15 octobre 2023 : être bien vêtu !

Prédication du 15/10/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Esaïe 25, 6-10     Matthieu 22v 1 à 14

Le point de départ de la parabole, c’est l’interpellation virulente qui interrompt l’enseignement de Jésus dans le temple de Jérusalem : au ch. précédent, (23) au temple pendant qu’il enseignait, les grands prêtres et les anciens du peuple vinrent lui demander : De quelle autorité fais-tu cela ? Qui t’a donné cette autorité ? Et Jésus de leur donner 3 paraboles successivement, celle du Père et de ses 2 fils, celle du patron viticulteur spolié par ses vignerons, et enfin celle-ci à propos d’un mariage princier. A chaque fois, Jésus cherche à interpeller les autorités qui le rejettent, ces personnes qui disent non, qui refusent, jusqu’au meurtre, et qui tentent de cacher leur mainmise sur les gens par la religion moraliste. Et Jésus termine en montrant que Dieu agit bien autrement qu’avec la rétribution ou la vengeance.

Dans cette 3e parabole, Jésus introduit une nouveauté : il commence par dire que c’est une comparaison, une ressemblance avec le royaume des cieux. Avec l’histoire qui va suivre, Jésus nous demande clairement de voir du point de vue du Palais Royal, de nous placer du côté de l’homme-roi, précise le grec. Et partant de cette situation d’un régime royal, il donne, comme pour les précédents récits, des allusions plus ou moins directes à l’histoire du peuple avec son Dieu, et qui font écho à notre actualité.

Ce homme-roi prépare les noces de son fils —que l’on ne voit jamais—, et l’on peut imaginer ce repas avec ce qu’en a dit Esaïe ! Or, lorsque le roi envoie des invitations à toutes les personnes importantes, une chose étrange se produit : personne ne veut venir. Le premier refus est dur : ils ne veulent pas. Ces gens ont choisi volontairement de ne pas répondre à l’invitation. Le roi ne se décourage pas, il insiste et argumente, met en lumière la fête qui est prête -v4. Le 2nd refus utilise un autre verbe, celui de ne pas s’inquiéter, marquer l’indifférence, s’en ficher. Comme on le fait pour ces appels téléphoniques auxquels chacun répond pas intéressé ! et raccroche.

Et Mt de donner quelques échos de ce qui intéresse les invités : ils s’en vont, l’un à son champ, l’autre à ses affaires. D’autres encore s’emparent des serviteurs, les maltraitent et, finalement, les massacrent.v5-6. L’Ev selon Luc accentue ces priorités choisies par les invités, en les faisant parler. Chez Mt, les choix ont été fait lors du premier refus, et tout ce que le roi peut faire briller à leurs yeux et leurs papilles, n’y changera plus rien. Par les refus manifestés, ils montrent à tous, ce qu’ils pensent de leur roi : Ils le méprisent ! Et mépriser son roi, c’est détrôner ce roi dans son cœur, c’est donner sa place à quelqu’un d’autre. Devant la violence de ces révoltés et indifférents, le roi envoie ses troupes et rase la ville et tue les meurtriers — ce que l’humain répète jusqu’à aujourd’hui (2023/10) n’est-ce pas ?

Cela semble radical, pour des populations aussi sympas et innocentes que nous. Mais restons dans la parabole. Le fait est que si ce roi est le seul qu’il faut connaître pour entrer dans le Royaume des cieux, alors ces gens sont morts le jour où ils ont transféré leur fidélité à un autre. Par ce choix, ils ne sont plus que des morts-vivants, et la colère du roi peut concerner la puissance de mort qui les a entraînés dans la révolte.

Jésus a repris sous une autre forme le refus des vignerons de la parabole précédente, mais il n’insiste pas sur l’anéantissement ; l’histoire continue : le roi a a besoin d’invités à la noce du prince ! il demande à ses serviteurs d’aller sur les places de la ville, et de là dans les rues et les traverses, pour inviter tous ceux qu’ils trouveront v9. Et ils accueillent dans la salle de noces tous ces gens rencontrés, les bons et les mauvais, dit Mt. Dans Luc, les serviteurs invitent les boiteux et les aveugles, symboles des exclus et des opprimés. Mais ici, c’est le bon et le mauvais. Mt élargit le regard bien au-delà d’une catégorie d’humains; et cela correspond bien à la diffusion de l’Evangile du Christ, qui atteint tous les niveaux possibles et imaginables de l’humanité, touchant le bon et le mauvais.

Et ces bons et mauvais remplissent la salle de noces; ils sont tous attablés, car lors de l’entrée du roi, il observe les convives. Il doit être heureux que la fête puisse enfin se dérouler. Mais voilà qu’un détail l’arrête dans sa marche. L’un de ceux qui a été invité lors de la 3e sortie des serviteurs, et qui est devenu convive, n’a pas endossé le vêtement qui lui a été remis. Il manifeste par là un refus, qui rappelle celui des premiers invités. Mais ce qui change, c’est le lieu où s’exprime le refus, et la manière visible de le dire.

Le lieu, c’est dans la salle des noces du fils – et cela parle à toute l’église de tout l’univers. Chacun est donc interpellé sur ce point-là. Peu importe ses origines bonnes ou mauvaises, ça ne compte pas pour le roi. L’accès a été accordé, mais une fois entré, l’habit de noces, la robe de la mariée n’a pas été vêtue. Lorsqu’il est confronté à cela, le convive est sidéré et ne trouve pas un mot à dire v12.

La façon de participer aux noces est d’accepter l’invitation, de venir dans le palais royal, et enfin de porter l’habit dédié : quel sens donner à cet habit ? Vu la conséquence finale subie par celui qui ne s’est pas habillé, nous comprenons que celui que l’on est, se reflète dans une tenue vestimentaire. L’image est comprise de tous – porter le sweat avec le no de son idole du rugby ou son nom— ça ne date pas de hier, puisque le baptême est une manière de revêtir Christ, et d’adhér à son projet, à son enseignement ; et manger à sa table évoque la Cène, et l’amour fraternel concret. Ce qui permet à quelqu’un de rester pour la noce, ce n’est pas QUI il est, mais DE QUI il est, ce n’est pas ce qu’il fait, mais de qui il reçoit son faire. L’acte même de se débarrasser de son ancien habit (QUI on est) et de revêtir la robe de mariée (DE QUI on est), est un point crucial pour rester dans le royaume.

Le processus qui marque le revêtement nouveau n’est pas expliqué, et il a reçu au cours des siècles de nombreuses expressions. Il s’est appelé le repentir, ou la sainteté de vie ; ou l’amour pratique, ou encore la foi en la grâce seule, et aussi la joie du cadeau reçu d’être invité. Toujours est-il qu’aux noces, et devant le roi, ce “vêtement fait le moine”. L’humain sans ce vêtement visible de tous, montre qu’il a refusé ce que le roi lui a remis pour que la fête soit belle. C’est une offense au roi, et avant de jeter cet individu hors du palais royal, il fait lier ses mains et ses pieds, ce qui confirme le rôle de l’habit de noces : porter témoignage, servir et honorer le fils, sont impossibles sans cet habit ou pieds et poings liés. C’est même un contre-témoignage et un égoïsme orgueilleux.

Et Jésus de conclure encore de façon paradoxale, et c’est le rôle d’une parabole. En effet, la salle de noce est bourrée de convives qui ont pris la robe de mariée, mais un seul d’entre eux est repéré par le roi, tellement il détonne dans la salle. Et Jésus inverse tout cela dans son ultime phrase: Car beaucoup sont appelés, mais peu sont choisis. Déroutant, non ? comme si dans la salle bourrée de convives, la majorité n’avait pas revêtu l’habit noces ! Que veut-il nous dire, à nous qui nous croyons dans le palais et bien attablés pour le festin des noces ? N’est-ce pas une invitation à repérer nos lieux sans habits de noces, pour laisser la vie du Christ les envelopper de sa joie, son pardon, sa paix ? Loin d’être une culpabilisation ou une condamnation, c’est plutôt un encouragement à nous laisser faire par le Christ, à nous laisser porter par l’Esprit de Dieu pour apprendre encore et toujours à recevoir de lui notre vraie manière d’être. Amen

 

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