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04/09/2022 : Renoncer et vivre
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Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Le texte ne parle pas de « devenir disciple ». Cela signifierait que cela dépend de nous. Mais « être disciple »; et être disciple c’est être accepté par le Maître. L’apprentissage doit être total. D’où les images du N. T. que sont les mots : se dévêtir, mourir, quitter, ne pas se retourner, haïr. Chez Luc la suivance implique « porter un fardeau » que l’on retrouve dans les Actes à propos des souffrances de Paul. Les v.26s et 33 disent ce qu’il faut pour être son disciple. Il faut pouvoir rompre avec son origine, rompre avec ses biens. Une existence inattendue surgit alors : mettre en oeuvre le Règne de Dieu. Or le chemin avec Jésus est celui qui nous met en croix face à tout ce que l’on acquiert ; il passe par la mort et la résurrection; c’est la voie annoncée et suivie par Jésus lui-même.
D’où les 2 images de la consturction et du combat. La sagesse consiste à savoir si on désire vraiment réaliser le projet, mais aussi évaluer la dépense, les efforts à consentir ; si on en a les moyens. Dieu veut achever la construction de son règne. C’est pourquoi « il n’engage que des ouvriers et des soldats prêts à tout quitter pour le servir ».
En tant que chrétiens, baptisés dans la mort de Jésus comme le dit Paul, nous sommes appelés à suivre Jésus, quel qu’en soit le prix. Aujourd’hui, les paroles provocatrices de Jésus sur les liens affectifs, l’argent, le pouvoir et les biens, nous appellent à prendre notre croix et à le suivre. Suivre Jésus vers une vie d’une plus grande simplicité, pour être ré-formé de notre consumérisme égoïste, afin de former une nouvelle communauté, qui cherche à vivre sur le chemin du royaume de Dieu.
Nous devons donc réduire notre dépendance à plein de « choses » ! Jésus nous dit sans ambages : « Ceux d’entre vous qui ne renoncent pas à tout ce qu’ils possèdent ne peuvent pas être mes disciples » (v33).
Qu’est-ce qui compte le plus pour nous : notre sécurité et santé, notre famille, notre solde bancaire et notre revenu de salarié ou de retraité, tel bien, ou le royaume de justice et de paix dont parle Jésus ? et quoi d’autre ?
Jésus est sorti de la maison d’un pharisien bien connu, quelqu’un qui était religieux et pratiquant, y compris dans ses dons, et probablement assez riche. Tout à fait l’image de notre société, ou de notre église ; les priorités auxquelles nous tenons, c’est la voiture, des loisirs, posséder quelques biens, et une forme d’assistanat social assuré par l’Etat. Et nous y tenons autant qu’à la famille.
Dans ce passage de Luc, Jésus indique clairement que si la grâce et le pardon peuvent être reçus gratuitement, la formation de disciple a un prix. Si nous voulons être des disciples, pour vraiment suivre Jésus, nous sommes appelés à le placer, lui, ainsi que ses valeurs du Royaume, au coeur de notre démarche, de notre vie – avant tout.
Vous avez entendu parler ou même lu ce livre : Vivre en disciple : Le prix de la grâce , de Dietrich Bonhoeffer. L’un des livres chrétiens les plus influents du XXe s. Écrit dans l’ombre menaçante du nazisme, où la tentation de se protéger par le compromis était réelle, Bonhoeffer a souligné qu’il n’y a pas d’Évangile bon marché. Vivre cela devait lui coûter la vie.
À une époque où la maximisation des bénéfices et l’accumulation des biens marquent les mentalités, on serait tenté d’ignorer ces paroles et d’en réduire autant que possible la radicalité. Parce qu’elles renvoient aussi à notre manière de traiter notre environnement, aux excès mutliples qui nous sont cachés ou que nous minimisons, provoquant depuis quelques années les tensions climatiques brutales et extrêmes que nous voyons arriver aussi chez nous. La Saison de la Création, en nous rappellant que nous sommes aussi des créatures parmi beaucoup d’autres, nous donne l’occasion de réfléchir à la manière dont nous avons utilisé les dons de Dieu et à la façon dont nous les utiliserons à l’avenir. C’est pour l’Église une opportunité de mettre en pratique un nouveau mode de vie plus responsable, d’entendre la parole de Jésus, de se ré-former.
Nous disposons aujourd’hui de toutes les solutions nécessaires pour relever les défis écologiques auxquels nous sommes confrontés. Le problème n’est pas la science ou la technologie. C’est nous. Nous pouvons blâmer les politiciens ou les grandes entreprises, mais en fin de compte ils répondent aux électeurs et aux acheteurs. Le problème, c’est nous tous. Nous sommes réticents à renoncer à notre confort, à réduire notre dépendance aux voyages en avion, aux nouvelles technologies qui épuisent les terres rares (téléphones, téléviseurs, ordinateurs portables), nous continuons à garder nos maisons artificiellement trop chaudes ou trop fraiches, à manger ce que nous voulons hors de toute saison et distance. Nous plaçons la commodité avant la conscience, et le confort avant le Royaume de Dieu.
Les exemples que Jésus donne abordent deux domaines qui peuvent, hier et aujourd’hui, facilement diluer notre condition de disciple : la famille (v.26) et les possessions matérielles (v.33). Jésus parle de « haïr » les parents, le conjoint, les frères et sœurs et les enfants… jusqu’à soi-même. Jésus a souvent utilisé l’hyperbole mais, tout comme ses paroles sur l’arrachage de son propre œil s’il vous égare (Mt 5:29-30), le sens n’est pas littéralement la haine, mais de s’assurer que la famille / les yeux n’empêchent pas de focaliser toute l’existence sur Jésus pour le suivre. Appliquer la sagesse du discernement comme pour une construction ou un combat.
Alors que nous élargissons ce passage à suivre Jésus à notre réalité de catastrophe écologique, d’injustice et de surconsommation, les paroles de Jésus sur l’abandon de tout ce que nous avons pour le suivre constituent aussi un vrai et grand défi. La pertinence de ce texte touche à la notion de renoncement d’une part, et de réorganisation des priorités d’autre part. Renoncer à construire la tour comme la société le propose, ou renoncer à se battre avec les armes du monde. C’est perdre beaucoup par rapport à ce monde, certes. A la manière de Bonhoeffer. Mais prendre sa croix ce n’est pas devenir des François d’Assise. Et prendre sa croix n’est pas non plus chercher le juste équilibre. La croix, c’est être soi-même cloué pour ne plus utiliser le monde comme avant.
C’est donc un vrai renoncement. Et ce discours n’est pas religieux, car des hommes et des femmes ont pris ce chemin qui renverse leur mode de vie, et leur monde.
Aujourd’hui, ce texte nous exhorte à être plus sérieux encore que beaucoup de nos contemporains, dans les vrais changements à poser quant à notre manière de vivre et d’exploiter les biens du monde. Relativiser notre discours autant sur la suivance de Jésus que sur les enjeux climatiques actuels, revient à renoncer à porter la croix ; c’est perdre le goût du sel.
Mais si le choix se fait dans le for intérieur de chacun, c’est ensemble que nous trouvons les moyens de rester disciples, de tenir fermes pour organister autrement nos déplacements, nos consommations, et pour trouver les justes façons de changer notre témoignage, pour qu’il demeure goûteux.
A Jésus soit toute notre attention !