20/11/2022 : Christ Roi Unique

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Luc 23, 33 à 49     Colossiens 1,12-20

Jésus Roi des Juifs – le crucifié est roi.

Quelle est la représentation que nous nous faisons de la croix de Jésus, de Jésus crucifié ? Les textes qui nous présentent la crucifixion, dans les 4 évangiles, n’ont pas grand chose à dire, et ce que nous présente le cinéma est bien plus efficace : la violence des soldats, les cris de douleurs, le sang qui coule, le halètement douloureux des hommes suspendus, les paroles moqueuses ou désespérées des quelques passants. Le réalisme du cinéma veut toucher l’émotion, les sens, et faire couler nos larmes, nous bouleverser par l’intensité des souffrances représentées, en nous culpabilisant au maximum, puisque le message sous-jacent est bel et bien que nous y avons échappé grâce à eux, à lui.

Cette lecture de la croix fait croire que c’est la souffrance extraordinaire de Jésus qui va opérer le salut. En quelque sorte, le salut du monde dépend de la quantité de souffrances (densitié) vécue par Jésus. Les chemins de croix de l’église romaine en sont la tradition la plus aboutie. Mais certains évangéliques américains en sont aussi friands. JésusChrist roi sanguinolent ! 

D’un autre côté, Jésus sur la croix peut aussi s’affranchir de tout ce côté sanguinolant. Jésus est élevé sur la croix comme on prend l’ascenseur pour s’élever de quelques étages. L’év selon Jn dit que Jésus retourne vers son père par ce moyen-là. C’est un peut bizarre, mais Jésus dit lui-même qu’Il est l’acteur de sa mort, de sa Passion, comme il l’a été de toute sa vie : Personne ne me prend la vie, mais je la donne de ma propre volonté. Jésus sur la croix est déjà au-delà de toute souffrance, il est déjà dans la gloire de l’après, dans la plénitude de l’amour du Royaume et de la Résurrection.

Cette lecture de la croix n’invite pas à imiter les souffrances de Jésus, mais à recevoir la vie en plénitude qui échappe à la mort. La croix n’a presque pas d’importance, la mort est à peine un nuage dans une journée de soleil. Certaines icônes orthodoxes en expriment toute la sensibilité par leur structure sans aucune émotion. JésusChrist Roi impassible !

Entre ces deux représentations très opposées, les Réformateurs ont tranché, en supprimant les crucifix et les icônes, et ne gardant que la croix… Une croix vide, sans corps, pour bien montrer que l’essentiel n’est pas dans la contemplation morbide d’un crucifié sanguinolent, ni dans l’adoration d’un Christ qui n’a que faire de la mort, mais que l’essentiel est dans l’annonce de la résurrection d’entre les morts, et des conséquences pour chaque croyant. Mais les Réformateurs ont aussi répondu à la problématique de leur temps, qui était l’angoisse du péché, du malfaire, de la révolte contre Dieu, et ils ont mis l’accent sur la repentance : tous les cultes commencent avec ce sujet-là, encore aujourdh’ui ! 

Nous devons apprendre à nous défaire de cette gangue qui étouffe nos églises, parce que plus personne n’a vraiment l’angoisse du malfaire dans sa vie. Nous devons répondre à d’autres questions, d’autres expressions du malêtre des humains, qui sont celles de notre époque, avec le développement de l’hégémonie des quelques patrons surpuissants et les ravages de la nature. 

Luc, comme les autres Evangiles, n’insiste pas sur les tourments ni les tortures de Jésus. Il va moins loin que Jean dans la maîtrise de la situation par Jésus. En racontant Jésus sur la croix, il va donner du sens à sa mort, par les paroles que Jésus a pu prononcer, pour que chaque lecteur ou auditeur de son évangile puisse affirmer, à la suite de l’officier romain : Cet homme était vraiment bon, réellement un juste.

Luc a mis en valeur 3 expressions de Jésus dans ce temps de la croix. Ces 3 paroles sont des paroles qui mettent les humains en relation avec Dieu, et leur permettent de dépasser les clivages mortifères.

La 1e est adressée à Dieu au sujet des bourreaux : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Jésus, condamné à mort pour blasphème (envers Dieu, les autorités) — comme tant de chrétiens de par le monde — va vivre jusqu’au bout cette réalité du pardon qu’il ne cessait de donner, de la part de Dieu, à tous ceux qui croisaient son chemin. Il avait donné l’ADN de ses convictions et de son comportement à ses disciples : Ne rendez pas le mal pour le mal, mais pardonnez à ceux qui vous persécutent. Sur la croix, il applique cela, en englobant dans ce pardon tous ceux qui ne pouvaient accepter que Jésus le donne au nom de Dieu aux hommes et femmes qui en avaient besoin. Cette parole indique que sa mort inscrit le pardon de Dieu et sa grâce, aux points les plus névralgiques de chaque être humain. 

La 2e est adressée à l’un des bandits crucifiés à ses côtés : Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. Le paradis n’est pas continuer sa vie dans un beau jardin, mais recommencer sa vie, une création nouvelle. Jésus l’assure ainsi que sa mort sur la croix (à Jésus !), ouvre à une création renouvelée de la vie, un nouveau départ, loin des enfers vécus sur la terre, lorsqu’on lui fait confiance – souviens-toi de moi. Au-delà du repentir, c’est la relation établie qui compte, relation avec Dieu créateur, par Jésus !

La 3e est criée à Dieu: Père, entre tes mains je remets mon esprit. Pour Luc, ce moment du dernier souffle témoigne de la confiance totale envers le Père, en tant que source de la vie. Tout au long de son ministère, Jésus n’a cessé de vivre et de manifester cette confiance fondamentale en la bonté de Celui qu’il appelait Père. Cette ultime parole de confiance pour le souffle de vie, permet d’une part de remettre toute sa vie entre ses mains pour aller de l’avant, même au moment de la mort subie, quelle qu’elle soit; et d’autre part, elle permet de maintenir la relation, d’assurer le chemin que la mort ne peut pas interrompre, quoi que fassent les bourreaux. 

Par ces 3 paroles retenues par Luc, Jésus établit un lien unique avec le sens de notre existence dans un monde en sursis : l’ignorance des humains quant aux actes qu’ils commettent a besoin d’un pardon radical; cela ouvre au possible recommencement de la vie comme dans le paradis; et il s’agit d’accepter que le souffle de vie vienne du Père, le créateur, et qu’il donne à ce souffle toute l’énergie nouvelle dont il a besoin pour entrer dans cette nouvelle création et accepte la connaissence venant de Dieu.

JésusChrist Roi du pardon, de la création nouvelle, du souffle de vie nouveau. C’est bien cela que nous devons apprendre, redécouvrir. Qu’il en soit ainsi.

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