10 mars 2024 : vivre pour soi ou servir

Prédication du 21/01/2024 par le pasteur Marc LABARTHE

Jean 12 v 23 à 36 (23-26,31-32,35-36)

Cet extrait de l’év selon Jn peut nous aider à vivifier notre vie spirituelle, personnelle et ecclésiale. Jésus présente ces images en référence à sa propre glorification. Il sait que la mort est devant lui, avec la vie auprès de Dieu. Alors l’image du grain de blé qui meurt afin de donner la vie, le concerne au premier chef ; et en second lieu, ses auditeurs, jusqu’à nous aussi. Pour donner du fruit, le grain doit mourir en terre, et germer en une plante nouvelle qui va porter du grain à son tour. Cette image est vraiment parlante. Mais que dit-elle ? un grain de blé ne peut rester ce qu’il est s’il veut donner du fruit. Il doit changer, il doit renoncer à ce qu’il est, et changer totalement dans sa présentation, sortir des racines et devenir une tige qui va porter un épis dans lequel de nouveaux grains fructifieront.

Jésus en tire une conclusion immédiate : celui qui aime sa vie la perd. Celui qui veut rester grain durcira ou se dessechera et sera inutile; pas question d’être du pain parce qu’il faut être écrasé, broyé, mélangé et cuit et enfin mangé – disparu définitivement. Alors essayer de rester un grain, ce serait aimer sa vie, et se consacrer à son existence personnelle, familiale, pro’…, mais cela n’ouvre pas à la vie éternelle; la parole de Jésus est cinglante, nette, radicale. Elle tranche avec les discours de l’épanouissement de soi, de réalisation de ses désirs les plus intimes et les plus fous ; elle va à contre-sens des influenceurs qui nous carressent dans le sens du poil et prônent le développement de son corps et de son esprit, à partir de ses sentiments personnels, de son égo. Une parole qui scandalise nos oreilles !

Et Jésus explique son idée : si qq veut me servir, qu’il me suive, et mon Père l’honorera. Ainsi, un grain qui veut servir Jésus se met à sa suite; se dire ami de Jésus c’est marcher avec lui; être chrétien c’est habiter la manière de vivre de Jésus. Et le Père lui donnera la vie, lui donnera de quoi s’épanouir, l’honneur de fructifier. i.e. il = accueilli et reçoit la VE.

Jésus expose ensuite 2 autres images en contraste l’une avec l’autre, celle du jugement du monde et de son prince par un Jésus élevé sur la croix et son ascension; et celle de la lumière qui est encore présente mais va partir, et qu’il faut saisir, pour devenir enfants de lumière, avant que les ténèbres ne reviennent.
Par rapport au grain de blé, le jugement du monde signifie que le grain qui ne veut pas changer reste sous l’emprise du prince de ce monde. Si le grain accepte de tomber en terre, il suit Jésus, il meurt et revit dans une autre condition. Il est entraîné par Jésus qui l’attire à lui. Car Jésus est comme une lumière qui peut attirer le grain de blé, et le changer en un enfant de lumière, qui portera le fruit que Dieu attend de lui. Suivre Jésus, c’est suivre la lumière, porter la lumière du Christ, et dans ces ténèbres du monde, Dieu honore cette lumière et conduit à la vie éternelle.

Ces paroles de Jésus ne sont pas souvent écoutées en Eglise, parce qu’elles sont virulentes, elles sont une alternative sans concession, elles peuvent éveiller des accusations mutuelles, ce qui n’est pas leur but. Car nous devons rester attentifs à l’image de départ sur lesquelles se greffent toutes les autres. Remontons de la dernière : l’opposition lumière — ténèbres rejoint le prologue de Jn où la lumière s’est faite chair, et que les ténèbres n’ont pas reçue. A ceux qui reçoivent la lumière, elle leur donne le pouvoir de devenir enfant de Dieu – enfants de lumière. Cette image réunit les 2 images précédentes : l’image du jugement du prince du monde, le diable ou satan, prince des ténèbres, de la destruction et de l’oppression; et face aux amis du prince, il y a ceux qui suivent Jésus, qui le servent, i_e. qui pratiquent son commandement, celui de l’amour-agapè. Dans ce service, il n’y a pas de grève possible, pas d’arrêt d’aimer, même jusqu’à la croix.

Et l’on rejoint l’image de départ : le grain de blé ; s’il ne meurt pas il reste seul. Solitude que je ne reprends pas ce matin. Si le grain de blé tombe en terre et meurt, il produit un fruit et Dieu lui rendra honneur. Le processus n’est pas immédiat comme avec son téléphone plus exigeant que jamais. Tomber en terre, puis enfouissement et mort, puis germination, croissance. Cela prend un certain temps. Comprenons donc bien, F&S, que là où nous en sommes aujourd’hui, le processus est en cours. Certains ne sont peut-être que posés sur la terre, hésitants entre rester grain et accepter ce pour quoi un grain est semé ; d’autres sont enfouis depuis longtemps ; d’autres ont commencé à germer ; d’autres ont grandi, ont des taille variables ; d’autres sont matures et apportent du fruit (Jn15.8: Mon Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez mes disciples)- une parabole dit 30, 60 ou 100 (Mt13.23).

F&S, votre présence ce matin est un signe que vous êtes quelque part dans ce pocessus. Le seul jugement porte sur le fait de rester solitaire ; pas sur le fait de mourir et de naître à la vie de Dieu – c’est justement le changement nécessaire qu’espère Jésus. Et l’image peut aussi s’étendre à une communauté, à une église: la voulons-nous grain de blé solitaire donc sans avenir, ou allons-nous tous ensemble, nous laisser enfouir, mourir, et grandir en une gerbe nouvelle ?

Ce serait se voiler la face, s’isoler, que se dire que la situation actuelle nous suffit, que nous devons maintenir le statu quo. Notre Église suit Jésus lorsqu’elle évolue, au sein d’une société qui change. Si notre Église ne s’adapte pas, même si elle semble aller bien, elle va rester seule. Et là encore, ne nous trompons pas, car tous les grains d’une église ne vont pas au même rythme; il y a des grains qui vont tirer les autres (CP+pr ?), les encourager, leur montrer la lumière qui vient vivifier chacun et tous, dans le monde qui subit ténèbres. Paradoxalement, le grain qui meurt, porte la lumière du crucifié ressuscité, il porte l’amour au service du plus petit.

Plus tard, dans une longue prière avec et pour ses disciples, Jésus dit : Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous. Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. Consacre-les par la vérité : c’est ta parole qui est la vérité. Je leur ai fait connaître ton nom pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, comme moi en eux. (17.11,15,17,26). L’amour de Dieu est notre lumière, notre fruit. Amen

 

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