2/01/2022 : Etranger et Mage

Prédication du 17/06/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Matthieu 2v 1 à 12

Et revoilà les sages. Ou ces Rois mages comme une tradition populaire s’est mise à en parler : pourquoi des rois ? parce qu’ils sont riches ? parce qu’ils rencontrent Hérode ? parce qu’il faut que les rois des nations (Ps71) viennent aux pieds du Messie ?  On dit aussi des savants, venus de l’Est et qui suivent une étoile complètement farfelue : elle apparait, disparait, réapparait ; et ces mages persans, recherchent un enfant, né roi des Juifs. Nous avons tous des visions de cartes de Noël et de crèches, avec des chameaux portant de l’or, de l’encens et de la myrrhe (Es.60.6). Oui, nous connaissons bien l’histoire. Est-ce bien vrai ?

Dans une lecture biblique, il y a bien souvent quelques détails sur lesquels nous passons bien vite, quelques détails qui éclairent l’histoire plus largement, quelques détails qui ajoutent de la richesse et du sens au récit, quelques détails qui pourraient apporter une épiphanie renouvelée pour nous tous.

Commençons par les mages. Le détail le plus surprenant sur les mages est qu’ils étaient des étrangers, des païens, des non-juifs. Ils sont répérés comme tels. Et ils n’ont probablement pas été accueillis comme des visiteurs bienvenus. Souvenez-vous, c’est une époque où, pour les Juifs, vous êtes soit un Juif, soit un païen, vous êtes l’un des élus de Dieu ou « un autre ». L’écrivain de l’Ev. selon Matthieu place ce détail au premier plan, en faisant errer les mages à travers Jérusalem à la recherche de quelqu’un qui pourrait leur fournir des informations au sujet de l’enfant né roi des Juifs.

Le second détail important que nous avons tendance à négliger concerne le roi Hérode, également un païen. Lorsque le roi Hérode a entendu des rumeurs au sujet d’étrangers à la recherche d’un roi, et que ce n’était pas lui qu’ils cherchaient, il est devenu nerveux. En fait c’est plus que nerveux, notre texte dit qu’il a été « effrayé ». Et chose surprenante, Mt ajoute que tout Jérusalem est aussi effrayé. Est-ce la même frayeur de part et d’autre ? ou la population est-elle effrayée de la réaction meurtrière qui peut saisir le vieil Hérode? 

En ce qui concerne Hérode, le roi est effrayé parce qu’il est un schizophrène paranoïaque : il a assassiné sa propre femme, un fils et deux petits-enfants – il pensait qu’ils regardaient avec trop d’envie, le trône qu’il occupait.

Ainsi, la nouvelle qu’il pourrait y avoir un autre roi quelque part, qui pourrait le supplanter, est suffisante pour amener Hérode à penser comment il pourrait éliminer la menace perçue. Or c’est là qu’un détail intéressant entre en vue. C’est un détail qui vient juste après que le roi Hérode a convoqué des grands-prêtres et des scribes pour savoir d’eux où se trouve le «Christ» qui doit naître.

Voyez-vous, les mages recherchent l’enfant né « roi » des Juifs. Qui a parlé de la naissance de cet enfant comme étant « le Christ » ? Le mot pour « roi » est « basileus », c’est le mot que les mages utilisent. Le mot pour « Christ » est « Christos », c’est le mot qu’utilise Hérode. Deux mots très différents et distincts. Le fait qu’Hérode utilise le mot « Christos » suggère qu’il considère cet enfant comme plus qu’un simple roi. Hérode considère l’enfant-né comme « le Christ », le Messie, le Sauveur. Ainsi, dans l’évangile selon Mt, nous apprenons que le premier païen à identifier Jésus comme le Christ est le meurtrier Hérode ! 

Je pense que le but de Mt en nous fournissant ce détail est d’attirer l’attention sur le fait qu’entre les mages et Hérode, les seules personnes qui ont reconnu Jésus comme roi et comme Christ sont des étrangers. Les initiés, comme les grands prêtres et les scribes, n’ont pas rassemblé les morceaux, pas plus que la population juive en général. De plus, Mt nous amène à voir deux réponses distinctes à l’identité de Jésus. La première vient des mages qui apportent des cadeaux et désirent rendre hommage à l’enfant né roi des Juifs. La deuxième réponse vient d’Hérode qui veut tuer Jésus avant que quelqu’un d’autre ne le reconnaisse comme le Christ. 

L’interprétation classique de cette histoire dit que les mages nous représentent, ils viennent de « toutes les nations ». Cela nous rappelle comment Mt termine son évangile – avec le Christ ressuscité ordonnant à ses disciples d’aller faire des disciples de « toutes les nations ». Mais c’est passer un peu vite sur Hérode.

Car si nous l’intégrons à cette histoire, alors nous avons dans les mages et dans Hérode, comme un choix existentiel placé devant nous. Recevrons-nous notre Roi Jésus avec joie et générosité, ou essaierons-nous de tuer le Christ ? Matthieu expose habilement ce choix et ne nous offre aucune marge de manœuvre. Il n’y a pas de 3e voie ici.

Bien sûr, comme Hérode et d’autres le découvriront, vous ne pouvez pas tuer définitivement le Christ. Néanmoins, nous sommes confrontés à un choix quotidien, heure par heure, minute par minute – un choix qui dit au monde qui nous sommes, et ce que nous croyons, et quelles étoiles nous suivons, et à qui nous appartenons.

Notre histoire se termine lorsque les mages sont avertis par Dieu dans un rêve de ne pas retourner vers Hérode, mais de rentrer chez eux par un autre chemin. Nous avons encore là une manière très succincte et subtile de Mt, pour nous dire que toute rencontre fidèle avec le Christ, le roi, aboutit toujours à un changement de direction, un changement de vie : il est roi de nos vies, renversant le prince du monde…

AMEN

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