- Accueil
- Articles
- 2025
- Prédications
- 27/04/2025 -Jean-libérés de la mort
27/04/2025 -Jean-libérés de la mort
Partage
prédication donnée à Beauchastel
Quand on entend tout ce passage d’une traite, cela peut nous laisser plusieurs images, plusieurs impressions, qui ne sont peut-être pas ce que nous attendions de prime abord. Ainsi, j’ai été attiré par le fait qu’au moment où Pierre et le disciple-aimé entrent dans le tombeau, il est vide – il n’y a pas d’anges, ni 1 ni 2, personne à qui parler ou qui nous dit ce qui se passe. Il n’y a que des morceaux de tissus ensanglantés ; mais cela suffit à l’un des disciples pour croire. Ils sont en retard, et peu loquaces.
Autre sujet étonnant, c’est la place de Marie-Madeleine : son histoire occupe 10v, soit le tiers du passage. Alors qu’il n’y a que 8v pour Pierre et le disciple-aimé, et 6v pour l’histoire de Thomas, et 3v pour la rencontre des disciples avec Jésus. La place de Marie-Madeleine est donc importante.
C’est elle qui est nommée dès la 1e phrase : elle part à l’aube, et ne se pose pas de question sur l’ouverture du tombeau, elle ne porte rien qui ressemble à des aromates, puisque le corps de Jésus est déjà embaumé : Nicodème avait apporté un mélange d’environ 30 litres de myrrhe et d’aloès, et avec Joseph, ils avaient lié le corps de Jésus avec des bandelettes en y incluant les aromates, comme les Juifs ont coutume d’ensevelir — écrit Jn: 19v39-40.
Marie arrive devant la tombe, et constate son ouverture, dont elle tire une interprétation personnelle, qui la crucifie davantage dans le malheur. Elle raconte à Pierre et le disciple-aimé son désarroi, et les 2 apôtres reçoivent son témoignage sans poser de question : cependant ils vont vérifier, et ils voient : ce qui laisse Pierre de marbre – on ne sait pas ses pensées – et l’autre disciple crut, même s’il ne comprend pas ce qu’il croit, écrit Jn !
Marie les a suivis, en larmes; elle regarde à son tour, et voit 2 anges, qui ne lui annoncent pas la résurrection – comme dans les autres Ev., mais l’interrogent sur son drame. Quelle est la raison de tes larmes ? Et Marie de répéter ce qu’elle a dit aux disciples, Ils sont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. Elle se détourne et voit un homme qu’elle prend pour le jardinier – concierge, et le même dialogue s’instaure, jusqu’à ce que Jésus appelle Marie par son nom.
Marie est complètement retournée, chamboulée : elle contemple Jésus lui-même, bien qu’elle ne le reconnaisse pas totalement. En utilisant le titre de “rabbouni”, mon maître/enseignant préféré, elle dit à la fois son désir de le retrouver comme avant, et la nouvelle relation qui s’instaure avec Jésus, plus intérieure. Alors Jésus lui donne 2 ordres précis: d’abord, Ne me retiens pas, ne t’attache pas à moi, cesse de t’accrocher à moi. C’est important; la difficulté de Marie, c’est de faire le deuil de son histoire passée avec Jésus, qu’elle pensait préserver grâce au tombeau et au corps de Jésus, mais il a disparu : ils ont pris Jésus, je ne sais où ils l’ont mis, dit-elle par 3 fois; or la triple répétition ouvre à une libération, dans les Evangiles, comme pour le reniement de Simon-Pierre et sa réhabilitation (chap 20). Son Rabbouni ne doit donc pas valider un conservatisme, mais la toute nouvelle orientation de l’existence que Jésus va permettre.
Et le second ordre de Jésus est d’aller vers ses frères pour leur parler. Jésus n’a jamais été aussi proches de ses disciples que depuis la résurrection, ils sont ses frères. Et la mission de Marie est de dire que Jésus monte vers leur Père et leur Dieu. Elle obéit et dit simplement aux disciples : J’ai vu le Seigneur et il monte vers Dieu. Elle ne s’accroche plus, et personne ne conteste son témoignage : Est-ce à cause de son attitude stable, épanouïe de magdala qui veut dire tour, comme Simon a le surnom de Pierre ?
Et pourtant ! En ce premier soir de Pâques – bien que Marie leur ait dit le matin même : J’ai vu le Seigneur, et que le disciple-aimé ait cru en voyant les linceuls pliés – les disciples sont toujours blottis derrière les portes verrouillées de la chambre haute où ils ont mangé la dernière Cène. Ils ont peur de la mort, tout comme Marie était prise dans l’étau de la mort. Jésus a libéré Marie, et il vient libérer les disciples : ses premiers mots aux disciples craintifs et cachés sont: La paix soit avec vous ! Ce sont plus que la simple salutation traditionnelle, Shalomaleichem; dans son discours d’adieu (14), Jésus leur avait dit que la paix était son cadeau d’adieu, et que ce cadeau n’est pas la paix que le monde donne. Car la paix que le monde donne est un équilibre du donnant-donnant, un piètre réconfort pour ceux qui ont peur et se sentent poussés à se cacher.
Et la paix s’installe dans les cœurs craintifs, lorsque Jésus montre les blessures de sa crucifixion. Oui, c’est bien lui, le Jésus d’avant mais différent car mort et sorti de la mort. Jésus peut alors souffler sur eux l’Esprit Saint, et les envoyer poursuivre sa mission : apporter sa vie, sa lumière, sa vérité et sa paix à ceux qui n’ont pas eu l’occasion de le connaître sur terre; leur mission est d’offrir son pardon et ne pas retenir le passé, de laisser partir, de tourner la page – comme pour Marie, puis Pierre. Et aussi Thomas ! contrairement au disciple-aimé, il ne croit pas, ni Marie ni les autres. Il n’est pas exclu du groupe pour autant, et se présente le dimanche suivant, et là il est mis au défi par Jésus-même de mener à bien son programme de vérification.
Quel est donc son problème, à Thomas ? Il ne fait confiance qu’à son mode personnel d’analyse, il ne fait pas confiance à ce qu’il entend et voit de ses amis. Les ragots, pas de problème, mais quand ça parle de la vérité et de la vie, c’est autre chose. Ce dont il a besoin, c’est contrôler lui-même l’événement, surtout quand le message ne concorde pas avec ce qu’il sait ou croit savoir. Il n’est donc pas bien différent de Marie, mais il l’exprime autrement, par le défi et non par le désarroi. C’est pourquoi l’un comme l’autre nous ressemblent beaucoup, selon qu’on soit dans le déni de la maladie, du malheur subi, de la mort, ou le déni du sens que peut donner un autre que soi-même à la vie, la mort, et la confiance.
Et pourtant, nous avons grâce à Marie et Thomas, 2 confessions de foi superbes, l’une plus féminine ou plus intime, Rabbouni, l’autre plus altière, mon Seigneur et mon Dieu. Mais l’une et l’autre disent la relation nouvelle qui s’établit avec Jésus ressuscité, à la fois celui reconnu à travers ses plaies et sa souffrance, et inconnu ou tout autre, par la nouveauté de sa vie divine.
Je termine ces quelques réflexions en soulignant que Jésus ne rejette aucun d’entre eux, car il a fallu que chacun des disciples le voie et le touche jusqu’à effleurer ses cicatrices, afin de se réjouir et de vivre en paix. A chaque fois, il encourage à cheminer, à évoluer, à progresser dans la relation nouvelle avec lui, et à porter vers d’autres humains, l’espérance et la confiance qu’il suscite en chacun de nous. Alors, qu’allez-vous lâcher et dire en rentrant chez vous ??