il nous dit, c’est que les « victimes » sont bénies, et nous sommes bénis dans la mesure où nous sommes des « victimes ».
L’Évangile de Jésus, dans ce sermon sur la plaine, renverse des valeurs conventionnelles, sans pourtant en faire une assymétrie absolue, car le bonheur des uns ne repose pas sur les mêmes ressorts que le bonheur des autres. À l’époque de Jésus comme à la nôtre, la perspective traditionnelle fait clairement la distinction entre les gagnants et les perdants, et l’histoire est toujours enregistrée, embellie, par les gagnants.
Mais si les perdants commencent à être entendus, leur consolation s’exprime autrement que celle des gagnants. On peut penser que la propagation de l’Evangile libérateur dans le monde, produit lentement quelques effets; les perdants ont maintenant une voix, et l’histoire commence à s’écrire avec des regards modifiés. Pas besoin de chercher bien loin pour quelques illustrations, même si l’on résiste à ouvrir les yeux. Par ex. l’attitude de violence envers les gens de couleur (=racisme), ou l’exploitation coloniale des pays du Sud, ou le comportement envers les femmes, ou les viols de mineurs, ou la distribution des vaccins anti-covid en Afrique empêchant les voyages en Europe, etc.
Dans ce renversement non-symétrique de valeurs, Jésus rappelle l’histoire du peuple d’Israël, et en particulier des porte-paroles de Dieu, les prophètes, mais aussi les faux-prophètes. Les prophètes sont cités en lien avec les insultes, le mépris et le rejet, car les ancêtres ont agi de cette façon envers eux. Tandis que les faux-prophètes sont mis en valeur par ceux qui les encensent et disent du bien d’eux et donc servent leurs intérêts. Jésus veut que ses disciples considèrent leur situation, de perdants ou de gagnants, avec les conséquences induites, non pas selon le regard du monde, mais avec des yeux nouveaux, et des critères différents que ceux du monde.
Jésus a repris l’idée de Jérémie, lorsque ce dernier parle du coeur humain tortueux par-dessus tout et incurable. Il le traduit à sa manière, invitant ses disciples à accepter la pauvreté (ou les larmes, etc) comme inhérente à l’existence humaine. Jésus les appelle à accepter que quelque chose leur manque, et qu’ils n’ont pas les moyens de combler leurs désirs par eux-mêmes ; cette attitude est la porte d’entrée dans le royaume de Dieu, qui n’est pas une possession, mais une manière d’être, qui permet de vivre dans la joie, et de rester en lien avec les autres.
À l’inverse, le rassasiement obtenu par ses propres moyens, et la satisfaction joyeuse de ne manquer de rien ou presque, éteint toute possibilité d’évolution. Nul besoin de Dieu si l’on est comblé, et le prochain n’est utile que pour assurer la pérennité de la situation, parfois manipulée par un faux-prophète.
Nous sommes concernés à divers niveaux par cette réorganisation des valeurs et des références, aussi bien dans nos vies personnelles que sociale et politique, et dans la vie ecclésiale. Quels sont nos pauvretés, nos faims, dans l’église ? et quelles sont nos opulences et nos sécurités, dans l’église ? Répondre à ces questions et d’autres, est l’un des enjeux des prochains mois dans les projets qui se dressent devant nous.
F&S, nous terminons cette méditaiton avec la déclaration de confiance suivante, qui est aussi prière :
« J’ai demandé à Dieu de la force, afin que je puisse réussir ;
Il m’a rendu faible, afin que j’apprenne humblement à obéir;
J’ai demandé la santé, que je puisse faire de plus grandes choses,
Il m’a donné l’infirmité, afin que je puisse faire de meilleures choses ;
J’ai demandé des richesses pour être heureux,
Il m’a donné la pauvreté, afin que je sois sage ;
J’ai demandé le pouvoir, afin d’avoir la louange des autres,
Il m’a donné la faiblesse, afin que je puisse sentir le besoin de Dieu ;
J’ai demandé plein de choses pour profiter de la vie,
Il m’a donné la vie, afin que je puisse jouir de toutes choses ;
Je n’ai rien de ce que j’ai demandé,
Mais tout ce que j’avais espéré;
Presque malgré moi, mes prières tacites ont été exaucées,
Et je suis, parmi les humains, le plus richement comblé.
Amen