8 octobre 2023 : Dieu ne se venge pas

Prédication du 8/10/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Esaïe 5, 1 à 10      Matthieu 21, 33 à 44

Vous avez entendu la lecture de cette parabole de Jésus. Et qu’avez-vous retenu ? que vous reste-t-il dans vos pensées ?  et si je vais plus loin, comment avez-vous interprété cette histoire ? Comment avez-vous placé Jésus ou Dieu ou vous-mêmes dans cette histoire ? 

Je vous le demande, F&S: dans la parabole, lequel n’a pas compris que le maître de maison est dieu le Père, que son fils envoyé au casse-pipe est Jésus tué sur la croix, et les vignerons ces humains rebelles, égoïstes et ingrats ? Si quelqu’un a compris autre chose, qu’il vienne le dire et poursuivre le message…

Cette manière de lire est problématique d’une part, et dangereuse d’autre part : problématique, parce que si nous faisons du propriétaire terrien un Dieu, alors il se révèle être un tyran qui finit par écraser son opposition ; et ce n’est plus l’Evangile qui sauve, puisque le Dieu que nous connaissons comme notre père aimant, ne riposte pas et ne détruit pas ses enfants à problèmes; il a ramené Jésus de la mort vers la vie afin que cette vie-là nous rejoigne. Nous ne serions pas ici ce matin, à recevoir encore une fois son pardon – et depuis le temps que vous venez, cela a dépassé 70×7 fois de pardon — y avez-vous pensé ?

Problématique donc, et dangereuse, parce que ce n’est plus une parabole, mais c’est alors une allégorie. Et quand c’est une allégorie, l’interprétation dérape vite avec des accusations directes, comme l’ont fait plusieurs pères de l’Eglise envers les vignerons qui ne pouvaient être que les Juifs qui ont crucifié Jésus : ils ont tué le fils de Dieu, ils sont donc déicides, et l’Eglise peut donc les faire massacrer avec joie. De nos jours, certains enseignent que les vignerons sont ceux qui touchent à la morale sexuelle, ou les communistes athées, ou les islamistes… Et il est évident que Mt pousse dans ce sens à la fin de la parabole, jusqu’à ajouter que les anciens et les prêtres se sentent visés par ses paroles sur la pierre rejetée devenue principale; et les théologiens disent aussi que Mt régle ses comptes avec les Juifs de son temps qui persécutent l’Eglise naissante.

Pourtant malgré ces insinuations visibles, Mt commence bien par écrire que Jésus raconte une autre parabole qu’il s’agit d’écouter. Une parabole rendue difficile par ces liens directs à ce qui va se passer pour Jésus, et nos raccourcis trop rapides et antijuifs primaires. Mais Jésus conclut son histoire du propriétaire viticole, en citant le Ps 118, au sujet de la pierre rejetée devenue pierre principale, ce qui devrait aider à mieux comprendre la parabole, mais ce n’est pas facile quand même. 

Alors voici ce que je vous propose de garder comme essentiel au sujet de cette parabole, pour que vous puissiez mieux en parler dès la sortie du culte, et surtout que vous puissiez en tirer du fruit par rapport à ce que nous vivons dans ce monde.

Jésus raconte l’histoire du propriétaire viticole dont les ouvriers refusent de lui donner la vendange, en molestant et tuant ses mandataires, et même son fils. Remarquez ce qui se passe ici : Jésus interroge son auditoire, il ne fait pas lui-même la conclusion; Jésus demande ce que le propriétaire de maison devrait faire : Et l’auditoire répond, et nous avec, dans un langage assez cru et populaire: il faut les lyncher, les mener à une fin misérable !

Ce n’est pas Jésus qui dit cela. Alors qu’ajoute Jésus ? Il n’invective pas, il n’accuse pas, il ne rejette pas, il n’abonde pas, dans cette vengeance très humaine et qu’a reprise l’Eglise longtps. Il reprend la parole pour dire : N’avez-vous jamais lu  dans les Ecritures : C’est la pierre que les constructeurs ont rejetée qui est devenue la principale, celle de l’angle ; cela est venu du Seigneur, c’est une chose étonnante à nos yeux.

Il y a bien les constructeurs qui ont rejeté une pierre inappropriée à leurs yeux dans la construction-comme les vignerons. Et pourtant, cette pierre est devenue principale; un passif qui laisse entendre que Dieu est à l’oeuvre malgré le refus des bâtisseurs : c’est venu du Seigneur, confirme le ps cité. La maison est construite avec cette pierre, quand même. Et ce revirement est à la fois étonnant, et merveilleux.

Jésus propose donc une autre lecture pour marquer l’intervention du propriétaire viticole. Il sort de la parabole pour citer l’inattendu de la pierre abandonnée utilisée comme pierre principale nécessaire. Ainsi, Jésus refuse le Dieu vengeur et punisseur véhiculé par la culpabilité des humains et induite par la parabole. Au lieu de détruire les assassins qui rejettent et tuent, Dieu utilise la pierre rejetée, Dieu ressuscite Jésus d’entre les morts ; et le pardon est proclamé en son nom. Et si tous ne sont pas troublés par une telle proclamation, s’ils ne veulent pas de ce message et s’en éloignent, ceux qui l’acceptent sont assurés d’une vie nouvelle qui a un sens et une dimension durable. 

Et c’est sur ce basculement-là que se vérifie votre parcours de foi, votre relation au Dieu de Jésus, la joie que vous communiquez autour de vous. Pour illustrer cela, souvenez-vous de la rencontre de Jésus avec ses disciples après sa crucifixion; ils étaient plongés dans la peur, la honte misérable des fuyards. Et qu’a fait Jésus en venant vers eux ? il n’a pas pointé ni dressé de doigt sur eux, il a dit shalom alechem -la paix soit avec vous. Ce que Dieu établit par Jésus à ceux qui l’ont rejeté, ce n’est pas le jugement ni la dénonciation, c’est le pardon et l’amour. C’est la bonne nouvelle. Nous chrétiens, nous sommes des pécheurs rachetés de notre passé, libérés du désir de vengeance et de faire du tort à quiconque. 

Ce n’est facile pour personne que d’accueillir ce principe. Ce peut même être une pierre d’achoppement, un défi, que dans chaque conflit que nous créons, nous puissions considérer la possibilité du pardon et d’une vie nouvelle comme étant l’assurance que Dieu met en nous. La croix est une pierre d’achoppement pour beaucoup qui ne comprennent pas comment nous pouvons éloigner la haine, le retour de bâton, la malhonnêteté. Et même si ces choses se produisent un peu en nous ou par nous, nous pouvons encore laisser la croix de Jésus devenir la pierre principale, pour nous libérer de ces chutes, pour avancer dans la confiance et la paix, oser les gestes de pardon et de réconciliation. Le Seigneur fait cela, et c’est toujours une merveille à nos yeux ! 

 

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