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11/06/2023 : La norme est la grâce
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Prédication du 11/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE
Dans tout pays, il y a des lois et des exigences qui permettent de vivre ensemble, en définissant le bien du mal, celui qui est dans la norme de celui qui en est hors norme et donc se trouve exclu. Il y a aussi des personnes qui sont chargées de les enseigner, de rappeler à l’ordre ceux qui les transgressent, voir de punir les récalcitrants. Etre dans la norme, c’est donc avoir mis un cadre à sa manière de
vivre, avoir intégré ces règles, même s’il y a des faiblesses sur certains points.
Ainsi, dans l’Ev. selon Mt, les pharisiens faisaient appliquer les lois de Dieu, qui définissaient le bon comportement par rapport au mauvais. Ainsi, selon eux, la loi de Dieu déclarait que vous ne pouviez pas être bon si vous êtes un collecteur d’impôts. Et les fréquenter en mangeant et buvant avec eux, c’était le début de la déchéance, cela vous rendait impurs, pécheurs.
Or nous avons tous, une façon de penser pharisienne : Nous sommes censés être bons, peu importe comment nous passons nos journées. Quoi que nous fassions, il y a une liste de ce qui est exigé de nous pour demeurer du bon côté de la barrière : gagner honnêtement sa vie en travaillant correctement, avoir des habits propres et avoir la bonne couleur de peau, vivre dans le bon quartier de la ville, arriver à l’heure, appartenir au bon parti politique ou avoir des enfants qui excellent dans les études ou le sport. Vous allongez cette liste avec vos critères, jusqu’à n’en plus finir. N’est-ce pas un peu ça ?
Or cette liste d’exigences plus ou moins reconnue, devient la mesure qui va établir notre valeur, et notre capacité d’établir ou non une relation. Cette liste doit être digne de confiance, suivie et respectée. C’est tout ce qui compte ! Et si un ami dévie ou sort de l’exigence, on coupe toute relation avec lui; et réciproquement. Et les résultats sont connus, puisque nous les vivons : on fait confiance à ces règles et exigences comme si elles étaient paroles d’évangile, de Dieu !
Ainsi, pour le pharisien de l’Ev comme celui qui nous habite, nous savons quel est le verdict final de Dieu. Dieu a posé les exigences, Dieu juge, et le péché conduit à la mort. Le résultat ultime de ne pas répondre aux lois, c’est la mort. Point final. Un point final qui s’adresse à ceux qui ne sont pas dans les normes, mais aussi à ceux qui accomplissent les exigences : ce verdict de mort arrive aussi bien sur le champ de bataille que sur un terrain de jeu pour enfants, dans un ehpad ou sur son vélo, par le hasard d’une balle perdue d’un règlement de compte que par le suicide assisté sous contrôle médical.
Dans ces situations paradoxales qui nous mettent en colère contre la folie d’un meurtrier ou d’un chauffard sous l’emprise de la drogue, nous réalisons peut-être que notre liste d’exigences, même respectée en grande partie, ne nous protège pas, malgré nos tentatives de rupture avec ceux qui ont fait du tort à notre loi. Quel sens ont donc ces exigences ? Si Dieu ne nous a pas protégés, est-ce parce que Dieu n’a pas répondu à nos exigences, ou parce que nous avons échoué à répondre à ses exigences à lui ? où est le problème ?
Le problème, nous dit l’Ev de ce jour, c’est Jésus. Il semble dans la norme, mais il sort du cadre plus souvent qu’à son tour. Et les pharisiens le condamnent pour ne pas respecter la liste des exigences, cette loi-même qu’ils vont utiliser pour le crucifier. Pourtant, Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts, révélant comment Dieu choisit la compassion, comment Dieu privilégie les malades, comment Dieu
mange avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs. La liste des exigences que nous croyons devoir suivre, explose, elle perd sa pertinence, car ce que Dieu attend de nous, ce n’est pas la norme légale, mais la miséricorde.
Jésus exprime dans son comportement et ses paroles, l’accueil de Dieu sans condition d’entrée; il est le médecin de Dieu qui prend soin des malades, pas de ceux qui vont bien. C’est pourquoi sa présence vient bouleverser les normes établies et entretenues par les pharisiens, qui sont encore présents de nos jours dans nos Eglises, par les exigences doctrinales, lorsqu’elles servent à exclure ceux qui sont hors contrôle des chefs et des justes.
Jésus établit un autre paradigme, en communiant avec des pécheurs avérés; puis il le montre avec la femme qui a touché la frange de son manteau ; jusque là, elle est femme, elle perd du sang trop souvent, elle est donc anormale, pointée du doigt, infréquentable, dangereuse pour la vraie foi. Or Jésus l’a guérie parce que, comme il le dit : Prends courage, ma fille, ta foi (en moi) t’a guérie. Non pas l’exigence de la loi, qui l’exclut de toute vie sociale, mais la confiance en Jésus; non pas le respect des normes sexistes voire sexuelles en vigueur, mais l’intime conviction qu’un contact marginal et furtif peut la guérir.
Jésus n’a pas mis une fin de non-recevoir sur le père dont la fille venait de mourir; il n’a pas peur de marcher avec ce chef jusqu’au coeur de sa douleur. Car pour Jésus, la fille n’était pas morte mais endormie ; alors il la prit par la main et elle se leva. Jésus est venu pour les malades, c’est donc que le chef autant que sa fille ont reçu la guérison, parce que la norme de Jésus, c’est la miséricorde, et non
pas la loi des exigences de conformité.
Ce passage de l’Ev selon Mt, n’en finira pas de venir saper nos lois et nos règles fondées sur la loi de Dieu que nous érigeons -à l’image des pharisiens- au-dessus du seul commandement que Jésus a retenu et transmis à ses disciples : aimezvous comme je vous ai aimés. Nous cherchons, par nos doctrines dites évangéliques, à être en règle devant Dieu, devant les autres, et devant soimême, en évitant de fréquenter les exclus de la grâce: 1° les collecteurs d’impôts, qui agissent comme la mafia des vendeurs de drogue aujourd’hui ; 2° les chefs, qui se comportent comme ces patrons richissimes qui en veulent toujours plus au détriment des ouvriers et de l’environnement ; 3° ces femmes qui ne peuvent vivre une sexualité normale, image de l’aversion pour tous ces LGBT+ qui sont présents dans la foule; 4° cette fille qui meurt comme tant d’enfants étouffés dans leurs réseaux exigus et sans espoirs.
Jésus n’a pas hésité à entrer dans la vie de ces gens, à manger avec eux, à marcher avec eux, à les toucher, à les relever, en partageant sa force de vie au-delà de ce qu’il attendait. Alors, toi, nous, quelle norme franchir pour vivre la compassion et la partager à ceux qui en ont le plus besoin ?