11/12/2022 : qui attendre

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Esaïe 35, 1-10      Matthieu 11, 2 – 11

Le 3e dimanche de l’Avent est traditionnellement connu sous le nom de « Gaudete » ou « Réjouissez-vous », parce que l’excitation monte à l’annonce proche de la naissance de Jésus. Mais l’Evangile de ce jour ressemble plus à un 3e dimanche « noir » de l’Avent qu’à un dimanche « de joie », puisqu’il nous présente Jean-Baptiste languissant en prison. Il a entendu ce que faisait le Messie et il n’était pas content.

JB avait dit à la foule qui venait l’écouter dans le désert de Judée : « Je vous baptise d’eau pour le repentir, mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses sandales. Il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. Sa pelle à vanner est dans sa main, et il nettoiera son aire de battage et rassemblera son blé dans le grenier, mais la paille, il la brûlera d’un feu inextinguible. »

Cette attente du Messie a galvanisé Jean dans sa prédication. Il était particulièrement intrépide face aux pharisiens et aux sadducéens, les qualifiant de « fils de vipères », et se mêlant de politique en dénonçant Hérode pour avoir divorcé et épousé sa belle-sœur. Hérode n’a pas hésité, il l’a fait arrêter et mettre derrière les barreaux. Mais Jean ne se souciait pas d’aller en prison parce qu’il s’attendait à ce qu’une fois que Jésus se serait installé dans son rôle de Messie, il arrangerait tout. Il s’occuperait rapidement de leurs ennemis romains et le sauverait de la prison.

Mais après plusieurs mois d’attente en prison, il est devenu évident que Jésus n’a pas été à la hauteur de toutes les espérances annoncées par Jean. Quand il entendit ce que Jésus avait fait : guérir les malades, chasser les démons et enseigner aux gens que les doux et les persécutés sont bénis, leur disant de tendre l’autre joue et d’aimer non seulement leurs voisins mais leurs ennemis, il envoya ses disciples vers Jésus, pour demander si c’est lui qui doit venir, ou faut-il en chercher un autre. Il est donc évident que l’attente de Jean envers Jésus ne s’est pas concrétisée.

Et c’est un peu comme nous — nous avons des attentes envers Dieu et nous avons été déçus par Dieu, les absents davantage encore, peut-être. Car beaucoup croient que Dieu est invincible et puissant, et s’attendent à ce que Dieu utilise ses pouvoirs divins pour guérir les malades, résoudre la faim dans le monde, éliminer l’injustice et le racisme, arrêter toutes les guerres et récompenser leur fidélité avec des bénédictions matérielles (surtout) et spirituelles. Comme Jean-B, nous aurions souhaité que Jésus, notre sauveur, agisse plutôt comme l’un de ces héros de BD, de films ou de jeux vidéos et sociaux actuels.

Mais Jésus n’est pas ce genre de sauveur. Il n’est pas venu en roulant ses muscles ni avec la richesse. Sa façon de sauver le monde demeure sans éclat – un service offert et aimant. Or la question de Jean a produit ses effets jusque dans les milieux chrétiens, puisque les gens rejettent le Jésus tel qu’il se présente et prônent un Messie qui corresponde à leur style de vie et à leur idéologie.

Du fond de sa prison, Jean est consterné : devons-nous attendre un autre que toi  ? Jésus lui répond en donnant quelques indications concrètes sur ce qu’il fait : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez : les aveugles voient clair, les boiteux marchent bien, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts se réveillent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Il est heureux, celui qui ne refuse pas de croire en moi ! »

Ces réalisations rappellent les paroles du prophète Isaïe, qui décrivent ce qui se passera lorsque le Messie viendra. Et pourtant, ce n’est pas l’image du salut que se font la plupart des gens, ni au temps de Jésus, ni aujourd’hui.

Pour le dire autrement, l’œuvre de Dieu que raconte Jésus, n’est pas explosive ou bouleversante comme beaucoup se l’imaginent. Jean s’attendait à ce que Jésus vienne avec une tronçonneuse dernier cri pour couper les arbres qui ne portent pas de fruits, séparer le blé de la paille pour stocker l’un et brûler l’autre avec plein d’effets spéciaux. Or au lieu de cela, Jésus lui dit de se libérer de son attente déçue qui l’a conduit en prison, de regarder au-delà du Dieu destructeur et vengeur qu’il attendait que le Messie soit, et de s’ouvrir au Dieu qui guérit, qui enseigne à transformer les gens, qui ne désire pas la mort des pécheurs mais que tous puissent se repentir, qui montre l’amour, la miséricorde et la compassion. 

En bref, l’Évangile nous rend attentifs aux empreintes de la main de Dieu dans ce qui est caché, loin des étincelles, hors tradition, et pas attractif, au milieu de nos angoisses, de nos déceptions et de nos doutes.

F&S, quand nous commencerons à voir Dieu dans ces endroits « cachés », nous deviendrons un signe pour le monde que ce que Jésus a dit est vrai. Nous serons comme la réponse de Jésus à la question de Jean. Nous serons des aveugles dont les yeux s’ouvrent, des boiteux dont les jambes peuvent remarcher, des lépreux qui sont purifiés, des sourds dont les oreilles recommencent à entendre, des morts qui se réveillent et des pauvres qui reçoivent la bonne nouvelle.

Mt ne nous dit pas si Jean a compris, et accepté et mis de côté ses attentes sur Jésus. Ce que nous savons, c’est que Jésus a accueilli ses questions et ses doutes et a reconnu son importance devant les foules. Cela nous dit que nous ne devrions pas avoir honte ou peur d’exprimer nos questions, de nommer nos doutes et de partager nos histoires de déceptions. C’est lorsque nous partageons nos histoires de ténèbres que nous commençons notre voyage vers la lumière.

Le parcours de Jean s’est terminé tragiquement lorsqu’il a été décapité sur l’ordre d’Hérode (Mt 14). Le prix(médaille) de la prédication de l’Évangile est que les gens reçoivent la Bonne Nouvelle et sont guéris et rétablis. Le revers est que ceux qui veulent garder le statu quo du système oppressif seront offensés. Et ainsi, tout comme beaucoup de prophètes avant lui, Jean est mort, défendant la vérité tout en servant de lumière dans les ténèbres. 

Nous aurions certainement souhaité que Jésus ait fait plus que de parler en bien de Jean, et l’ait sauvé de la prison comme Pierre l’a été plus tard (Ac12). Mais l’Evangile n’est pas un conte de fées avec une fin heureuse. 

L’Evangile est comme un kaléidoscope, il est fait de joie, de douleur; d’espoir, de souffrance; de paix, de peur; de triomphe, d’abandon; de foi, de doute; de déceptions, de sens; de perte et d’accomplissement. 

Jésus interpelle donc la foule en utilisant des questions rhétoriques — Qu’est-ce que vous êtes allés regarder dans le désert ?— afin de les encourager à chercher Dieu – non pas parmi ceux qui sont vêtus de vêtements élégants ou vivent dans des palais fabuleux – mais plutôt parmi les plus petits et les plus vulnérables, ceux qu’il a mis en exergue pour Jean, comme aussi parmi les prophètes de Dieu, comme le Baptiste oui, et Marie, Joseph, Elisabeth et Zacharie. C’est la question qui nous est laissée ce matin. Amen.

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