27 août 2023 : Tu es Pierre-Le-Creux

Animation-Prédication du 27/08/2023 par le pasteur Marc LABARTHE

Matthieu 16, 13 à 20

Dans la lecture de ce jour, certains le savent déjà, l’évangéliste Mt, commence ainsi : Jésus, étant arrivé dans la région de Césarée de Philippe, interrogea ses disciples : « Que disent les humains au sujet du Fils de l’homme? »
Encore une question posée par Jésus à ses disciples – il fait du contrôle continu ! Et comme vous êtes tous des disciples assidus de Jésus de Nazareth, celui qu’on appelle le Messie, le Seigneur, alors cette question est aussi pour vous : que disent les humains au sujet du Fils de l’homme ?
C’est pourquoi, vous allez répondre à cette question : Qu’allez-vous raconter à son sujet ? Et aussi à la suivante, et enfin, à une 3e, afin que personne ne reste sur sa faim ! Car vivre sa foi, c’est marcher avec des questions non résolues, et des convictions qu’il faut reprendre de temps à autre, parce que nous évoluons, nous changeons de perspective, et une conviction peut redevenir une question, tout comme une question peut trouver une réponse.
Alors voici le texte que vous aurez entre les mains, ainsi que les questions posées : discutez à plusieurs, parce que ces questions ne sont pas privées, et leurs réponses doivent nourrir l’espérance autour de vous, et les paroles des autres doivent nourrir votre propre foi ; vous avez le droit de bouger, de changer de place, personne ne viendra la voler !
Les feuilles vous sont distribuées, et je lirai le texte une fois que vous l’aurez en main. Lire et entendre vient aider à la réflexion …

LECTURE (version adaptée)
13 Etant arrivé dans la partie de Césarée de Philippe, Jésus interrogea ses disciples : « Que disent les humains au sujet du Fils de l’homme ? » 14 Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie, ou l’un des prophètes. ». 15 Il leur dit : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? [moi être] » 16 Répondant, Simon Pierre dit : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». 17 Répondant, Jésus lui dit : « Tu es heureux, Simon, fils de la colombe [Bariôna] ; car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. 18 Et moi, je te dis que tu es Pierre, et [sur cette pierre] dans cette pierre je creuserai [bâtirai mon église] la demeure de ceux que j’appelle, et la mort [les portes de hadès] ne l’emportera pas sur elle. 19 Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu choisiras de retenir sur la terre sera retenu dans les cieux, et ce que tu choisiras de libérer sur la terre sera libéré dans les cieux ». 20 Alors il recommanda aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.

Q.1  v.13 Que disent les gens au sujet de Jésus – non pas hier, mais aujourd’hui, autour de vous ?

Q.2   v.15 Et vous, que dites-vous de Jésus ? qui est-il pour toi ?

Q.3  v.17-19 Jésus s’engage envers Simon-Pierre, d’une façon particulière, modifiant son nom et l’informant du projet qu’il va réaliser “en sa personne”. L’interprétation classique et catholique n’est pas la seule : Tu es Pierre – phrase écrite en lettre d’or dans la basilique StPierre – n’annonce pas une succession, mais une édification. Le propriétaire ne fait pas de legs. Il organise les relations de cette “demeure”, et conserve les ultimes décisions. Cela ouvre-t-il d’autres perspectives ?

Voir Message ; info : Jér 4,29 + Job 30,6 = keph-incurvé -> kaph-paume  (caverne=MeArah).

Q.Subsidiaire : Jésus interdit à ses disciples d’en parler, comme lors de la métamorphose sur la montagne (Mt 17v9). Mais le contexte de cet échange (aux confins nord du territoire / sur la montagne), tout comme le sujet de ce qui est interdit de raconter (le Messie Fils du Dieu vivant / métamorphose, vision, parole de Dieu), sont différents. Jésus ajoutera une dimension nécessaire et déroutante à la notion de Messie : laquelle ?

Mat 16 v.21-22. à lire ! => arrestation, condamnation, crucifixion, résurrection:

CANTIQUE :
MESSAGE
J’ai repris une bonne partie du message de la pasteure Françoise MESI, dont les analyses éclairent ce texte de manière dynamique.
Et pour commencer, la traduction du v18, au sujet de Pierre, un v qui est une vraie pierre… d’achoppement entre nos Eglises, d’un côté les Eglises ancienes, Orthodoxes, Catholiques et Orientales, de l’autre, la plupart des Eglises qui prennent leurs distances avec l’interprétation fermée qu’ont données les autorités de ces grandes familles chrétiennes.
Pour bien comprendre certains enjeux de ce passage, nous devons nous rappeler que dans la pensée biblique, tous les noms ont une signification. Le nom d’origine de Pierre est Simon. Et ce prénom de Simon a une histoire; elle remonte au conflit entre les 2 épouses de Jacob, les 2 soeurs, Léa l’aînée et Rachel la cadette, préférée de Jacob. Pour corriger ce désamour, la Gn fait enfanter Léa alors que Rachel reste stérile. Ainsi au ch 29.33, Léa devint encore enceinte, et enfanta un fils, et elle dit: L’Éternel a entendu que je n’étais pas aimée, et il m’a aussi accordé celui-ci. Et elle lui donna le nom de Sim’on — shimeon – ce qui signifie en hébreu il – Dieu – a entendu, du verbe shama, entendre. Siméon, c’est donc le prénom qui exprime notre reconnaissance en un Dieu qui entend nos souffrances.
Et voilà que Jésus (= Dieu sauve), donne à “Dieu a entendu” le nom de “pierre” ! Le texte grec du NT utilise le mot petros, le masculin de petra qui, en grec comme en latin, veut dire pierre. Petra est l’étymologie, l’origine du mot pierre en français. Mais à quelle pierre Jésus pense-t-il quand il choisit de renommer Sim’on/Dieu-a-entendu en Pierre ? Un rocher ? Une pierre d’achoppement sur laquelle on trébuche ? Une pierre de construction ? Une pierre tombale ? Une pierre précieuse ?
Le mot grec petra renvoie plutôt au rocher, à la pierre naturelle. Pour parler de pierres qu’on utilise comme pierre de construction, le grec emploie le mot lithos – comme en Mt 24,3 : il ne restera pas pierre sur pierre – lithos epi lithon, pierre pour lapider (lithoboléo), pierre de mosaïque (lithostrôtos), pierre précieuse, etc..
Donc il s’agit plutôt d’un roc naturel. Et là on a un indice supplémentaire avec le nom hébreu qu’on retrouve dans l’Ev selon Jean et dans la lettre de Paul aux Galates. Dans ces deux textes, c’est kephas qui est utilisé, l’équivalent hébreu de petros. Jean 1,42 dit : Jésus, l’ayant regardé, dit: Tu es Simon, fils de Yoan; tu seras appelé Képhas ce qui signifie Petros.
En hébreu, un keph, c’est un roc creusé, comme le mot kaph qui désigne le creux de la main et qui donne son nom à la lettre k qui commence le mot.(image de la lettre hébraïque) Un roc creusé, donc une grotte, une caverne. On ne trouve le mot keph que 2x dans le 1er Testament, pour désigner une grotte ou rocher qui sert de refuge, d’abri.
Donc, quand Jésus dit j’édifierai une résidence pour ceux que j’appelle, il ne s’agit pas de bâtir avec des lithos, mais de creuser dans une petra, creuser le roc.
Et nous avons même un 2nd et précieux indice : Jésus dit : Simon, fils de Yonah. Yonah, en hébreu, ça signifie la colombe. Et dans la langue de Jésus, fils de… est une expression qui définit une identité de nature : quand Mt parle du Fils de l’homme, il renvoie à la nature humaine, et quand il parle du Fils de Dieu, il renvoie à la nature divine. Donc quand Jésus désigne Simon comme fils de la colombe, on pense tout de suite au baptême de Jésus : Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Et voici, les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. (Mt 3,16). Jésus dit à Simon qu’il est fils de l’Esprit.
Et alors, le texte devient plus clair : C’est à la dureté du roc, que Jésus fait référence. Cette dureté est souvent logée dans le coeur, siège de la pensée et non pas des émotions, qui sont dans le ventre selon la pensée hébraïque. Donc si Simon a un cœur de Pierre, c’est en fait une “tête de pierre” : il ne comprend rien à rien. Mais dans cette tête de Pierre, petit à petit, Jésus va creuser un espace pour l’Esprit. Belle image de cette caverne qui se creuse goutte à goutte sous l’effet de la Parole, pour se remplir de l’Esprit. Ainsi la mission de Pierre s’éclaire : l’Esprit va donner à Sim’on-Képhas du discernement. Ce qu’il choisira de retenir ou de libérer sera en phase avec Jésus et son Père.
Voilà donc la résidence que Jésus nous a préparée. Au fil de ce qui lui est donné à vivre, se creuse en Simon-tête-de-pierre, goutte à goutte, une cavité, un creuset, où recevoir l’Esprit – et le discernement qui va avec.
Et alors, si c’est ça que nous pouvons comprendre de ce passage, quelle Bonne Nouvelle ! Cette résidence en creux que Jésus nous propose quand il nous appelle, ce modèle qui nous est donné à suivre, c’est quelqu’un comme nous, une tête dure qui ne comprend pas toujours, mais où la Parole va creuser petit à petit, une place à l’Esprit, pour discerner ce qui convient au Dieu vivant que confesse Simon. Un Dieu vivant qui nous envoie un Esprit contre lequel la mort ne peut l’emporter.
Un Dieu qui a entendu nos plaintes, et qui propose de creuser en nous, malgré la dureté de notre entendement, par sa Parole à laquelle nous nous ouvrons, et qui va petit à petit façonner en nous un creuset pour recevoir l’Esprit, pour bien marcher en ce monde.

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