17/06/2023 : De la loi à la grâce

Matthieu 9, 9-13 + 18-26

Ces 3 histoires de rencontres de Jésus vont ensemble, dans l’Ev selon Mt, j’ai juste ôté l’interlude des disciples de Jean.

Et le cœur de ce passage, que nous devons retenir pour interpréter ces 3 rencontres étonnantes, c’est le commentaire de Jésus lui-^même : Allez apprendre ce que signifie : Je veux la compassion et non le sacrifice réglementaire. Je précise le mot sacrifice, parce que ce n’est pas l’idée donner quelque chose qu’on aime bien sur l’autel de l’offrande à Dieu. Il s’agit ici de la règle obligatoire à appliquer, de la loi qui doit être mise en vigueur. Jésus choisit la compassion et non pas le règlement doctrinal.

Et ces 3 rencontres nous montrent un Jésus mettre son choix en pratique. D’abord avec l’appel de Mt : si l’on transpose le milieu dans lequel Mt évolue, celui des taxes et de la collaboration, de nos jours, ce serait quelque chose comme celui des trafiquants de biens entre pays et de la mafia. C’est dans ce milieu retors que Jésus recrute un disciple, et il ose même fricoter avec les copains de Mt autour d’un repas. Scandale pour ceux qui doivent garder la bonne morale dans le peuple. Jésus estime que la compassion pour un homme vaut la peine de ne pas appliquer le règlement en vigueur.

Et Jésus continue sur le même thème avec l’arrivée d’un chef qui l’implore pour qu’il vienne toucher sa fille morte. Un chef – je sais que d’autres évangiles qualifient ce chef, mais ici, il n’est que chef, et c’est bien ainsi, cela élargit notre regard. Il est peut-être chef de la synagogue, comme le président d’une de nos églises, ou un chef du village, comme le maire, ou un chef de district, comme le préfet, ou un chef dans la police ou l’armée, un commissaire ou un colonel, ou même un chef d’entreprise, comme un patron de PME ou de multinationale. Et cet homme que d’aucuns admirent pour sa réussite sociale, le voilà brisé par la mort de sa fille.

Jésus se plie-t-il à la règle sociale d’obéissance nécessaire au chef, quelle que soit sa demande, parce qu’il est le chef ? En fait Jésus va casser tout le processus du deuil qui s’est installé chez le chef. Il chasse les pompes funèbres qui embaument le corps. Jésus ne respecte pas ce qui doit être fait avec la mort. Parce qu’ici, Jésus a compassion et ne voit qu’une jeune fille endormie. Il lui prend la main – il touche un mort, ce qui le rend impur selon la loi. Jésus lui prend la main et elle se réveille, le verbe utilisé pour dire la résurrection. Ça nous dépasse, et nous n’arrivons pas à la cheville de Jésus, mais on apprend la compassion.

Et puis il y a cette femme qui perd du sang depuis 12 années. On ne sait rien d’autre sur elle, mais cela veut dire, à son époque, que c’est une femme intouchable. Elle ne peut pas se marier car la règle religieuse l’exclut ; et si elle est déjà mariée, elle a peut-être été renvoyée par son mari ou vit isolée. La sexualité est une affaire de vie, pas de mort avec le sang non-régulé. De nos jours, dans le
domaine de la sexualité, nous avons des intouchables, infréquentables, pécheurs et damnés, dans nos églises aux règles strictes sur ce domaine très privé et intime. On leur affuble un sigle à ces femmes et hommes : LGBTQIA+.

En revenant au texte, Jésus ignore ce qui se trame ; c’est la femme qui espère contre toute espérance, qu’en ne faisant que frôler du doigt le bord du vêtement de Jésus, elle serait guérie. Un fantasme, une idée magique, et pourtant, Jésus s’arrête. Cette femme qui avance cachée de tous, croise le regard de Jésus : un regard qui veut la compassion et non la règle : Courage, ma fille ! Ta foi t’a sauvée
(tharsei, thugater, è pistis sou sesôken se). Et à l’instant elle est sauvée, guérie.

Cette lecture des 3 rencontres de Jésus qui vient casser la doctrine et les frontières établies par les justes, au nom de la compassion de Dieu pour les malades, nous interpelle tout autant qu’elle nous encourage. Quelle miséricorde vivons-nous et partageons-nous à ceux qui en ont besoin ? Aujourd’hui, nous sommes venus ici : comme au milieu des amis de Mt ? comme à la maison du chef ? Comme en croisant le regard d’une personne blessée ?

Nous avons tous reçu la compassion de Dieu en Jésus; quelle puisse grandir dans nos vies et animer nos relations, en particulier avec ceux qui en ont besoin. Amen.

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