11/08/2024 : des paroles pour construire

Prédication du 7 juillet 2024 par le pasteur Marc LABARTHE

Ephésiens 4,30-5,2  &. Jean 6,35+41-51

Le texte des Ephésiens peut nous sembler déplaisant, parce que Paul semble nous enfermer dans des règles de conduites que nous savons ne pas prendre dans notre vie ; alors on n’apprécie guère de les entendre, on les déclare moralisatrices ou légalistes, afin d’y échapper. Paul reconnaît même la tristesse du Saint-Esprit, de nous voir ainsi bloqués, et rechignant devant quelques mises en pratiques qui ne sont pas si pénibles que ça. Et Paul insiste : Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés. On veut bien que Dieu nous aime, mais de là à nous mettre en branle pour l’aimer en retour, qu’il comprenne bien que c’est selon notre amour, et non pas le sien, qu’on va le faire ! Et l’on sait à peu près ce que cela signifie pour notre Eglise, et pour le monde.

Dans L’Ev. selon Jn la foule a couru pour une bonne bouffe, et c’est tout autre chose que Jésus lui offre. Elle est donc dépitée. Elle ne comprend pas le métalangage de Jésus : son discours au 2nd degré, elle n’en veut pas : Ils disaient : N’est-ce pas Jésus, le fils de Joseph, dont nous, nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire maintenant : Je suis descendu du ciel ! Jésus pense qu’il est la manne, le « pain du ciel » ? Hah ! Il ne vient pas du ciel, lui, il vient du coin. Nous connaissons ses parents. La familiarité du savoir populaire engendre le mépris, et c’est pareil pour nous. Nous connaissons l’Église et son message, comme les voisins de Jésus pensent le connaître, et nous ne sommes pas impressionnés. Nous sommes mêmes des habitués de ces messages d’un prédicateur, qui vient titiller notre bien-être, nos habitudes, nos acquis… qu’il dise qu’il faut changer, c’est classique, on connaît la musique.

Mais oser dire comment ce changement devrait se mettre en forme, là, ça dérange un peu plus, on va répliquer comme la foule : nous savons mieux que toi d’où tu es, alors cause toujours ! les gens qui s’en vont et qu’on ne voit plus au temple ni aux activités de l’Eglise, la faiblesse de notre lecture biblique et de notre prière, c’est bien à cause de la fausse nourriture de Jésus et des règles morales de Paul, ne trouvez-vous pas ?

Voyez-vous, nous sommes tous faits de la même pâte. Nous voulons tous être aux commandes, c’est-à-dire que nous voulons contrôler notre propre vie et nous croyons savoir ce qui est le mieux pour nous – et donc pour les autres aussi. Ainsi, lorsque Dieu nous présente un programme alternatif pour notre vie, nous haussons les épaules, nous maugréons, nous nous rebellons et abandonnons le navire, ou cherchons à en prendre le contrôle.

Le corollaire à cela est une méfiance commune envers Dieu, une résistance à croire que ce que Dieu veut pour nous est réellement ce qui est bon pour nous. Nous voulons du concret, et pas l’incertitude d’un parcours libre ; nous voulons avoir le contrôle, et vite. Et devant certaines règles, nous ne voulons pas qu’on nous dise quoi faire ou ne pas faire, ni dépendre de quelqu’un d’autre, surtout dans le domaine identité et spiritualité – et c’est particulièrement vrai pour un protestant. Il n’est donc pas étonnant que tous nos héros soient des gens qui se sont faits eux-mêmes, qui sont responsables de leur propre destin. Du moins, c’est ce que nous croyons – c’est ce que nous dit la mythologie, le cinéma, le roman et la publicité. En ce moment, même les JO abondent en ce sens avec les exploits de certains dont on connaît le nom par coeur. Quelque part en nous, nous voulons être comme eux.

Le chrétien n’échappe pas à cette motivation déviante, lorsque certaines de ses activités, qu’il dit faire au nom du Christ, ne manifestent aucun réel projet qui édifierait le corps communautaire, mais vont lui garantir une auréole permanente, sans compte à rendre à quiconque à part lui-même et le Dieu qu’il s’est conçu.

Cependant, rien n’est perdu pour autant ; notre résistance à ces textes, signifie que nous avons compris qu’un changement est vraiment nécessaire. Nos arguments plus ou moins solides pour rester en dehors et ne pas être impliqués, disent aussi qu’il y a une espérance au-delà du refus. Il est possible de se fermer, de rester fermés jusqu’au terme de l’existence. Mais l’offre de Jésus demeure jusque là, et nous ne pouvons empêcher cette porte d’être ouverte depuis la résurrection. Celui qui commence à faire confiance à cette offre de Jésus, celui qui commence à manger du pain donné par Jésus, celui qui laisse la joie de l’Esprit éclairer quelques aspects de sa vie, celui-là a la vie éternelle(v47), il vivra pour toujours(v51), il est aimé comme un enfant du Père (v1).

Il y a comme un changement intérieur, qui est l’oeuvre de Dieu et de son Esprit, alors même qu’il y a notre consentement. Il y aura toujours une part de résistance à se laisser conduire par Dieu, d’accueillir les orientations qu’il veut pour nous, parce que l’amour dont il nous aime, conduit à laisser son amour transformer notre être à sa manière à lui, et non plus à maintenir nos critères et nos jugements dans notre vie.

Ainsi, Paul essaie de donner quelques critères qui semblent de la morale, mais qui puisent leur force ailleurs que dans des valeurs humanistes : il s’agit de les nourrir du comportement de Jésus, de ses discours, de sa manière d’être devant les besoins humains et les accusations qu’il a rencontrés. Et c’est le travail en nous de l’Esprit, qui utilise notre manducation de la Parole dont les nutriments se répandront dans notre vie, pour fortifier l’humain nouveau que Dieu fait grandir et conduit à la vie éternelle.

Dites seulement des paroles bienveillantes, qui répondent à un besoin et qui sont constructives, pour faire du bien à ceux qui vous entendent => n’attristez par l’Esprit saint de Dieu !

C’est l’exhortation de Paul à l’Eglise, et c’est tout un apprentissage à vivre en communauté. Lorsque nos paroles évoluent vers le bien commun et non la zizanie, l’exclusion, la communauté en sort grandie, et l’Esprit peut accomplir son oeuvre, l’amour du Christ se répand et témoigne auprès du monde que la grâce est possible. Il y a là encore, un enjeu d’avenir de l’Eglise LiLo…

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