1/09/2024 : Saison d’espérance pour la création

Prédication du 7 juillet 2024 par le pasteur Marc LABARTHE

Romains 8, 19 à 26

La vision proposée par Paul d’une création qui soupire et souffre les douleurs de l’enfantement (8,22) est régulièrement citée dans les exhortations faites aux chrétiens en vue d’un engagement pour la sauvegarde de l’environnement. C’est une définition qui évoque, par une image féminine, maternelle, la naissance proche d’un enfant. Une image qui évoque la souffrance des contractions, d’un intensité variable selon la femme qui accouche, un peu comme les catastrophes dans le monde sont variables selon les lieux et les saisons. Il ne faut pas tirer l’image au-delà de ce qu’elle suggère, parce que Paul précise d’autres points qui ne peuvent pas s’intégrer à ces heures particulières de l’accouchement.

Mais comme tout bon lecteur de la bible que vous êtes tous, j’espère que vous avez déjà repris et relu ce passage, et que vous avez lu les v. qui précèdent et qui suivent, et que vous avez aussi regardé les notes en bas de page qui vous renvoient à quelques autres textes bibliques. Parce que toute interprétation univoque, massive, doit encourager le chrétien à méditer sur la cohérence du propos. C’est une démarche normale, une attitude positive qui ne peut que vous faire du bien. Ainsi vous aurez une vision un peu plus large de ce texte, ne serait-ce qu’en lisant le chap 8 en entier, et si vous avez le courage, reprenez au ch.5. En le faisant en couple ou avec d’autres, c’est bien plus enrichissant, même lorsque vous écoutez des avis un peu différents du vôtre et que vous n’empêchez pas l’autre de les dire…

Paul s’investit lui-même dans une conviction profonde, en disant (v18) J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas comparables à la gloire que Dieu nous révélera. Et il explique sa compréhension de ce qui se passe — les forces mauvaises qui engendrent le malheur, et ensuite l’espérance à venir de la libération définitives de ces forces. Puis il avance une proposition en nous savons,(22) pour exprimer une opinion commune et en général admise, à savoir que la création souffre et aspire à autre chose d’une part, et qu’il y a un bien promis aux enfants de Dieu, bien auquel la création prendre part aussi.

Paul inscrit donc son propos dans une visée qui tout à la fois laisse entendre l’angoisse et la souffrance universelle, et aussi l’espérance en un salut qui se prépare, au delà des difficultés du présent. On appelle cela une vision apocalyptique, une vision qui parle du présent et qui dévoile une partie de ce qui se prépare et qui demeure pour l’instant invisible. Si le monde est proche de sa fin — par ses aspects sombres et douloureux, les croyants, eux, sont appelés à dépasser cette vision négative de l’histoire. Ils sont appelés à interpréter la montée de la crise dans le sens des douleurs de l’enfantement d’un monde nouveau. Et ce monde neuf est le Royaume de Dieu déjà présent parmi les humains qui vivent de l’Esprit du Christ. D’une certaine manière, Paul laisse entendre que l’intervention divine est proche, imminente, d’où l’intensité de son propos afin que ses lecteurs entrent pleinement dans la perspective qu’il y aura un avant et un après ce temps de bouleversement cosmique.

JPSternberger- bibliste régional parti en retraite -nous dit qu’ en Rm 1,20-25, Paul a rappelé le procès des humains qui ont adoré la création, lui donnant un culte plutôt qu’au Créateur. À l’opposé de cette conception de la création comme objet sans vie, recevant une adoration indue, Rm 8 exprime l’idée que l’ensemble du vivant relève de la sphère des créatures, comme l’humain, mais aussi que toutes ces créatures éprouvent, comme les humains, le sentiment d’un inachèvement.

Il est dès lors possible de considérer toutes les créatures et tout ce qui vit, comme autant de vis-à-vis de l’être humain. Animaux et végétaux ne sont ni matière première à exploiter sans frein, ni êtres divins devant lesquelles se prosterner, mais partenaires et associés au projet de vie du Très-Haut ; et ils sont entrainés par l’humain sur un même navire, pris dans la tempête actuelle.

Cependant, Paul apporte un regard nouveau au milieu des discours apocalyptiques qui traversent les médias juifs et païens de son époque. Son discours se retrouvera dans les Evangiles et le livre de l’Apoc – rédigés après ses lettres. Dans un premier temps, il assume le message au sujet des douleurs présentes de la création, qui annoncent d’une certaine manière son agonie, sa mort ; mais il retourne la situation en disant que c’est la préparation d’un enfantement ! A sa façon, Paul annonce que ces terribles crises préparent la venue d’un autre monde, et qu’il est en train de naître sous nos yeux.

Pour Paul, malheurs et catastrophes attendent ce monde et la planète, mais pas pour une destruction sans espérance ; tout le message de sa lettre s’appuie sur l’événement de la croix, qui vient renouveller en profondeur notre compréhension du monde et de ses malheurs. Scandale et folie, la mort et la résurrection du Christ signifient que la grâce de Dieu et le don de grâce d’un seul être humain, Jésus-Christ, ont abondé pour la multitude (Rm 5,15). Folie et scandale, cette Pâque nous donne de percevoir une information nouvelle, le souffle qui anime déjà ce monde en souffrance, et lui ouvre un avenir. Ce souffle, l’Esprit saint, nous donne de pouvoir nommer le Père, de reconnaître le Ressuscité, et à travers lui, découvrir qu’une nouvelle création voit déjà le jour.

Il y a 2000 ans déjà, Paul considérait en effet l’imminence d’une apocalypse globale – comme beaucoup de nos contemporains s’y attendent. Mais son espérance fondée dans le Christ Ressuscité, ouvre une autre perspective que la dissolution. Une création nouvelle se prépare, que l’humain accueille déjà en lui-même, lorsque Jésus Christ est son Seigneur ; elle permet aux chrétiens de restés engagés dans des actions auprès des humains comme de toute créature, afin de préparer l’arrivée de ce Royaume, sa manifestation complète. Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. Amen

 

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