10/04/2022 : Jésus, l’âne et le silence

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Luc 19,28 – 40

Cette année, l’évangile selon luc nous a conduit pendant le temps du carême, 5 dimanches sur les 6. Nous avons commencé avec les tentations du diable, qui offrait à Jésus le pouvoir économique, religieux et politique sur toute l’humanité, et nous terminons avec cette entrée populaire et joyeuse à Jérusalem, où Jésus semble vouloir que la foule manifeste sa joie débordante, même à l’encontre des autorités religieuses, qui lui demandent de calmer le jeu. Se serait-il laissé prendre à l’idée de conquérir le pouvoir ?

Mais Jésus a préparé cette entrée de manière assez particulière, bien différente de l’ insurrection d’une populace chauffée à blanc, puisqu’il se juche sur un petit âne. Et pour ce petit âne, le chemin est inhabituel : c’est comme un tapis rouge (multicolore), tant les gens ont déposé leurs vêtements devant lui, en signe de respect pour Jésus. Luc est le seul des 4 Ev. à ne pas parler de rameaux ou de branchages coupés, et brandits ou posés sur le sol — un respect tout particulier pour la végétation ? peut-être pas !

Lc met l’accent ailleurs. Les gens qui posent leur vêtement au sol devant des marcheurs, c’est pour qu’il soit trépigné; imaginez-vous le faire devant les pas du futur président élu… et vous en saisirez intérieurement le sens : cela signifie qu’ils sont prêts à donner leur vie pour suivre Jésus, jusqu’à l’établissement de son règne. Ils sont d’accord pour que leur propre corps serve de marchepied pour le triomphe de leur guide, de Jésus. C’est à la vie à la mort !

« Que Dieu bénisse le roi qui vient en son nom ! Paix dans le ciel et gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » Voilà ce que crient à tue-tête les amis et disciples de Jésus. Que Dieu bénisse le roi qui vient en son nom : C’est une citation du Ps118, un ps de confiance et de victoire écrasante sur les ennemis. Avec ce ps, la foule pense reconnaître le Dieu qui a envoyé Jésus, ils croient que Jésus est ce roi, qui a accompli des miracles au nom de Dieu, et qui va achever sa volonté. Et s’il y a des massacres et des exactions de toutes sortes, ce sera pour apaiser Dieu: Paix dans le ciel et gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Mais cela peut aussi dire la paix et la gloire de Dieu, que Jésus apporte depuis les cieux jusqu’au milieu des humains. 

Cette entrée populaire correspond à leur compréhension de l’œuvre de Jésus en tant que Messie de Dieu, le sauveur d’Israël. À quoi d’autre pourrait-on s’attendre pour l’oint de Dieu, celui qui a été nommé et habilité pour accomplir la promesse de salut que Dieu a faite?  Le pouvoir est à portée de main, un geste de la part de Jésus suffit. Maintenant est le jour du salut, maintenant ! Un mot de lui, et les masses se déchaînent comme une tempête pour balayer devant ses pas tout ennemi, afin que le royaume de Dieu s’installe.

Or ce mot, Jésus ne le dira pas. La foule crie, lui se tait. Car tous ces amis n’ont pas encore tout à fait compris, comment la volonté de Dieu sera mise en oeuvre par Jésus. Il leur a expliqué plusieurs fois déjà, pendant les semaines précédentes, que le Fils de l’homme devait souffrir et mourir ; mais tout cela semble tout simplement trop difficile à comprendre pour eux.

La foule de disciples reconnait le pouvoir et la gloire que Dieu a conférés à Jésus, et ils le chantent le long du chemin, mais ils ne parviennent pas à comprendre sa pleine dimension, ni comment Jésus allait le démontrer, non seulement pour eux mais au monde entier. Et cela reste encore une grosse pierre d’achoppement pour beaucoup de monde.

Jésus se tait. Peut-être salue-t-il la foule, qu’il la contemple et sourit à ses fans. Silence. Pour lui, le silence, pas pour la foule, comme l’exigent les pharisiens qui décidément ne calculent qu’en termes de pouvoir de hiérarchie, de contrôle. Il suffit d’un mot pour que les pierres crient. Jésus se tait. Comme le calme avant la tempête. Jésus n’a rien à leur dire. Quoi qu’il y ait à dire maintenant, il le dit à son père. Dans le silence. Il dit peut-être, comme Jean le rapporte : Maintenant le temps est venu, Père, glorifie ton fils, j’ai achevé l’oeuvre que tu m’as donnée. (Jn17) Jésus a le but de son voyage sous les yeux, en vérité; le compte à rebours de ses derniers jours a commencé.

Car les évangiles racontent l’histoire d’un roi paradoxal, dont le pouvoir est tel qu’il peut volontairement donner sa vie et la reprendre à nouveau. Jésus n’est pas une malheureuse victime, qui a été prise dans des événements indépendants de sa volonté et a été crucifiée pour complot contre le pouvoir. Jésus sait ce qui l’attend, et ils sait aussi que sa mort n’est pas un échec, mais la victoire paradoxale sur le diable, le péché et la mort. Parce qu’après sa mort, Dieu a promis de le relever. Les disciples ont entendu mais n’ont pas encore compris.

C’est pourquoi le choix d’un petit âne est tout un symbole, au lieu d’une entrée à pied au milieu d’une foule en liesse, ou même comme un conquérant sur un cheval piaffant d’énergie. Un âne, comme celui des prophètes d’autrefois, ou même de David. Un âne, un animal têtu, c’est vrai; mais un animal corveyable à merci, capable de porter les charges qu’on ne met pas sur un cheval, et les travaux misérables qu’il est seul à pouvoir faire. N’est-ce pas une image qui annonce les poids et les misères dont Jésus s’est chargés pour nous en libérer ? 

Sa victoire sera plus grande – plus totale et plus radicale – que vous ne pourriez jamais l’imaginer. Il ne vaincra pas les Romains, non. Il n’aura pas besoin d’armées de serviteurs à exploiter et écraser de ses pieds, non. Sa victoire sera encore plus grande – il vaincra le dernier et le plus cruel des dirigeants… – la mort.

Que Dieu nous accorde, à la suite de Jésus, un temps de silence et de calme au milieu de toute l’agitation de cette semaine. Face aux rumeurs ; face à la fureur ; au milieu des réjouissances ; prenons un âne, avançons à son rythme, vers une nouvelle compréhension et une nouvelle expérience de la puissance et de l’amour de Jésus pour chacun de nous aujourd’hui, amour qui a été, est et sera exercé par lui pour notre bien et notre salut. amen

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