5 février 2023 : Jésus et la croix

Méditation du 5 février 2023 par le pasteur Marc LABARTHE

1 Cor 2.1-5 + 7-8 + 13

Nous vivons une époque ou les techniques et les sciences sont omniprésentes dans tous les domaines de la vie (médical, communication, associatif, humanitaire, militaire, réseaux sociaux, jeux vidéos etc). Nous pouvons nous réjouir des avancées spectaculaires dans qlq domaines — la téléphonie et le médical en particulier — et nous pouvons aussi garder un certain recul critique.

Car l’évangile de Jésus Christ nous exhorte à sortir de notre fascination, et de nous interroger. C’est peut-être plus facile à notre âge avancé, qu’à 15, 20 ou 40 ans : Quelles sont les ambitions qui motivent la recherche, le progrès, dans tous ces domaines ? est-ce le refus des limites humaines ? le désir promothéen d’aller toujours au-delà de ce que nous sommes ? La quête d’une toute puissance ? Le désir légitime de supprimer un certain nombre de souffrances ? Le combat pour améliorer le quotidien de tous ? Le plaisir d’améliorer l’échange social ? Tout cela et bien d’autres choses habitent les chercheurs et les promoteurs. Et pour certains s’ajoutent des motivations égoïstes, avec ceux qui les paient dont les intentions sont bien autres que d’éradiquer une maladie ou de réussir la bonne communication des humains entre eux. Les dérapages autour du vaccin anti-covid ainsi que le tout-internet avec nos avatars en sont des expressions récentes. Ces aspects malsains viennent se mélanger aux succès rencontrés, confortant l’orgueil des uns, au détriment du projet initial.

A côté de ces aspects, il y a aussi le langage et le discours, jusqu’à la publicité ; le bien-parler d’un enseignant, d’un médecin, d’un accompagnateur, fait du bien lorsque cela vient combler une attente, conforter une idée, ou consoler dans un moment de peine. On pourrait continuer à relever les succès spectaculaires des discours politiques, sanitaires, et religieux comme la philosophie orientale, mélangeant spiritualité et effort sur soi.

Alors, face à tout cela, quel poids peut avoir la parole de l’evangile ? D’ailleurs, que nous dit la bonne nouvelle de Jésus ? Que Dieu se révèle au cœur de nos limites humaines, en particulier dans nos échecs et nos incapacités. Quel plus grand raté que de naître dans un abri à bestiaux peu accueillant, au lieu du palais de David à Jérusalem ? quel plus grand échec encore, que celui d’un condamné à mort, méprisé dans la foule qui le conduit au supplice, élevé sur la croix pour y perdre le souffle de vie — quel échec aux yeux des hommes de tout temps ! Et c’est lui notre modèle, notre référence absolue !

Les premiers disciples juifs de Jésus ont osé affirmé, sans les artificles du langage, que c’était Dieu lui-même qui, en Jésus-Christ, réconciliait le monde avec lui-même, ne tenant plus compte du péché des hommes. C’est ce message de réconciliation qu’il a mis sur nos lèvres et nous a chargés de proclamer publiquement écrit Paul en 2Cor.5.

Dieu se révélant dans un crucifié – inconcevable, car aucune autre religion ne met en avant à ce point la mort, aucune pensée humaine n’avait osé aller si loin dans ce qui est compris comme un blasphème contre Dieu, sa toute-puissance, son honneur, sa gloire. Or cette présence de Dieu avec le crucifié, permet de rejoindre les personnes les plus écartées de la vie en société, les plus méprisées par nos discours et nos systèmes politiques, sociaux, médicaux, et techniques. Dans ce malheur mortel, Dieu me donne de me découvrir rejoint, accepté et aimé dans tout ce que je suis, jusque dans mes limites et contradictions.

Face aux systèmes et aux concepts de l’intelligence humaine non renouvelée par l’Esprit qui se développaient à Corinthe, Paul ne s’annonce pas avec une nouvelle philosphie, mais avec une personne, Jésus-Christ, et un fait décapant, la croix. Agissant ainsi, l’apôtre ne fait pas de JC† un “nouveau” maître spirituel, ni un philosophe de la sobriété, ni un faiseur de miracles susceptible de plaire aux foules. Seul l’Esprit de Dieu peut donner à JC† la puissance de Dieu (v4).

A son époque, et tout autant aujourd’hui, l’intelligence humaine ne trouve aucun attrait dans la croix de Jésus, elle exprime tellement de faiblesse, de souffrance, d’ignominie. La croix échappe à tout système, à toute prise, car il n’y a en elle plus de méthode, plus de savoir-faire, plus de recette miracle pour nous en sortir.

Et c’est vrai même pour les chrétiens et les églises. Et cela dès les Actes d’Apôtres, jusqu’à nos jours, quelle que soit l’église d’ailleurs, même si certaines sont plus prisonnières que d’autres. Toutes les églises ont tenté de canaliser le message de la croix, en faisant de la croix l’outil de leur puissance et du contrôle des hommes. Elles ont toutes mis en forme une méthode de conversion puis celle de l’édification, au nom du Christ, dont les administrateurs est une caste à dominante masculine.

L’annonce de Jésus et la croix nous placent devant l’appel de Dieu de manière régulièrement nouvelle. La croix de Jésus est une parole visuelle qui détonne dans le monde. Parce que son efficacité n’est pas rentable, elle ne vient que de l’action manifeste et puissante de l’Esprit de Dieu. Parce que Dieu démontre un amour complet, et nous offre le salut. Il prend l’initiative. Il vient à notre rencontre. Sans condition préalable, sans artifice ni manipulation. Il ne prend pas un pouvoir totalitaire sur nous. Pour l’apôtre, l’évangile ne peut avoir de rapports avec les prétentions de l’habileté humaine, quelque domaine qu’il recouvre. Il est purement une démonstration de la puissance de Dieu. Le moyen choisi pour annoncer l’évangile doit correspondre à la vérité de Dieu.

Alors, que reste-t-il à Paul s’il renonce aux armes des beaux discours ? Et si nous suivons Paul dans ce refus, que nous reste-t-il ? Uniquement la faiblesse, la crainte et l’inquiétude ; faiblesse-car pas de prise de pouvoir sur quiconque; crainte-car pas d’égoïsme envers quiconque; inquiétude-car pas de privilèges par rapport à quiconque. Et cela libère de l’obligation de dominer, de contrôler, de calculer, de posséder (même un temple !) afin que Dieu lui-même manifeste sa paix, sa force, sa joie, son amour.

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